Microentreprise, la grande oubliée du combat pour la souveraineté numérique de la France

De nombreuses microentreprises manquent aujourd'hui de solutions adaptées, et finissent par céder à la tentation d'outils gratuits. Changer cet état de choses est un enjeu de taille pour bâtir la souveraineté numérique de la France.

Dans un monde d’entreprise en mutation naturelle, renforcée encore par les confinements auxquels la France a dû faire face, la digitalisation est une tendance incontestable depuis plusieurs années. Et pourtant, son paysage est d’une extrême diversité. Dans certains métiers ou secteurs, comme la banque-assurance ou encore l’immobilier, de grands groupes jouent depuis des années un rôle de précurseurs, en adoptant de nouveaux outils digitaux en interne et dans leurs relations avec les clients. De nombreuses TPE et ETI ont également pris conscience des avantages du virage vers le digital. Mais des disparités profondes demeurent, et deviennent criantes, si l’on regarde les microentreprises. Un pan de l’économie regroupant plus de 3,7 millions d’entreprises (source : Insee) dont la digitalisation constitue un enjeu crucial pour la souveraineté numérique de la France de demain.

Les microentreprises – ces structures de moins de 10 personnes, et qui ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas les 2 millions d’euros, si l’on reprend la définition de l’INSEE – regroupent une population très variée (micro-entrepreneurs, artisans, professions libérales ou encore sociétés civiles immobilières) et couvrant de nombreux secteurs d’activité, souvent tournés vers l’économie locale (commerce, services aux entreprises, immobilier, enseignement, santé, action sociale…). Cette hétérogénéité se retrouve aussi quand on regarde leurs façons de travailler, et leur niveau de digitalisation. Un notaire, un boulanger, un agent immobilier indépendant, un designer ou un développeur en freelance n’auront pas le même usage des outils numériques, en prenant exemple de leur utilisation dans leur vie privée, faute d’offres professionnelles adaptées à leurs connaissances techniques ou à leurs budgets.

On se retrouve ainsi face à une prolifération d’usages dangereux. Car oui, ce n’est pas parce qu’un vol de données ou une usurpation d’identité, par exemple, est faite à une plus petite échelle, qu’elle en devient moins dangereuse pour la victime. Au contraire, une cyberattaque, par exemple, peut avoir pour une petite structure des conséquences graves, car elle n’aura pas les moyens de la détecter rapidement, ni d’y répondre. Leurs besoins sont urgents, les réponses adaptées très peu nombreuses.

Face à cette pénurie d’outils et d’offres adaptées, les micro-entrepreneurs, quel que soit leur cœur de métier, cèdent à la tentation d’outils gratuits. Qu’ils manipulent des données sensibles ou non, ils se tournent vers des outils dépendant de législations étrangères, sans forcément envisager d’autres options. Les grands acteurs américains ont la part belle parmi ces outils, les usages et investissements massifs les ont souvent rendus incontournables ou tout du moins semblent-ils plus accessibles alors que la question de leur gestion des données reste sensible. Une fois ces outils adoptés, les micro-entrepreneurs continuent de grandir, à recruter, et conservent ces habitudes.

Les éditeurs de solutions de numérisation français, dont l’auteur de ces lignes fait partie, doivent aujourd’hui se mobiliser pour changer cet état de choses. Proposer des offres adaptées à la microentreprise. Des tarifs imbattables. Des technologies à l’expérience utilisateur la plus simple qui soit, surtout. Ils doivent tout faire pour empêcher ces petites entreprises de dépendre des outils qui ne leur rendront service qu’à très court-terme, ou qu’en superficie. Ils doivent leur redonner le choix.

La compétitivité de l’économie et la souveraineté numérique de la France sont des enjeux qui doivent se travailler à tous les niveaux. Des offres existent, elles doivent bénéficier d’un écosystème leur permettant de se développer et être mises en avant au travers d’initiatives communes. Il n’y a aucune raison d’oublier les 96% des entreprises françaises parce qu’elles sont petites.