Et si le bien-être des collaborateurs ne dépendait pas que de leur entreprise ?

Face à cette deuxième phase de confinement, les risques psychosociaux sont plus que jamais au cœur des préoccupations. Le principal moteur de la résilience individuelle est activé par l'individu lui-même.

Dans ce contexte, le rôle du management n’est-il pas plutôt de donner aux collaborateurs les moyens de développer leur résilience et par là leur bien-être ? La méditation pleine conscience est un formidable levier dans ce sens. 

La situation sanitaire a un impact fort sur les émotions et le bien-être des collaborateurs

Depuis le début de l’année, nous avons collectivement vécu une succession d’évènements aussi inattendus que difficiles : pandémie, confinement, couvre-feu… Or les enquêtes réalisées par Santé Publique France ont mis en évidence que le premier confinement a eu de lourdes conséquences sur notre bien-être psychologique. Cette tendance risque de se renforcer du fait de l’épuisement émotionnel qui peut apparaitre après ces mois chargés.

Ce n’est pas tant la puissance des émotions qui nous impacte mais plutôt leur installation durable dans notre quotidien. Elle altère notre bien-être physique et psychologique et peut même avoir des conséquences sur notre capacité à raisonner.

Chêne ou roseau, quelle stratégie adopter ?

A l’image de la fable de La Fontaine Le Chêne et le Roseau, deux stratégies peuvent être adoptées pour gérer nos émotions. D’une part, la résistance, c’est l’approche du chêne qui fait face au vent sans fléchir : au début cette stratégie fonctionne mais quand le vent forcit et s’installe dans la durée, il finit déraciné ! D’autre part, la résilience : c’est le roseau qui plie dès les premiers vents mais se redresse après la tempête.

Avec la Covid, le vent de nos émotions n’est pas près de s’apaiser… C’est en apprenant à les écouter et à les exprimer de manière adéquate que nous pourrons faire face.

Quel est le rôle de l’entreprise et son management dans l’accompagnement des collaborateurs ?

Pour éviter ces difficultés, les entreprises cherchent des solutions. Un nombre croissant prend conscience de l’importance d’accueillir les émotions des collaborateurs pour mieux répondre à leurs besoins et les accompagner. Pour cela, elles s’en remettent aux managers. Après tout, n’est-ce pas leurs jobs de maintenir le collaborateur dans les meilleures conditions ?

Oui, mais le manager a lui aussi vécu une tempête d’émotions avec le confinement, et ce d’autant plus qu’il s’est souvent retrouvé en première ligne pour les décisions difficiles. A-t-il eu l’opportunité de développer lui-même sa résilience pendant cette période de crise ? Pour être en mesure de prendre soin des autres efficacement, il faut déjà prendre soin de soi. Difficile dans une période comme la nôtre… Mais même en temps normal, seraient-ils en mesure d’influencer profondément la résilience de leurs équipes ? Rien n’est moins sûr.

La résilience est un processus individuel qui ne peut être activé que par le collaborateur

Le professeur Richard Davidson[1], père des neurosciences contemplatives, explique que la résilience est une ressource individuelle intimement liée au fonctionnement de notre cerveau. Elle dépend de la circulation d’informations entre le cortex préfrontal et l’amygdale, une structure apparue tôt dans notre évolution et qui a une responsabilité importante dans la fabrication de nos émotions.

Est-ce à dire pour autant que l’entreprise serait dans l’incapacité de développer la résilience chez ses collaborateurs ? Non, mais si elle souhaite les accompagner véritablement, elle doit opérer un changement de paradigme. L’entreprise doit créer les conditions pour que les collaborateurs puissent développer leur résilience en toute autonomie, sans compter uniquement sur les managers.

La méditation pleine conscience a fait ses preuves et peut être proposée par les entreprises

Selon Richard Davidson la méditation de pleine conscience permet justement de renforcer la circulation d’informations entre le cortex et l’amygdale. Est-ce surprenant ? Pas vraiment pour qui connait cette pratique. En développant leur capacité à être conscient de l’expérience présente quand elle se déroule, les méditants identifient leur émotion dès ses prémices physiques. Si nous prenons l’exemple de la colère, une tension dans les mâchoires leur permettra de reconnaitre cette émotion et de se créer un espace pour agir avec plus de sagesse et discernement.

Pour renforcer les échanges entre le cortex et l’amygdale, Richard Davidson recommande la méditation de pleine conscience. Est-ce surprenant ? Pas vraiment pour qui connait cette pratique.

Parce qu’ils ont développé leur connexion au corps, les méditants perçoivent en effet plus facilement les sensations physiques qui accompagnent l’émergence des émotions. Une tension dans les épaules va par exemple les informer que la colère s’invite et leur donner la possibilité d’agir avec plus de sagesse et de discernement que s’ils n’en avaient pas conscience.

Pour qu’elle porte les fruits attendus dans un cadre professionnel et ne soit pas juste une nouvelle mode, trois conditions doivent être remplies :

  • Faire appel à des personnes habilitées pour accompagner les collaborateurs : être instructeur d’un programme reconnu (MBSR, MBCT…) devrait être un prérequis.
  • S’assurer que les programmes soient proposés sur la base du volontariat aux collaborateurs. Gardons en tête qu’il s’agit d’une démarche individuelle.
  • Donner du sens à cette démarche à la fois pour le collaborateur et pour l’entreprise. La résilience individuelle et collective est au cœur des enjeux stratégiques des organisations.

Offrir aux collaborateurs les moyens de prendre en main leur résilience ne veut pas dire que l’entreprise doit s’affranchir de ses responsabilités ni porter tout le poids de leur bien-être. Développer la résilience des collaborateurs et de l’organisation doit être un jeu gagnant-gagnant dans lequel chacun se responsabilise et récolte les fruits.

Auteurs :

Lucile Charzat, Consultante et coach en intelligence émotionnelle - Colombus Consulting, Carole Lepelley, consultante Colombus Consulting et Xavier Floquet, instructeur MBSR (Mindfulness-based stress reduction) et co-fondateur de Mindful@Work
 

[1] Les profils émotionnels, Richard Davidson