Trump menaçant Chicago : l'Europe peut-elle encore confier ses données au Cloud Act ?
Un président américain en uniforme militaire qui menace de guerre la ville de Chicago. L'image, publiée par la Maison Blanche elle-même, a de quoi glacer le sang.
Un président américain en uniforme militaire qui menace de guerre la ville de Chicago. L’image, publiée par la Maison Blanche elle-même, a de quoi glacer le sang. Elle illustre un fait brut : l’instabilité politique des États-Unis peut basculer du jour au lendemain dans des logiques de confrontation interne. Dès lors, une question cruciale s’impose pour l’Europe : si Washington est capable de menacer sa propre population, que pourrait-il faire des données des administrations et entreprises européennes, massivement hébergées par des géants américains soumis au Patriot Act et au Cloud Act ?
Pendant que Bruxelles tergiverse, d’autres pays prennent déjà des mesures concrètes. En Suisse, certaines administrations ont amorcé un virage stratégique : remplacer Salesforce, mastodonte américain du CRM, par des éditeurs européens. Ce choix n’est pas anodin : il incarne un mouvement de réappropriation de la souveraineté numérique que l’Union européenne, elle, peine encore à initier.
Les précédents Snowden et l’espionnage des alliés
Ce risque n’est pas hypothétique. L’histoire récente en fournit des preuves accablantes. En 2013, Der Spiegel révélait que la Commission européenne avait été espionnée via un système d’écoute installé dans ses propres bâtiments, à l’insu des autorités. Quelques mois plus tard, les révélations d’Edward Snowden confirmaient l’ampleur du dispositif : la NSA avait placé sur écoute la chancelière Angela Merkel, ainsi que le président français François Hollande.
Autrement dit, les États-Unis n’ont pas hésité à surveiller leurs alliés les plus proches… à une époque où les relations transatlantiques étaient pourtant excellentes. Depuis, le pouvoir d’intrusion américain n’a fait que s’institutionnaliser. Le Patriot Act (2001) a ouvert la voie à une surveillance de masse justifiée par la lutte contre le terrorisme. Le Cloud Act (2018), lui, a gravé dans le marbre un droit d’accès extraterritorial aux données hébergées par toute entreprise américaine, y compris celles stockées hors du territoire américain.
Une dépendance numérique qui frise l’inconscience
Chaque jour, les institutions européennes et les grandes entreprises livrent leurs secrets industriels et stratégiques à des acteurs soumis aux lois américaines. Un choix qui équivaut à tendre les clés de nos coffres-forts numériques à un pays étranger dont le président menace ouvertement sa propre population. La naïveté européenne frise l’inconscience.
Il est effrayant de constater que Bruxelles débat de l’interdiction de TikTok, pendant que nos brevets, nos données de santé, nos agendas ministériels et nos infrastructures critiques transitent par des serveurs américains. Demain, en cas de crise géopolitique, ces données pourraient devenir une arme redoutable entre les mains de Washington. La vraie menace n’est pas dans une application chinoise de vidéos courtes : elle est dans l’aveuglement européen.
Le sursaut européen est vital
Combien de temps l’Europe continuera-t-elle à jouer à l’autruche ? Après Snowden, après Merkel sur écoute, après des années de dépendance aux GAFAM, les signaux d’alerte sont tous au rouge. Aujourd’hui, un président américain menace sa propre ville : demain, que fera-t-il des données stratégiques de Bruxelles, Paris ou Berlin ?
Il est urgent d’arracher nos infrastructures aux griffes du Cloud Act. Les alternatives européennes existent. Elles attendent seulement que l’Union européenne trouve le courage politique de les soutenir massivement.
Si l’Europe ne se réveille pas, elle risque de découvrir trop tard que son patrimoine scientifique, industriel et stratégique est devenu une arme braquée contre elle. La souveraineté numérique n’est pas un slogan : c’est la condition même de notre liberté collective.