Ces entreprises qui forment leurs salariés à parler d'elles sur LinkedIn

Ces entreprises qui forment leurs salariés à parler d'elles sur LinkedIn De manière plus ou moins formalisée, certaines sociétés accompagnent leurs salariés volontaires à prendre la parole au sujet de leurs missions et de leurs expériences professionnelles.

"Nos salariés sont nos meilleurs ambassadeurs", répètent inlassablement de nombreux employeurs. Via la cooptation, ils ont leur rôle à jouer en termes de recrutement. Mais ils peuvent aussi s'impliquer sur le volet de la marque employeur. En juin dernier, Stéphanie Fraise, alors DRH de Blablacar, déclarait à l'occasion de l'inauguration du nouveau siège de l'entreprise : "Nous accompagnons nos salariés pour qu'ils puissent s'exprimer au sujet de leur travail et donner envie". Nouveau relais en période de pénurie de talents ?

Laurence Decaux est senior social media strategist pour l'agence de communication Ballou. Depuis cinq ans, elle accompagne régulièrement des entreprises qui proposent à leurs salariés de se former à prendre la parole sur les réseaux sociaux, dans le cadre de programmes d'employee advocacy. "Je me déplace une journée ou une demi-journée pour aller à la rencontre des collaborateurs intéressés, précise Laurence Decaux. Certains souhaitent être accompagnés pour construire une communauté, d'autres ont besoin d'aide pour écrire un post ou ne savent pas ce qu'est un hashtag. Les cas de figure peuvent être très différents." De la gestion des interactions au droit à l'image, elle balaie au cours de ces formations tout ce qui peut arriver sur les réseaux sociaux, et principalement sur le réseau social professionnel Linkedin.

Sur les réseaux sociaux, mais pas seulement

Chez Blablacar, l'accompagnement est organisé en interne et s'appelle le programme ambassadeur. "Si l'envie de partager est bien ancrée dans la culture d'entreprise, elle n'a pas toujours été formalisée", explique Albane Hussenet, talent acquisition manager. Il y a un an, un responsable de la marque employeur rejoint les équipes. "Il a été à l'initiative du programme, pour accompagner la démarche des salariés volontaires pour prendre la parole, à l'oral en public, en écrivant des articles ou via Linkedin. Chacun se donne son objectif personnel."

Chez Blablacar, le responsable de la marque employeur a été à l'initiative de l'accompagnement

Le responsable de la marque employeur anime le groupe Slack dédié au sujet en partageant chaque semaine articles et conseils. Il organise aussi un atelier tous les mois, tenu en visioconférence en anglais afin que tous les collaborateurs puissent y assister. Au programme : témoignage d'un influenceur Linkedin ou encore atelier d'écriture.

La première édition du programme ambassadeur a duré trois mois, au printemps 2022. "52 collaborateurs se sont inscrits sur le groupe Slack dédié au sujet, retrace Albane Hussenet. La moitié d'entre eux étaient très intéressés et ont participé aux quatre ateliers. Nous réfléchissons désormais à la façon de mieux animer cette communauté et envisageons d'organiser une ou deux sessions chaque année, peut-être plus longues." Quoi qu'il en soit, la talent acquisition manager pense que la mise en place d'une structure et un programme défini dans le temps encouragent les vocations.

Des formations plus ou moins formalisées

Pour que la question de l'employee advocacy prenne vie, "il suffit qu'une personne en interne s'approprie le sujet, membre des RH ou dirigeant. Il n'y a pas de profil type d'entreprise qui s'intéresse à la question, ni dans la taille, ni dans le secteur", constate Laurence Decaux.

Dans le cabinet de conseil BearingPoint, "on ne forme pas massivement les collaborateurs à être des pros sur LinkedIn, tient à préciser Olivier Parent du Chatelet, associé responsable du pôle conseil RH. Certains sont moteurs, on les nomme alors ambassadeurs pour s'exprimer sur les réseaux sociaux. Ces ambassadeurs reçoivent une petite formation : les équipes RH leur partagent quelques bonnes pratiques sur le discours à avoir, et des éléments de langage sur la manière de présenter BearingPoint. C'est valorisant pour ceux qui aiment parler de leur métier."

Pour l'employee advocacy, Alan se repose sur des ressources accessibles à tous en interne

Chez Alan, assurance santé à la culture d'entreprise originale (vacances illimitées, pas de managers ni de réunions car elle restreignent l'accès à l'information pour tous), pas de formation à proprement parler. Fidèle à lui-même, le néo assureur se repose pour l'employee advocacy sur des ressources accessibles à tous en interne. "Certains de nos collaborateurs expérimentés ont pris le temps de documenter ce qu'ils savent faire : prendre la parole lors d'une conférence devant des centaines de personnes ou écrire des articles sur notre blog, par exemple, illustre Maxime Le Bras, talent lead. Ils sont aussi très disponibles pour en discuter si besoin d'aller plus loin." L'employee advocacy a toujours eu son importance chez Alan. "Cela permet de faire rayonner notre marque employeur auprès d'un réseau (en passant par la cooptation notamment, qui représente 10% de nos recrutements), mais aussi de faire grandir notre communauté", poursuit Maxime Le Bras.

Les salariés plus crédibles que le marketing

En prenant la parole au sujet de leurs expériences professionnelles, les salariés font aussi leur personal branding et peuvent accroître leur employabilité. "Lorsque j'anime des formations en entreprise, les participants ne viennent pas des mêmes secteurs, n'ont pas le même âge, ni la même ancienneté… Ils ont pour point commun d'être passionnés par leur métier, note Laurence Decaux. Ces salariés volontaires trouvent que les réseaux sociaux sont chouettes et veulent faire partie de ça. Ils savent par ailleurs que développer leur profil LinkedIn pourra les aider pour la suite de leur vie professionnelle."

Perçu comme authentique, le discours des collaborateurs a plus de valeur que celui de l'entreprise

Les entreprises y trouvent aussi leur compte. Elles ont tout intérêt à miser sur ce type de communication, et à former leurs salariés en ce sens, pour mettre en avant leur marque employeur. "Les collaborateurs vont avoir un discours beaucoup plus crédible que celui de l'entreprise, avance la spécialiste des réseaux sociaux. Perçu comme authentique, il a plus de valeur. Nous avons davantage tendance à croire quelqu'un qui nous ressemble plutôt qu'une entreprise, qui a une image plus froide. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'influence se développe."

Selon une étude réalisée par LinkedIn en 2018, en effet, les entreprises dont les collaborateurs sont actifs sur le réseau social professionnel sont 58% plus susceptibles d'attirer les meilleurs talents et ont 20% plus de chances de les retenir. D'après Laurence Decaux, certains employeurs miseraient même sur les prises de parole de leurs salariés passionnés pour améliorer l'image de leur secteur, notamment dans l'aéronautique.