Stress managérial : trois profils types

A chaque style de management, un type de stress particulier. En ces temps d'incertitude il est important pour les managers de porter un regard attentif à ce stress spécifique susceptible de les atteindre. Les explications de Raymond Vaillancourt.

Le  stress managérial ne relève pas tant des actions à entreprendre mais découle de ce qui caractérise le manager dans l'exercice de ses fonctions, ce qui n'est en rien étonnant puisque le stress est sensible à certaines caractéristiques personnelles. Ainsi, le stress managérial découlera d'un sentiment de perte qui se déclinera de la façon suivante : une perte d'authenticité pour le manager de puissance, une perte de contrôle pour le manager de pouvoir et une perte de bon voisinage pour le manager politique.

La perte d'authenticité
Pour le manager de puissance, dont la motivation repose essentiellement sur son intérêt et sa capacité d'influencer les autres, le stress lui vient principalement de sa perception de ne pouvoir demeurer authentique à ses yeux dans le management de son organisation. Les querelles de pouvoir, les jeux de coulisses et les contraintes politiques autour de son quotidien sont pour lui une source d'insatisfaction importante. Aussi, lorsqu'en période d'incertitude, ces éléments se retrouvent exacerbés par le contexte ambiant, le niveau de stress de ce type de manager augmente et il est alors tenté de passer outre ces réalités.

Sa recherche de sens, autant pour lui que pour ceux de son organisation, lui semblera de plus en plus difficile à combler, provoquant chez lui une véritable remise en cause de sa capacité à faire face aux défis quotidiens du management. Son sens des responsabilités prendra de plus en plus de place et d'importance dans l'évaluation qu'il sera tenté de faire de son efficacité. Sa distance affective d'avec son travail s'en trouvera réduite, augmentant d'autant l'impact de ce dernier sur le malaise ressenti. La vulnérabilité du manager de puissance se trouve donc accrue, en période d'incertitude, et génère un niveau de stress tel qu'il lui faudra déployer des efforts certains pour creuser un écart appréciable entre ce qu'il est comme personne et ce qu'il fait. Sa porte de sortie est à chercher du côté de l'appréciation de lui-même comme personne plutôt que de son appréciation en fonction du travail accompli. Il y a là une source d'apprentissage intéressante pour rendre possible une certaine atténuation du stress auquel il est soumis.

La perte de contrôle
L'incertitude peut être, pour le manager de pouvoir dont la motivation repose sur son intérêt pour le contrôle des personnes et des situations, une épée à double tranchants. D'un côté, cette période trouble lui fournit de nombreuses occasions de mettre en pratique les actions qui le font carburer. En effet, cette période présente de nombreuses situations dans lesquelles des décisions rapides s'imposent et qui viennent alimenter le quotidien du manager de pouvoir, habituellement très peu porté sur la délégation. D'un autre côté, le fait justement que de nombreux problèmes se retrouvent sur son bureau, peut provoquer un niveau de stress tel que le manager de pouvoir sera tenté de retourner ce stress vers ses collaborateurs et de provoquer ainsi une dégénérescence du climat de travail.

Devant cette détérioration, le manager de pouvoir peut avoir l'impression que tout lui échappe et être tenté de renforcer son attitude, s'engageant ainsi dans un cercle vicieux dont il lui est difficile de se sortir. Dans certains cas, cela pourrait aller jusqu'à donner l'impression à ce type de manager de perdre tout contrôle, accroissant ainsi son niveau d'insécurité personnelle, déjà fort important. Malheureusement, le manager de pouvoir apprend peu de ses erreurs puisque son réflexe naturel est de reporter sur les autres son insécurité. Jusqu'à la rupture, il lui semble que le stress organisationnel est quelque chose avec lequel il faut composer d'autant plus qu'il y contribue fortement par son attitude. Bref, pour le manager de pouvoir, le stress organisationnel est comme un carburant : il peut tout autant le faire avancer que le brûler !

La perte de « bon voisinage »
Une longue période d'incertitude peut être, pour le manager politique sensible à ses relations, une source importante de stress. On reconnaît facilement que c'est lors de telles périodes, que le management a des décisions importantes à prendre pour la survie de l'organisation et que ces décisions risquent de déplaire à certains. Pour le manger de puissance, c'est là un dilemme majeur qu'il préfèrerait ne pas avoir à trancher. Favorisant d'emblée le consensus, ce type de manager apprend rapidement qu'en période d'incertitude, ce dernier est plutôt difficile à atteindre surtout lorsque des décisions draconiennes doivent être annoncées. Cela engendre chez lui un état d'esprit qui risque de l'affecter profondément. Son premier réflexe serait de se retirer le plus loin possible, sans que cela ne paraisse, et éviter ainsi de se retrouver au premier plan.

Malheureusement ce n'est guère possible lorsque l'ensemble de l'organisation, en raison de l'insécurité de la période actuelle, attend de son manager principal qu'il se positionne en champion de l'entreprise et qu'il pose les gestes qui s'imposent. La pression est donc transférée sur un manager peu habitué à la voir aboutir sur son bureau, lui préférant la dilution de cette pression au sein de nombreux comités ! Cependant, le manager politique peut tirer profit de cet état de stress s'il est en mesure de porter un regard honnête sur lui-même et atténuer sa recherche de « bon voisinage » qui est habituellement son lot quotidien. Ce faisant, il transformerait son besoin en véritable habileté politique qui serait un atout précieux en ces temps difficiles. 

En conclusion
Si le stress organisationnel prend plusieurs visages, on peut en dire autant du stress managérial. Ce dernier varie principalement en fonction du type de motivation sur lequel s'appuie le manager. En période d'incertitude, cette motivation subit une pression telle que le manager peut être tenté soit de se remettre sérieusement en question, soit de déverser ce stress sur son organisation, soit finalement de susciter chez lui une peur maladive de se retrouver au banc des accusés. Le manager, soucieux de bien conduire son entreprise, en ces temps troublés, devrait porter un regard attentif au stress qui l'habite afin de prendre les actions qui s'imposent et d'être ainsi plus en mesure d'y faire face.