Quel est le futur du management ?

L'économie est en pleine disruption. Mais le management doit savoir évoluer tout en gardant certains basiques. Paradoxalement, c'est en restant lui même qu'il accompagnera le changement.

Depuis quatre ans, j’assiste au Peter Drucker Forum. Pendant deux jours, cinq cents experts du management (théoriciens et praticiens) du monde entier, échangent sur le présent et le futur du management. Le thème de l’édition 2016 était "The entrepreneurial society: Moving beyond the society of employees” (Une société d’entrepreneurs: dépasser le modèle du salariat).Trois idées clés ressortent de ces deux jours d’échanges. 

Les basiques du métier de manager sont indémodables

En 1996, Peter Drucker considérait que le manager avait trois missions :

Faire-faire

Expliquer le sens de l’action à savoir indiquer la direction et le chemin

Connaitre suffisamment ses coéquipiers pour les aider à faire et à progresser dans leur métier.

Vingt ans plus tard, ces trois principes ne sont-ils pas toujours d’actualité ? Pour entreprendre, une quatrième règle apparaît : explorer.

À l'heure où l'information est disponible d'un simple clic de souris, l'entrepreneur est celui qui accepte de passer une partie de son temps à explorer. Sans créativité et curiosité personnelle pas d'innovation collective. Selon Alex Osterwalder, auteur du best-seller "Value Proposition Design", les managers consacrent trop de temps à l’exploitation c’est-à-dire au quotidien et pas assez à l’exploration. Quel pourcentage de notre temps de travail consacrons nous à l'exploration et à la recherche de nouvelles idées ? Sommes-nous suffisamment la tête dans les nuages ou nos pieds sont-ils trop souvent englués dans le quotidien

Pas de startup réussie sans apprentissage du management

Pour créer une startup, il faut une idée. Pour la transformer en réussite voire en licorne, il faut savoir manager. Clayton Christensen, professeur à la Harvard Business School, spécialiste de la disruption et de l’innovation, a élaboré un test de robustesse très sélectif à destination de ses étudiants désireux de monter leur startup. En cas de réussite à ce test, des fonds d'investissement fournissent la première levée de fonds et accompagnent les jeunes pousses.

Cinq ans après le démarrage de cette démarche, sur les dix-huit startups ayant réussi ce "crash test", seulement trois d’entre elles ont disparu et quinze sont des réussites incontestables.

Enseigner le management dans les business schools n’a de sens que si vous managez dès l’obtention de votre diplôme en poche. Manager est un savoir qui n’a de valeur que s’il est mis en action.

Ne montez votre startup que si vous êtes curieux et aligné sur les trois principes Druckérien du management.

L’erreur est informatique

Après avoir vécu près d’un siècle de bureaucratie, nous sommes, depuis le début du XXIe siècle, dans l'ère de la connaissance. On discute sur la base de data et on cherche à trouver un consensus avant d’agir. Selon Julian Birkinshaw auteur et responsable de la chaire entreprenariat à la London Business School nous surestimons l’importance du big data et sous-estimons son "dark side". Notre foi aveugle dans les données, notre tentation à sur-analyser les situations par le biais d’un flux continu de données nous empêche de nous concentrer sur l'essentiel. Nous tentons de décider rationnellement sans tenir compte de notre intuition et de nos émotions. L’erreur est informatique car le big data ne prend pas en compte la subjectivité du décideur.

Il est temps de dépasser l’ère du Knowledge et de devenir davantage agile. C’est le fondement d’un nouveau mode d’organisation : l’adhocratie. Son principe est de privilégier l'action, plutôt que l'autorité formelle de la bureaucratie, ou l'analyse de données dans un modèle de type Knowledge.

Il s’agit d’expérimenter en mode agile, type essai-erreur, d’accepter de recevoir du feed-back, d’en tenir compte et de progresser par itérations successives. Selon Julian Birkinshaw, il faudrait être un peu crédule pour succomber à la pensée unique de systèmes de management plutôt fermés tels que l’holacratie ou le management 3.0. Il est impossible de faire table rase du passé et de croire qu’un nouveau système d’organisation puisse chasser les précédents d’un simple coup de baguette magique. Le challenge des dirigeants et des managers sera de faire coexister la bureaucratie, le knowledge et d’insuffler davantage d’adhocratie dans nos organisations.

Dans nos entreprises, nous ne pouvons pas nous passer de règles et de procédures. Il n'existe pas de liberté sans limites. Nous devons utiliser le big data pour apprendre, échanger et décider collectivement. Il faut surtout agir, accepter l'erreur (vous savez cette idée qui autorise les gens de se tromper sans être sanctionnés…) et en tirer les leçons pour l’avenir.