Innovation : votre entreprise a-t-elle réellement le bon modèle ?

Êtes-vous un "créateur", un "intégrateur" ou un "game changer". C'est en connaissant votre profil que vous pourrez mieux anticiper les stratégies qui vous conviennent. Afin de vous adapter face aux soubresauts de la demande et à la constante évolution technologique. Sachez qui vous êtes.

Connaitre son modèle d’innovation aujourd’hui ne suffit pas, il faut le faire évoluer en fonction de sa stratégie et de son environnement pour renouer avec compétitivité et développement.
En dépit d’un contexte économique difficile, certaines entreprises tirent leur épingle du jeu avec succès grâce à l’innovation… mais chacune avec un modèle et des méthodes qui lui sont propres :
- Apple, par la vision d’un homme qui a imposé son modèle et son exigence à ses collaborateurs directs eux mêmes extrêmement efficaces, vision qui devrait perdurer au delà de la disparition récente de son fondateur;
- Google, en développant le travail en réseau - chaque employé étant source d’innovation - associé à une vraie capacité à investir sur des idées innovantes parfois même en décalage par rapport à la stratégie du Groupe;
- Airbus, par la mise en place d’un modèle opérationnel et industriel extrêmement robuste et ouvert sur l’extérieur;
- Vinci, par une politique de croissance et un modèle original fondé sur l'entrepreneuriat au plus près du terrain;
- Auchan, par un réinvestissement continu et persévérant dans un modèle, le grand hypermarché, respecté à contre-courant des tendances sociétales;
- SAP, en créant une norme dans l’infrastructure de l’information des grandes entreprises.

Ces exemples montrent que plusieurs modèles sont possibles :
*  Apple, SAP, Google apparaissent comme des « Game Changers », c’est celui qui fait rêver tout le monde. On y est l’inventeur exclusif d’un marché et d’une offre. C’est aussi un modèle qui peut être fatal car il est à la fois risqué et long à accoucher. Peu d’acteurs peuvent se permettre de soutenir ce modèle dans la durée.
* Certains sont des « Créateurs ». Ils savent saisir le mouvement, l’absorber dans l’entreprise et le rendre au marché en offres adaptées au bon moment. Une fois encore la stratégie d’innovation, le modèle organisationnel et le processus de développement y sont différents.
* D’autres abordent l’innovation comme un portefeuille d’options qui sont gérées dans la durée et en jouant sur les opportunités industrielles ou financières de valorisation. Ils se comportent à la frontière entre le capital-risque et l’intraprenariat : « Intégrateurs ».
* Nombre d'exemples montrent que l’on peut innover en étant un « Développeur». Saisissant des innovations réussies dans un secteur ou ailleurs, on est capable de les comprendre, de les transposer et de les développer pour saisir plus vite que l’autre tout le potentiel. La façon de générer des idées, de les développer, de les déployer, la culture que ce modèle requiert est différente.

Notre conviction, issue d’une forte expérience de cas concrets d’innovation accompagnés en France et dans le monde, nous amène à classer les profils d’innovation des entreprises en deux grandes catégories, les innovateurs pérennes et les non pérennes, puis en un peu plus d’une vingtaine de modèles, plus ou moins pérennes. Les innovateurs pérennes sont effectivement capables de développer et mettre sur le marché régulièrement un certain nombre d’innovations.

Certaines entreprises ont donc aussi des modèles moins pérennes qui peuvent dans certains cas limiter leur capacité d’innovation.
Par exemple :

Cas concret : L’Artisan devenu Marketeur, retrouver croissance et parts de marché
Un industriel de l'agroalimentaire a transformé, il y a 20 ans, son métier à travers une innovation qui a changé son secteur. Depuis, sans cohérence entre sa stratégie, son organisation et son modèle de « Delivery », il a été rattrapé par les marques propres et l'impact de ses innovations devenait de plus en plus faible. Il reposait essentiellement sur des individus et des talents mais avec une faible vision stratégique et un manque de travail collaboratif multi-compétences (marketing, commercial, techniques, achats …).
Une analyse stratégique sur sa vision à 10 ans a montré que ses innovations devaient impérativement s'inscrire dans une entreprise étendue à la distribution, aux consommateurs,  aux fabricants de packaging… Très naturellement, le modèle stable de Marketeur a été reconnu comme étant le modèle cible.a fallu entrainer et aligner tout les membres du Comex et mettre en place les processus de synchronisation des acteurs internes, des achats aux vendeurs. Une fois tous ces éléments mis en œuvre, il a fallu revoir la gouvernance de l’innovation de l’entreprise et son pilotage.   En deux ans, elle a ainsi fait progresser sa maturité en termes d’innovation mais surtout retrouver sa croissance et les parts de marché qu’elle avait perdues pour pouvoir envisager sereinement son développement international.

Cas concret : Le Rentier devenu Intégrateur, essaimer les pépinières
Un assureur généraliste était attaqué par de nouveaux acteurs, provenant d’une numérisation grandissante du business model. Ralentie par son réseau d’agents, cette entreprise venait de se réorganiser pour développer son efficacité.
Le CEO estimait que son groupe était encore en perte de vitesse en termes d’innovations. Il décida de solliciter ses Top managers pour auto-évaluer le modèle d’innovation de leur Groupe. Le résultat fut sans appel : le modèle obtenu fut celui du « Rentier » c’est-à-dire, dans ce cas précis,  assis sur sa base installée de clients avec peu de croissance mais aussi peu de risques.
Il a fallu alors trouver le juste équilibre entre leur aversion au risque – culturel dans ce secteur – et l’acceptation de l’échec inhérent à l’innovation. Un incubateur a été créé pour permettre de donner de la visibilité aux investissements des projets innovants tout en circonscrivant leurs risques. L’entreprise et les mentalités ont progressivement évolué pour atteindre le modèle souhaité de « Intégrateur » et pouvoir ainsi généraliser le modèle d’incubateur à chacune des business units.

Cas concret : L’industriel devenu Créateur, regagner son avance sur la concurrence.
Un équipementier aéronautique présent sur la plupart des grands programmes clés avait fait sa richesse en se positionnant sur des niches à l’aide d’innovations technologiques protégées. L’arrivée à expiration de la plupart de ses brevets et l’évolution récente des grandes technologies employées par les avionneurs lui imposaient de repenser son modèle d’innovation.
Le CEO a ainsi demandé à la plupart de ses directeurs de BU d’évaluer celui-ci au regard des nouveaux enjeux auxquels l’entreprise devait faire face. Le modèle qui est ressorti fut « l’industriel », performant au global mais présentant de vrais faiblesses : une stratégie de l’innovation insuffisante, une absence de prise en compte de l’innovation dans la gestion des talents, une faible ouverture vers l’extérieur.
L’équipe dirigeante a pu ainsi décider qu’il fallait évoluer vers le modèle de « Créateur ». Un certain nombre d’arbitrages ont été faits avec un focus tout particulier sur les technologies émergentes à travers le monde et la bonne façon de se connecter à leurs bassins d’innovation.
Elle a d’autre part lancé deux chantiers prioritaires : reprise en profondeur du planning des investissements technologiques, et révision des « Roadmap » technologiques prévues en les synchronisant avec la stratégie commerciale de chaque business unit. Elle a ainsi réussi à reprendre son avance sur ses principaux concurrents.

En conclusion, ces exemples font ressortir quatre règles d’or pour réussir la transformation de son modèle d’innovation :
o  Prendre conscience du modèle d'innovation dans lequel on opère, de sa stabilité dans le temps et de sa cohérence avec le marché et la stratégie,
o Concevoir son modèle d’innovation cible de manière cohérente avec sa vision et sa stratégie, en s’assurant qu’il soit accessible,
o Faire converger son équipe dans cette démarche,
o Définir les leviers sur lesquels il faut agir en priorité pour passer de son modèle d’innovation actuel vers son modèle cible:
- Le Laboratoire de Recherche : avec des talents brillants, une créativité importante mais une stratégie et une vision de l’innovation assez faible et une capacité à transformer ces idées en réelles innovations sur le marché qui reste à améliorer,
- L’Artisan: passionné par son offre, et à l’aide de talents experts, il innove en se perfectionnant continuellement mais n’a pas développé la vision stratégique nécessaire et a du mal à passer à la vitesse supérieure,
- L’Usine à Gaz : elle a une certaine vision et organisation appropriée à l’innovation mais toute la mise en œuvre de l’innovation de manière opérationnelle dans l’entreprise pèche par beaucoup d’inefficacité et de désynchronisation des différents départements entre eux.

 Évoluer en fonction de son potentiel : Au-delà de l’identification de son modèle d’innovation, l’enjeu pour une entreprise sera de le faire évoluer en fonction de sa stratégie, de son environnement, …, car il est important pour chacun de comprendre quel innovateur il veut être tout en tenant compte de sa capacité à le devenir.