Les 10 principes fondateurs du management de demain

Y aura t-il un après Covid en matière de management ? Sans aucun doute. Mais ce ne sera pas pour autant ce que l'on croit.

Le télétravail n’est pas le sujet

Contrairement à ce que beaucoup affirment, le télétravail ne sera pas la forme de collaboration dominante au sein des entreprises, pour plusieurs raisons :

  •  Le nombre d’emplois éligibles au télétravail concerne moins de 30% des salariés actifs[i]
  •  60% des salariés ont continué de travailler en présentiel lors de la première semaine de reconfinement[ii] et 75% ne veulent plus le pratiquer à l’avenir[iii].
  •  55% des actifs ont travaillé sur site lors du second confinement, principalement pour voir leurs collègues.

Il semble bien que l’engouement pour le télétravail s’étiole mois après mois. Lassés de la collaboration à distance (mails, visios…), 83% des salariés aspirent à retrouver leurs collègues en face à face[iv]. Ce constat n’a rien d’étonnant si l’on considère que l’homme est un être social dont l’épanouissement et le développement dépend en grande partie du partage d’émotions, d’énergies, d’avis et que la qualité de la relation (confiance, entraide…) repose majoritairement sur des échanges visuels et kinesthésiques qui se trouvent fortement altérés lors de relations à distance de longue durée.

Si le travail à distance ne sera pas le modèle de référence de demain (la durée idéale de télétravail serait de 2 jours par semaine[v]), le premier confinement a révélé de nombreuses limites du management traditionnel.

Le changement impulsé par cette crise est plus profond que le télétravail et les solutions digitales, qui ne sont que des outils. Le vrai sujet est la montée de la revendication de la liberté et de l’individualisation de la collaboration, ce qui va inéluctablement contraindre les entreprises à trouver des solutions pour concilier leur besoin de l’entreprise et la diversité des attentes des salariés.

D’une organisation "au menu" à une collaboration "à la carte"

Le principal apprentissage de cette crise est que la survie des entreprises repose principalement sur la force du lien social et la qualité des relations interpersonnelles (bienveillance, entraide…). Le second est que la souplesse et l’adaptation sont deux conditions essentielles pour évoluer dans un environnement incertain.

Nul doute que la crise a démontré l’importance du lien social en entreprise. Aucune organisation n’aurait été capable de faire front en se reposant uniquement sur des process et des outils.

Cette situation inédite a clairement mis en évidence que "l’être ensemble" (la relation) compte tout autant, voire plus, que le "faire ensemble" (l’organisation), ce qui nécessite d’innover en management.

Cependant, prendre en compte les attentes des salariés n’est pas dans les fondements des principaux concepts de management qui ont été conçus dans le strict intérêt de l’entreprise (productivité, qualité, performance).

La revendication émergente de liberté et d’individualisation (dans l’organisation de son temps de travail par exemple) nécessite d’évoluer d’une organisation "au menu" (imposée par l’entreprise) à une collaboration "à la carte" (négociée entre managers et collaborateurs).

Pour y parvenir, les entreprises doivent préalablement instaurer un nouveau "contrat collaboratif" afin d’évoluer d’une relation "parent/enfant" à "adulte/adulte", ce qui est beaucoup plus ardu que d’instaurer le télétravail.

Les 10 principes qui fonderont le management de demain

Afin d’évoluer dans ce nouveau monde et prendre en compte les principaux enseignements de cette crise, les entreprises devront reconsidérer au moins 10 principes managériaux pour :

  1. Donner plus de sens à l’action (de la mission à la vision)
  2. Créer des liens plus humanistes (des règles aux valeurs)
  3. Renforcer la responsabilisation (des objectifs aux engagements)
  4. Offrir plus d’autonomie (de l’activité aux résultats)
  5. Libérer l’expression (de la persuasion à la déclaration)
  6. Devenir plus agile (du mécanique à l’organique)
  7. Soutenir l’audace (de la maîtrise à l’expérimentation)
  8. Révéler et valoriser les potentiels (des hard skills aux soft skills)
  9. Mobiliser l’intelligence collective (de l’expert à la foule)
  10. Soutenir les équipes (de la supervision à la facilitation)

1    Donner du sens à l’action, de la "mission" (quoi) à la "vision" (pour quoi)

Vulnérables et impuissants face à la propagation du virus, beaucoup de français se sont questionnés sur le sens de leur travail. D’ailleurs, 85% des salariés expriment à présent le besoin de se sentir utiles aux autres et 90% estiment qu’il est devenu crucial que leur entreprise donne du sens à leur travail[vi]. Mais comment faire ?

Déjà, en valorisant les emplois par l’intégration de leurs finalités dans les descriptifs. « Contribuer à rendre le cadre de vie des citoyens propre et à préserver l’environnement » donne plus de sens que « Ramasser les poubelles et nettoyer les trottoirs ».

Ensuite, en formalisant une " vision". Si toutes les entreprises ont défini leur mission, à savoir ce qu’elles proposent en termes d’offre, rares sont celles qui ont formalisé leur vision, la création de valeurs qu’apporte leur offre à leur écosystème.

Manager par la mission, comme par exemple « vendre du matériel de bricolage et de construction » n’est pas très engageant et ne satisfait pas le besoin de sens.

En revanche, formaliser une vision commune, comme le fait Leroy Merlin qui invite tous ses collaborateurs à "Aider les habitants à rêver leur maison et les accompagner dans leur réalisation" clarifie la valeur que cette enseigne souhaite apporter à son écosystème et donne du sens à l’action.

Une fois ce cadre de référence connu et partagé, il devient plus aisé de manager par le sens.

A titre individuel, les managers peuvent échanger plus facilement avec leurs collaborateurs, soit dans le cadre d’entretiens de feed-back, soit lors des entretiens annuels, sur la manière dont ils ont incarné la vision ou contribué à concrétiser la finalité des missions confiées.

Les managers peuvent utiliser la vision dans le cadre d’entretiens de feed-back pour valoriser une attitude ("J’apprécie les conseils que tu donnes aux clients pour les aider à concrétiser leurs projets") ou attirer l’attention ("Penses-tu que ce que tu as dit au client l’a aidé à rêver sa maison ?").

Elle peut également être utilisée dans le cadre des entretiens annuels, soit pour partager su le vécu ("A-t-il été facile ou difficile d’incarner notre vision ?"), soit pour identifier des axes d’amélioration ("Que serait-il possible de mettre en œuvre pour que ce soit plus facile à ton niveau ?").

Si certaines entreprises ont officialisé leur vision, il est assez rare que les salariés la connaissent et, lorsque c’est le cas, elle est rarement utilisée comme cadre de référence à l’action car elle est souvent perçue comme un "slogan" dont la vocation est de renforcer l’image de l’entreprise.

C’est pourquoi, certaines entités du groupe Thales invitent leurs équipes à proposer des actions ou des projets qui leur permettent d’incarner la vision du groupe à leur niveau de responsabilité.

La vision peut aussi constituer un des critères de validation d’une idée, comme le fait Décathlon ou d’une initiative comme le pratique Konica Minolta France avec sa carte "Le pouvoir de transformer".

Ancrer la notion de sens dans son management permet, non seulement de "garder le cap dans la tempête", mais aussi de répondre au besoin d’utilité et de renforcer l’engagement. Découvrez comment créer des liens plus humanistes (des règles aux valeurs) dans notre prochain article.

[i] Insee : La France compte 25,5 millions de salariés actifs (secteurs privés et publics) en 2020

Les Echos : 8,5 millions d’emplois pourraient être concernés par le télétravail - 06/2020

[ii] Etude Harris interactive pour le Ministère du Travail - 11/2020

[iii] Sondage Odoxa - 09/2020

[iv] Sondage IFOP - 12/2020

[v] Sondage IFOP - 12/2020

[vi] 14è Observatoire Social de l’Entreprise de 06/2020