Être ou savoir : le dilemme du manager

A choisir on préfèrera collaborer avec des managers leaders qui incarnent quelque chose, qui " sont ", qui " brillent " plutôt qu'avec des managers experts, techniques mais sans lumière. Est-ce si simple ?

Un manager doit-il tout savoir ?

Quand on parle de savoir ici on fait référence aux connaissances pratiques et théoriques, aux hard skills, aux aptitudes concrètes et mesurables qui permettent à tout un chacun de mettre en place des procédés pour répondre à telle ou telle problématique.

Attend-on d’un manager qu’il sache tout ? Certes les connaissances théoriques et pratiques ont leur importance mais si le manager sait tout, il n'y a plus de place pour ses "managés", il n’y a plus de place pour la réflexion collective. S'il sait tout, ses équipes ne pourront jamais évoluer, innover, apporter leur créativité pour résoudre les problèmes et trouver des voies d’amélioration continue. L’organisation deviendra sclérosée, tant d'un point de vue professionnel qu'humain. Ce type de management est voué à l’échec.

Et puis c'est probablement aussi cette croyance qu'il faudrait tout savoir pour être chef qui fait que 79% des salariés ne veulent pas devenir manager(1).

Le manager ne peut pas tout savoir. Qui le pourrait, même sur un domaine ou une expertise en particulier ? Dans notre monde du XXIème siècle, encore plus VUCA(2) que celui du XXème siècle, y croire serait une erreur.

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’importance du savoir pour un manager compétent mais de déterminer la finalité de cette connaissance, ce qu’elle apporte. Comme le rappelle Sénèque « Etudie non pour savoir plus, mais pour savoir mieux ». La connaissance acquise, et l’expérience, doivent servir à améliorer les projets, le collectif, et pas la connaissance pour elle-même.

Qu’est-ce qu’être un manager ?

Être c’est déjà exister au sein d’un groupe d’individus, à travers le rôle qu’on nous donne dans ce groupe. Et être manager c’est être capable de s’affirmer dans ce rôle, de se positionner en toute conscience par rapport à ses collaborateurs et d’assumer les responsabilités de ce rôle. En l’occurrence un manager doit exister au sein d’une équipe pour fédérer cette équipe dans un objectif collectif. On attend pour cela d’un manager qu’il ait un certain poids au sein de son équipe, que son autorité soit reconnue et légitime tout en veillant à ce que les autres trouvent aussi leur place, pour que chacun puisse s’exprimer et mettre ses compétences au service du collectif.

Être un manager, c’est s’appuyer sur son expérience et ses convictions pour incarner des idées, les partager et les défendre. C’est connaitre et reconnaitre les compétences des membres de son équipe pour faire vivre les idées de ses collaborateurs et construire une dynamique de groupe efficace. Un manager doit aussi être en mesure de se remettre en question pour s’améliorer. Ainsi un manager avec l’esprit critique aiguisé, y compris sur lui-même, n’ayant pas peur de dire non, mais aussi osant dire oui, en d’autres termes capable de s’affirmer avec raison, saura faire des choix avisés.

Pour être un bon manager, un manager complet, il ne s’agit donc pas de choisir entre "être ou savoir" mais plutôt de trouver un équilibre dans l’exercice du rôle de manager tout en composant avec ses propres compétences et celles de ses collaborateurs.

"Être ou savoir" bien sûr c’est une formule, il ne s’agit pas de mettre en concurrence la connaissance et la manière dont on l’utilise. On ne doit pas attendre d’un bon manager qu’il soit érudit dans son domaine. L’intelligence du manager ne se résume pas à ce qu’il sait, mais se trouve plutôt dans ce qu’il fait quand il ne sait pas. Plutôt que chercher à tout savoir, le manager doit chercher à comprendre les données d’une situation pour mieux agir, mieux décider, de façon éclairée. Et sur ce point, détenir toutes les informations, tout savoir dira-t-on, ne suffit pas, c’est ce qu’on en fait, et comment on le fait, qui sera déterminant.  C’est en cherchant à mieux comprendre le monde qui nous entoure dans un contexte particulier qu’on prend de meilleures décisions, car elles sont éclairées.

L’exercice du management aujourd’hui n’est plus celui d’hier. L’état d’esprit des managers a assurément évolué, laissant plus de place aux initiatives des collaborateurs, à la créativité. Depuis des années le management se transforme pour inventer, tester de nouvelles pratiques, et structurer de nouvelles méthodes qui permettent d'impliquer et de responsabiliser un maximum de collaborateurs.

Fini le command and control, place au test and learn, on reconnait que le manager ne peut pas tout savoir, et que pour performer il faut apprendre, collectivement. On reconnait qu’au-delà de l’atteinte des résultats d’une équipe, l’élément fondateur d’une réussite collective est la capacité pour un manager à fédérer autour d’un projet et à le mener à bien, en protégeant son équipe (on parlera alors de management bienveillant).

En synthèse

Un manager performant ne choisira donc pas entre le savoir et le développement de son charisme, de son leadership, il aura développé des valeurs et des connaissances théoriques du management (pour mieux appréhender les contextes, les organisations, les relations) tout en s’appuyant sur son expérience dans les pratiques de management (qui forgent ses capacités de réflexion, d’analyse, de décision, de collaboration, d’action) pour tendre vers un management performant.

Sources :

1 selon une étude de l’institut BVA : https://www.info-socialrh.fr/social/79-des-salaries-ne-souhaitent-pas-devenir-manager-496556.php

2 VUCA world : https://www.forbes.fr/management/environnement-complexe-manager-son-organisation-en-mode-vuca/