Emploi : le job hopping est-il désormais si mauvais ?

S'il était commun auparavant de garder son emploi le plus longtemps possible dans la même entreprise, la tendance croissante au job hopping vient bousculer les choses.

Cette pratique qui désigne le changement de travail fréquent (tous les 18 mois) touche surtout les plus jeunes salariés.

Par quoi est influencé le job hopping ?

Depuis le début de la pandémie, les Français ont pris conscience que leur emploi ne représente pas toute leur vie et ont commencé à accorder une place plus importante aux autres aspects de leur vie tels que les loisirs, la famille, garder du temps pour soi… L’augmentation du nombre de job hoppers est également influencée par le télétravail, qui transforme l’attachement à l’emploi. D’ailleurs, il y a une forte augmentation du nombre de micro-entreprises créées depuis le début de la pandémie (+30.6% entre janvier 2020 et janvier 2022), qui offrent plus de flexibilité dans le travail.

Le job hopping est commun dans les secteurs en grande demande comme l’informatique, les services à la personne ou encore le tourisme, ce dernier accueillant notamment de nombreux saisonniers ayant l’habitude de changer tous les 3 mois, voire très régulièrement d’employeur. En raison de la demande toujours croissante de la part des recruteurs, les collaborateurs ont donc la possibilité de trouver régulièrement une meilleure offre à leur emploi actuel. Cette pénurie de main-d’œuvre a donc redonné le pouvoir de négociation aux travailleurs, qui en profitent.

Le job hopping est aussi très présent dans les secteurs où la rémunération est liée à la performance comme la vente ou la restauration. Les salaires de base et les primes offerts par les employeurs du secteur peuvent varier de manière importante, ce qui peut motiver les collaborateurs à favoriser de meilleures opportunités.

Quels sont les avantages du job hopping pour le salarié ?

Le job hopping peut être un pari payant. Le changement d’emploi peut permettre d’augmenter substantiellement son salaire : une promotion à l’interne l’augmente en moyenne de 5%, ce qui au regard actuel du contexte inflationniste (5,2% en France) est moins intéressant qu’un changement d’emploi qui permet généralement à une augmentation allant de 10 à 20%. C’est une pratique qui permet aussi un avancement de carrière plus rapide, car en ayant développé de nouvelles expériences professionnelles, le collaborateur acquiert de nouvelles compétences et connaissances qui lui permettent de prétendre à de meilleurs postes. Enfin, cumuler différentes entreprises agrandit indéniablement le réseau de contacts professionnels, qui peuvent bénéficier au nouvel employeur.

Et pour l’entreprise ?

Les job hoppers détiennent également des compétences prisées des recruteurs. Cumuler les emplois est un bon moyen pour développer des compétences (techniques ou soft skills) et en acquérir de nouvelles. L’un des grands avantages des job hoppers, c’est leur capacité d’adaptation. Grâce à leurs expériences variées, ils sont capables de s’adapter rapidement à un nouvel environnement de travail et n’ont pas peur du changement. Dans un environnement qui évolue continuellement, savoir s’adapter au changement est bien plus qu’un avantage, c’est une nécessité. Enfin, ils apportent avec eux de nouvelles méthodes, des nouvelles idées et des approches souvent novatrices pour les entreprises qui les accueillent. En effet, un collaborateur qui a occupé des emplois dans différents secteurs d’activité pourra importer les pratiques inspirées d’ailleurs qui sont susceptibles de fonctionner pour son nouveau poste.

Quels est le profil des job hoppers ?

Le job hopping est une tendance populaire parmi les jeunes, qu’ils soient Millennials ou issus de la Gen Z ; ces derniers ayant souvent un faible sentiment de loyauté envers un employeur. Il peut également s’agir de salariés provenant de secteurs dont les changements d’employeurs sont naturellement plus fréquents : dans le BTP, l’informatique, le marketing digital les job hoppers sont monnaie courante. Dans les secteurs saisonniers, comme dans la restauration, l’hôtellerie ou l’agriculture, les contrats de courte durée sont légion. Ils peuvent venir également de métiers dont les rémunérations sont à la performance, dont les candidats se livrent en général au plus offrant. Ou encore de travailleurs ayant connu une grande autonomie (en tant que freelance par exemple), et qui de retour dans le milieu d’une entreprise, n’hésiteront pas à s’envoler vers de nouveaux horizons en changeant d’employeur à la moindre occasion.

Comment fidéliser un job hopper ?

Il est normal de vouloir fidéliser ses salariés, surtout lorsqu’ils sont talentueux. Il est possible d’agir pour donner envie aux job hoppers de rester dans l’entreprise. Cela commence par leur proposer une augmentation de salaire conséquente, et notamment plus élevée que le taux d’inflation actuel. Au-delà du salaire, les employés sont souvent à la recherche d’autres avantages lorsqu’ils étudient les offres d'emploi : meilleure mutuelle, jours de congés, plan retraite, primes, titres-restaurants, accès à des salles de sport... Des avantages qui peuvent d’ailleurs devenir l’ultime facteur de décision lorsque deux entreprises offrent une rémunération comparable.

Certains DRH leur promettent également un développement de carrière qui les encourage à rester engagés sur du long terme. Car bien qu’ils aient la bougeotte, les job hoppers ne veulent pas nécessairement changer de boîte. Ils veulent trouver de nouveaux projets. Pour combler leurs attentes, il faut leur donner l’opportunité de développer leurs propres projets au sein de l’entreprise. L’intrapreneuriat est souvent un bon moyen de renforcer leur engagement dans l’entreprise.

Enfin, l’atmosphère de travail est tout aussi importante que les missions. En misant sur l’environnement de travail et la culture organisationnelle, les DRH améliorent le bien-être, l’investissement et la loyauté de leurs employés. Liées à la marque employeur, la QVT et la culture peuvent devenir un avantage concurrentiel durable.

 À long-terme, le job hopping joue-t-il contre le candidat ?

Embaucher un job hopper, c’est savoir à l’avance que ce collaborateur pourra quitter l’entreprise plus tôt qu’elle le souhaite, estimant qu’elle n’est qu’un point de passage dans sa carrière.

Il y a encore quelques années, les candidats qui changeaient souvent d’emploi étaient mal perçus en France. Les recruteurs éliminaient les CV aux expériences trop nombreuses en y voyant l’instabilité professionnelle comme le signe d’un manque de cohérence ou de fidélité. Mais en 2022 la donne a changé ; avec la pénurie de talents, les candidats ont pris le pouvoir en leur faveur. Certains recruteurs ont dû modifier leur raisonnement pour embaucher des candidats aux compétences spécifiques difficiles à trouver et accepter leurs parcours aux multiples emplois.

Mais attention, dans certains secteurs recruter un job hopper peut toujours apparaître comme une embauche à risque, les DRH en ont toujours une vision défavorable, ne voyant pas la peine d'embaucher, d'intégrer et de former un employé susceptible de quitter l’entreprise dans un court laps de temps.

Par ailleurs, une expérience professionnelle fragmentée sur un CV peut montrer un manque de progression au sein d'une organisation. Que peut avoir appris en employé en quelques mois seulement ? Le savoir une fois et le savoir dix fois sont très différents et montrent le degré d’intériorisation de la compétence et la réflexion.

Les nouvelles générations vont occuper plus d'un emploi au cours de leur carrière et très probablement plusieurs postes différents dans diverses entreprises au cours d’une même année. C'est ainsi que fonctionne le monde du travail de nos jours. Le phénomène de la Grande Démission n’en est qu’un avant-goût. Les talents des générations Y et Z sont prêts à abandonner les cheminements de carrière établis, pour partir à la recherche de quelque chose de plus épanouissant ou d'essayer une opportunité qui semble plus excitante. Et les employeurs qui ont une vision hostile du job hopping, devront s’y conformer… au risque de paraître bien moins agiles aux changements.