La France ne peut plus ignorer la Supply Chain
La Supply Chain est au XXIᵉ siècle ce que fut l'énergie au XXᵉ : le nerf de la puissance.
On confond encore trop souvent logistique et Supply Chain. La logistique, c’est le mouvement des marchandises : entrepôts, transport, livraisons. La Supply Chain, c’est tout le système qui rend cela possible : l’architecture complète des flux physiques, financiers et informationnels, depuis le fournisseur de matières premières jusqu’au consommateur final, en passant par la conception, la planification et la gestion des risques. C’est une fonction stratégique, transversale, qui relie les économies entre elles et conditionne leur souveraineté, elle couvre 60 à 80% du coût du produit final.
C’est d’ailleurs l’absence de cette vision systémique qui coûte aujourd’hui très cher : l’exemple britannique en est la démonstration la plus spectaculaire. Le piratage de Jaguar Land Rover a paralysé sa Supply Chain et perturbé à plusieurs niveaux touchant près de 5000 structures tant en amont qu’en aval et coûté plus de 2 milliards d’euros à l’économie britannique - dont plus de 1,7 milliard à la charge des finances publiques. Une logistique performante n’a pas suffi : sans maîtrise de la Supply Chain, c’est toute l’économie qui s’arrête, car la Supply Chain c’est aussi 40% de l’EBITDA !
La performance de demain ne se résume plus au coût ni à la vitesse
Comme le recommande le rapport du Sénat sur l’évolution des valeurs économiques à l’horizon 2050[1], nos économies doivent mesurer autrement la prospérité, en intégrant la résilience, la soutenabilité et la qualité du vivant. C’est exactement le défi de la Supply Chain moderne : rendre compatibles performance économique et réduction de l’empreinte environnementale, répondre aux nouveaux indicateurs sociaux et sécuriser les approvisionnements.
Or, la France ne dispose d’aucune gouvernance publique dotée d’une expertise Supply Chain. Nous avons des directions de la logistique, du transport, de l’industrie, mais pas de stratégie nationale intégrée sur la Supply Chain, contrairement aux États-Unis, à l’Allemagne ou au Japon, où des structures gouvernementales pilotent la résilience des chaînes critiques et anticipent les ruptures, accompagnent les décisions publiques.
Pour une gouvernance publique de la Supply Chain
A l'image du Supply Chain Resilience Office américain, il est possible d’intégrer au sein de l’appareil d’État une expertise dédiée à la Supply Chain,
L’objectif : assurer une cohérence entre les politiques industrielles, énergétiques, commerciales, sociales et environnementales, pour doter la France d’une capacité à orchestrer les systèmes physiques et informationnels dans un monde d’interdépendances et d’accélération. C’est l’un des objectifs du dernier ordinateur quantique, Lucy, mise en œuvre par Quandela[2].
Cette approche permettrait de prévenir les crises avant qu’elles ne coûtent des milliards, et de renforcer la souveraineté européenne.
Ne plus passer à côté de l’essentiel
La Supply Chain est au XXIᵉ siècle ce que fut l’énergie au XXᵉ : le nerf de la puissance. Oublier cela, c’est s’exposer à des coûts économiques et sociaux majeurs. La France a tout pour être en tête : ses ingénieurs, ses logisticiens, ses chercheurs, ses territoires et ses technologies.
Encore faut-il reconnaître que la Supply Chain n’est pas un simple rouage technique — c’est l’infrastructure invisible de notre résilience collective. C’est aussi un formidable outil stratégique de conquête de nouveaux marchés et donc de développement économique.
[1]https://www.senat.fr/fileadmin/Office_et_delegations/Prospective/Synthese/Rapport_Valeurs_economiques_adopte.pdf
[2]https://www.quandela.com/about-us/newsroom/quandela-delivers-lucy-the-most-advanced-photonic-quantum-computer-worldwide-to-eurohpc-and-genci-at-ceas-tgcc/