Halloween : les raisons d'un échec commercial

Alors qu'Halloween devait donner un avant goût des fêtes aux commerçants, il n'en est rien. Ventes décevantes, événements peu suivis... Quelles sont les raisons de cet échec et comment y remédier ? L'analyse d'Olivier Dardelin.

De moins en moins colonisées par des objets gentiment effrayants tels squelettes, citrouilles illuminées ou araignées velues, les vitrines se détournent, chaque année un peu plus, du phénomène Halloween. Alors qu'en 1999/2000, le chiffre d'affaires généré par la fête d'Halloween dépassait pour la première fois, en France, celui des fêtes de Noël, aujourd'hui il n'en est plus rien ! À son apogée, il y a encore huit ans, le phénomène Halloween semble désormais voué à disparaître...
La fête d'Halloween en France a de nombreux contradicteurs tant dans la presse, les politiques et les leaders d'opinion qui y voient là une uniformisation culturelle et le renforcement d'un Atlantisme peu en vogue. 
 
Il faut bien l'avouer : commercialement, Halloween est un échec complet ! Les recettes générées par les ventes "Halloween" sont en chute libre et étaient l'année dernière 20 fois inférieures à celles des fleuristes le jour de la Toussaint. Les Français dépensent effectivement très peu pour cette fête (24 euros en moyenne alors qu'un américain dépense entre 110 et 120 euros) et réutilisent d'une année sur l'autre déguisements et décorations.

Cette fête, d'origine Celtique, importée des Etats-Unis, n'aura-t-elle donc connu qu'un succès éphémère en France ? Horreur et frissons auraient-ils été mal exploités par les commerciaux en France ?
 
Les causes de l'échec
La clé du succès d'une opération marketing, tel qu'a été le lancement du beaujolais, reste l'imaginaire collectif. Halloween ne correspond en rien à la culture française, n'évoque rien dans nos souvenirs d'enfants et ne fait pas partie de notre imaginaire.
 
Halloween aurait d'ailleurs une mauvaise influence sur les enfants : loin des valeurs traditionnelles, elle traite de la mort, de la peur. Tourner en dérision la mort n'est pas chose facile, qui plus est à la veille de la Toussaint...  Voilà d'ailleurs une fête qui fait l'objet d'attaques, de "contre-fêtes"  du diocèse de Paris notamment qui organise même depuis quelques années un "Holy wins" - "La sainteté gagne".
 
Au delà des considérations religieuses, le rite du  "racket de bonbons" ou "tricks or treats" représente encore un frein à l'adoption : le rapport à l'espace privé est très différent en France, où les jardins sont clôturés, et aux Etats-Unis. Halloween est perçue comme une fête intrusive chez nous.
 
Plus clairement, l'échec vient probablement du fait que l'on n'importe pas une fête comme un sandwich ou un nouveau jean : une bonne opération marketing peut inciter à manger les premiers ou à porter les seconds. Influencer la manière dont nous célébrons des fêtes déjà ancrées dans notre culture est faisable : l'adoption du père Noël rouge d'une célèbre marque de boisson gazeuse le prouve. Mais importer purement et simplement une célébration qui n'est pas dans nos moeurs s'avère bien plus difficile !
 
 
Comment adapter Halloween à notre culture ?
Halloween pourrait devenir un véritable succès commercial aux conditions d'y apporter certaines adaptations à notre culture. Eliminer tout ce qui fait référence aux morts et à l'horreur dans une période où nous avons tous plus besoin de joie et de croire en l'avenir.  Dans un pays qui compte plus de 15 millions de personnes de moins de 20 ans, il n'existe à ce jour aucune fête véritablement institutionnelle pour les enfants et adolescents. 
 
En développant cette idée, il y a  énormément à imaginer au niveau commercial : organiser une fête des enfants à l'intérieur des magasins, hôtels, centres commerciaux et non à l'extérieur, préparer des défilés avec remise de prix.  Lumière, bougies, guirlandes, déguisements, gâteaux, bonbons, jeux à offrir, personnages imaginaires collectors et autres accessoires qui permettront aux parents de laisser quelques heures et sans crainte leurs enfants dans un monde merveilleux dans des lieux connus et identifiés.
 
Halloween à la française pourrait ainsi capitaliser sur une fête autour des enfants, en insistant plus sur le côté déguisements, magie et fête de la lumière à une époque où l'on commence à s'enfoncer dans l'hiver...
 
 
Valoriser des fêtes existantes, plus en phase avec notre culture
Certaines fêtes, bien françaises elles, ont un fort potentiel en termes de ventes mais sont peu ou mal exploitées !
 
Prenons l'exemple du 14 juillet, une fête complètement sous-utilisée à contrario de certaines fêtes telle que la Saint Valentin (14 février).  La France, pays des droits de l'homme et de la liberté, est encore un des rares pays au monde, avec la Corée du Nord, à faire de sa fête nationale une célébration guerrière.  Point de drapeau aux fenêtres de chaque maison, point de porte ouverte pour recevoir voisin, amis et partager, point de symbole tant au niveau gastronomique, cadeau à offrir aux amis, fleurs, jeux et autres produits dérivés...
 
La Saint-Valentin fait par contre l'objet d'un réel engouement commercial où le consommateur n'hésite pas à mettre la main au portefeuille pour faire plaisir ou se faire plaisir malgré cette impression de "fête commerciale". Le shopping et la fièvre acheteuse ont encore de beaux jours devant eux... Encore faut-il bien comprendre le potentiel commercial de ces événements et ne pas hésiter à créer des campagnes de promotion dédiées. Les grandes marques françaises des secteurs du luxe, de la gastronomie et de la mode pourraient ainsi prévoir des cadeaux collectors estampillés "14 juillet" visant à valoriser le savoir-faire français.