Du solaire sur les toits, des économies pour l'Etat : levons les freins artificiels au stockage à domicile
Par une décision draconienne, le gouvernement vient de diviser par trois le prix auquel les surplus de l'électricité produite par les installations solaires des foyers français sera racheté.
Baisser les tarifs de rachat est une décision logique que nous, installateur solaire responsable, anticipions et soutenions car ce tarif de rachat était de toute évidence nettement trop élevé. Dans l’énergie, l’histoire souvent se répète, et nous savions qu’un tel mécanisme ne pouvait durer : il y a eu tant de précédents depuis 30 ans ! Nous appelions même à aller plus loin et à supprimer le tarif à moyen terme, pour permettre à des acteurs innovants de proposer des offres répondant aux enjeux de la transition. Pour autant, la baisse annoncée risque d’être trop brutale et d’affecter de nombreux emplois dans la filière, en impactant les projets d'installation de nombreux Français. Reprenons depuis le début.
Cette décision corrige les effets d’un mécanisme de soutien mal conçu, qui désincitait les Français à optimiser leur consommation et les conduisait à l'inverse à déverser leurs surplus massivement aux mêmes heures. Avec, à la clé, le risque d'amplifier les situations absurdes de prix négatifs sur les marchés de gros. Le mécanisme poussait aussi certains installateurs à vanter auprès des clients des profits mirifiques au titre d’une revente de surplus, dont la valeur décroissait à mesure que le solaire se développait.
On peut donc comprendre que dans l’urgence actuelle, l’Etat décide de mettre fin à un système qui lui cause une hémorragie financière qui aurait pu se chiffrer en dizaines de milliards d’euros. On doit même s’en féliciter. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du robinet des aides. Car l’autoproduction à domicile et l’autoconsommation ont un rôle éminent à jouer dans la transition énergétique - elles méritent donc un cadre incitatif adapté. En effet, les moyens existent pour inciter les foyers à consommer leur propre production, en minimisant ou optimisant le recours au réseau. Cela passe bien sûr par de l’optimisation locale (faire fonctionner le chauffe-eau et demain la pompe à chaleur quand il y a du soleil), mais aussi par des batteries en complément des installations solaires. Bien utilisées, ces batteries permettront de réduire les besoins d’investissements dans les réseaux (en tirant sur le réseau électrique quand celui-ci est en surplus de production, et réinjectant quand le réseau est tendu).
Ainsi, un système couplant solaire et flexibilité grâce à une batterie à domicile permettrait de créer de la production non carbonée en France, et donc de faire baisser les prix de gros au bénéfice de tous les Français et d’une industrie qui souffre des coûts bien trop élevés de l’énergie en Europe. Ce système permettrait aussi de développer à moindre coût des solutions de flexibilité permettant d’ajuster en plus ou en moins le système électrique. Et ce pour un coût très limité pour les finances publiques puisque les Français en paieraient l’essentiel : en laissant les Français investir avec leurs propres deniers, on mobilise directement de l’épargne privée pour financer la transition énergétique, soulageant d’autant l’endettement public.
Mais si l’histoire se répète, parfois le désespoir aussi. Avec les annonces actuelles, nous risquons de passer d’un extrême à l’autre : après avoir subventionné trop largement un système mal conçu, on risque désormais de multitaxer les mécanismes vertueux et de ne pas permettre leur émergence. Les systèmes couplant panneaux et batteries sont en effet actuellement soumis à des taxations surabondantes. Sans compter que le régime de TVA continuerait à favoriser lesinstallations solaires sans batterie et que, comble de l’absurdité, le mécanisme du tarif de rachat, même revu, empêche de tirer parti de la flexibilité des batteries.
C’est cette réflexion que l’Etat doit mener rapidement, après avoir tourné la page du mécanisme actuel. Car les opportunités pour la France sont énormes : 600.000 foyers français pourraient être équipés, avec une capacité de flexibilité de 6 GW, soit l’équivalent en puissance de la flexibilité de 6 réacteurs nucléaires. Et ce pour un coût nul pour l’Etat, qui percevrait même des recettes de TVA nouvelles.
Ainsi, la production solaire couplée à la flexibilité à domicile est une solution rapide et facile à mettre en œuvre pour décarboner l’économie, embarquer les Français dans la transition énergétique en mobilisant leur épargne, et faire baisser les prix sur les marchés de gros. On pourrait même rêver consolider ainsi la filière industrielle de la batterie en France, tout en accélérant le déploiement de la filière industrielle solaire française.
D’expérience, les Français sont preneurs de ces solutions. Nous savons qu’il est possible de ne vendre que des panneaux fabriqués en France et sommes convaincus qu’il est possible d’engager un cercle vertueux de la transition énergétique.
Pour ce faire, il ne suffit pas de mettre fin à un système bancal et coûteux. Il faut surtout mettre en place un mécanisme sobre pour les finances publiques, riche en énergie flexible et locale, et favorable à la compétitivité de notre économie.