Pérenniser les processus de gestion de contrats des entreprises en période de crise

A cause de la pandémie, les organisations du monde entier se heurtent à des difficultés qui affectent quasiment tous les aspects de leur activité. La productivité est l'un des aspects les plus durement touchés.

Depuis mars dernier, la plupart des infrastructures ont été mises à l’arrêt afin de tenter d’aplatir la courbe de propagation du virus, ce qui a engendré des problèmes dont la portée transcende les secteurs d’activité et la taille des organisations. En conséquence, de nombreuses entreprises doivent déterminer si elles sont tenues d’exécuter leurs contrats, ou si elles peuvent invoquer un cas de force majeure et d’autres clauses pour en suspendre temporairement — voire de manière permanente — l’exécution. 

Dans de nombreux cas, les organisations sont rarement protégées par les dispositions contractuelles en vigueur. Mais l’enseignement à tirer de cette situation est que la préparation est essentielle ; elle doit reposer sur une stratégie solide et une technologie performante dont la combinaison permet de mieux préparer les contrats (ou du moins d’en assurer la pérennité) dans divers environnements économiques, y compris en cas de pandémie. 

Les principales clauses à prendre en considération

D’après les juristes, il existe un large éventail de clauses à prendre en ligne de compte au moment d’analyser les contrats afin de définir une solution temporaire ou permanente. La clause de force majeure est le premier élément à prendre en considération lorsque l’on se penche sur les répercussions que les pandémies, et plus particulièrement la maladie infectieuse qu’est le COVID-19, peuvent avoir sur les contrats. 

Cette clause justifie l’inexécution d’un contrat par une partie lorsque des événements extraordinaires l’empêchent de remplir ses obligations contractuelles. Voici un exemple de clause de force majeure :

"Dans le cas où l’une des parties ne serait pas en mesure d’exécuter ses obligations aux termes du présent accord en raison d’un cas de force majeure, de troubles, de grèves, d’une panne d’équipement ou de transmission ou de dommages échappant à un contrôle raisonnable, ou d’autres causes raisonnablement indépendantes de sa volonté, cette partie ne sera pas tenue de verser des dommages-intérêts à l’autre partie pour tout dommage résultant de cette panne ou de ces causes."

Le libellé du contrat est le facteur prédominant dans l’interprétation des clauses de force majeure, et les parties contractantes doivent accorder une attention particulière à la manière dont elles rédigent ces dispositions afin de partager les risques de manière adéquate. 

Premier défi lié à la force majeure : la clarté est primordiale

Les récents événements, notamment la désignation du COVID-19 en tant que pandémie, ainsi que les interdictions de rassemblement et les restrictions de mouvement qui ont suivi, ont modifié le paysage de la force majeure au point d’empêcher les parties défaillantes de recourir à ces dispositions. Les situations les plus évidentes seraient celles dans lesquelles la clause de force majeure ferait spécifiquement référence à une « maladie infectieuse » (ce qui n’est pas le cas dans l’exemple ci-dessus) et éliminerait toute exigence quant au caractère entièrement naturel de l’événement, par opposition au caractère politique (par exemple, les "actes de gouvernement").

Deuxième défi lié à la force majeure : la suite 

Un autre point important à prendre en considération lors de la rédaction de telles clauses concerne la solution la plus adaptée. Le cas de force majeure rendra-t-il le contrat nul et non avenu ? Et son exécution sera-t-elle temporairement suspendue ? Là encore, le libellé du contrat revêtant une importance primordiale, le rédacteur du contrat doit faire preuve d’une clarté absolue. Par exemple, si une entreprise souhaite pouvoir résilier complètement le contrat au cours d’une hypothétique deuxième vague du virus ou d’une pandémie du même type, le document doit donner des précisions à ce sujet : « En cas de survenance de l’un des cas de force majeure énumérés [dans le paragraphe de référence], [les deux parties | l’une des parties] [peuvent | peut] résilier immédiatement le présent accord et [ne sont | n’est plus] [liées | liée] par aucun droit ou obligation au titre du présent accord ».  

Bien que la force majeure soit probablement la clause la plus débattue dans ce contexte, d’autres clauses pourraient éventuellement être invoquées.

Doctrine de l’impraticabilité 

La doctrine de l’impraticabilité justifie l’inexécution ou le retard dans l’exécution d’un contrat si un événement imprévisible modifie sensiblement la nature des obligations d’une partie au contrat. La possibilité d’invoquer cette doctrine dépend dans une large mesure des faits et des circonstances d’une situation donnée. Il est essentiel que le rédacteur du contrat utilise un libellé explicite lui permettant d’appliquer efficacement cette doctrine dans les futurs contextes opérationnels, et dans l’éventualité d’une deuxième vague de COVID-19.

Disparition de la finalité   

De même, la doctrine de la disparition de la finalité peut s’appliquer lorsque le motif principal pour lequel un contrat a été conclu devient irréalisable par suite d’un événement quelconque. Dans le cas du COVID-19, on pourrait imaginer que cette doctrine soit invoquée dans la situation dans laquelle une personne loue un espace pour assister au défilé et au feu d’artifice du 4 juillet. En raison des annulations et des interdictions d’événements, il n’est plus possible d’utiliser l’espace loué. Ainsi, la finalité initiale du contrat a complètement disparu. Afin d’assurer la pérennité du contrat dans une telle situation et de pouvoir recourir à cette doctrine, les auteurs du contrat doivent bien préciser leur intention à cet égard dans le document.

Envoi de préavis

Souvent, les contrats stipulent que le préavis de résiliation doit être remis en main propre à une partie, et certains exigent même que le préavis soit remis en main propre avec un accusé de réception afin de produire ses effets. Dans un monde en pleine évolution, et compte tenu de la persistance du COVID-19, cette remise en main propre pourrait bien ne plus être possible. La plupart des contrats mentionnent une adresse de bureau pour la remise de ces préavis, et de nombreux bureaux sont désormais fermés. À l’avenir, les auteurs de contrats devraient, à minima, envisager d’utiliser des adresses électroniques comme solution alternative pour l’envoi des préavis.

Assurance contre les pertes d’exploitation

Au-delà du contrat à proprement parler, les entreprises devraient envisager la souscription d’une assurance pour couvrir certaines pertes et interruptions causées par la pandémie. Les entreprises qui anticipent une éventuelle interruption d’activité devraient évaluer les polices et les dispositions d’assurance applicables, y compris l’assurance contre les pertes d’exploitation et l’assurance contre les pertes d’exploitation éventuelles.  

Au vu des répercussions associées au COVID-19, les entreprises devraient évaluer en amont les conditions et modalités particulières de leurs polices d’assurance afin de déterminer si les interruptions liées au COVID-19 sont couvertes. Elles devraient passer en revue les exigences de notification des assureurs figurant dans leurs polices afin de s’assurer qu’elles respectent scrupuleusement ces dispositions, au cas où une couverture serait nécessaire. De plus, les juristes recommandent aux assureurs de prendre des mesures préventives en revoyant le libellé de leur police d’assurance standard en prévision de ce type de sinistres, puisqu’il est presque certain que des poursuites seront engagées en cas de pertes non couvertes.

La technologie à la rescousse

Pendant cette période d’incertitude, les entreprises peuvent plus que jamais recourir aux divers outils technologiques développés afin de les aider avant, pendant et après la tempête et leur permettre de pérenniser leurs contrats. Elles peuvent ainsi s’appuyer sur un référentiel central doté de puissantes capacités de recherche afin d’évaluer plus facilement et rapidement les contrats susceptibles d’être affectés par le COVID-19. De plus, elles peuvent s’appuyer sur l’IA pour mettre en pratique plusieurs types de clauses, comme la force majeure et la disparition de la finalité, afin de soumettre le référentiel à un essai sous contrainte.

En outre, un système CLM solide leur permet de rechercher les contrats concernés en fonction des clauses, d’optimiser les modifications en masse et de gérer les changements à l’aide de Microsoft Word tout en restant connecté en toute transparence à l’application CLM.

Enfin, disposer de générateurs de formulaires, de bibliothèques de clauses et de capacités de gestion des workflows, aideront les principaux rédacteurs de contrats à concevoir et mettre en œuvre des normes d’excellence dans toute l’organisation, de même que des règles et des workflows permettant de garantir la cohérence de leur utilisation.

Le COVID-19 a des répercussions considérables et préjudiciables sur les entreprises et leur capacité d’exécution de leurs contrats. De nombreux épidémiologistes ont émis l’hypothèse qu’une deuxième vague d’infections pourrait déferler plus tard dans l’année. Dans cette éventualité, chaque organisation doit être préparée, et effectuer dès à présent les transformations nécessaires, non seulement afin de maintenir ses activités, mais aussi pour se protéger en cas de perturbations futures qui pourraient affecter ses obligations contractuelles.