En France, des grandes villes sont en train de couler et personne ne s'en rend compte
Des centaines de villes dans le monde s'enfoncent lentement mais sûrement dans le sol. Cette plongée, qui peut atteindre plusieurs centimètres par an, menace aujourd'hui une grande ville sur cinq dans le monde, d'après une étude internationale publiée dans le prestigieux journal Science. D'ici quinze ans, un cinquième de la population pourrait être impacté, transformant ce phénomène méconnu en enjeu majeur du XXIe siècle.
Ce phénomène, c'est la subsidence. Le terme, qui vient du latin "subsidere" signifiant "s'enfoncer", désigne la perte d'élévation progressive d'une terre. Les causes sont multiples : extraction excessive d'eau souterraine qui déstabilise les sols, poids des constructions sur des terrains meubles, activités minières, ou encore assèchement de zones humides. Cette descente, invisible à l'œil nu, peut provoquer des fissures dans les bâtiments, endommager les infrastructures et aggraver considérablement les risques d'inondation.
La France n'échappe pas à cette réalité. Si l'Hexagone reste moins touché que d'autres régions du monde, certains quartiers français s'affaissent indéniablement. L'exemple le plus emblématique se trouve à Nice, où l'aéroport s'enfonce de plus de 3 millimètres par an. Construit en partie sur des terres gagnées sur la mer, cet équipement stratégique repose sur des sédiments artificiels qui se compactent sous le poids des infrastructures. Dans les années 1990, le tassement atteignait même 16 millimètres annuels.

A Palavas-les-Flots près de Montpellier, la situation s'avère encore plus préoccupante avec un enfoncement de plus de 6 millimètres par an, lié à la consolidation des sédiments dans cet environnement lagunaire. Bien plus au nord, au Havre, deuxième port français, les infrastructures portuaires subissent un affaissement de près de 3 millimètres par an. Les terres gagnées sur la mer et les dépôts sédimentaires se compactent progressivement, menaçant la stabilité des équipements.
Cette vulnérabilité particulière des zones portuaires s'explique par leur configuration géologique. Selon une étude récente du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), les zones portuaires enregistrent une subsidence de l'ordre de 1,5 mm / an en moyenne et, plus largement, près de la moitié des littoraux de plaines européens s'enfoncent de plus d'un millimètre par an.
A l'échelle mondiale, certaines métropoles vivent des situations critiques. En Chine, plus du tiers de la population urbaine, soit 270 millions de personnes, habite dans des villes qui s'affaissent. Pékin s'enfonce de 45 millimètres par an près des autoroutes et du métro. New York descend également de 1 à 2 millimètres annuels, un phénomène lié au rebond post-glaciaire qui affecte toute la côte Est américaine.
Face à cette menace, des solutions existent, mais elles sont spécifiques à chaque situation. Tokyo et Shanghai ont réussi à freiner leur affaissement en interdisant le pompage des eaux souterraines et en développant des sources d'approvisionnement alternatives. Quand l'arrêt de la subsidence s'avère impossible, l'adaptation devient nécessaire : renforcement des digues, consolidation des fondations, ou techniques de malaxage profond du sol avec des agents stabilisants.
Pour surveiller ce phénomène, l'institut européen Copernicus a développé une carte interactive et publique d'une précision millimétrique. Grâce aux données satellitaires du programme Sentinel-1, ce service gratuit permet de suivre en temps réel les mouvements du sol à travers l'Europe, offrant aux autorités et aux citoyens un outil indispensable pour anticiper et gérer ces risques souterrains.