Entre économie sociale et solidaire et compétitivité : la responsabilité des entrepreneurs

Comme un lendemain qui déchante, le monde s'est réveillé il y a une quarantaine d'années en regardant derrière lui, en se disant qu'il avait bien trop profité de ses ressources naturelles pendant ses glorieuses heures d'expansion industrielle et économique.

Il doit maintenant penser au futur tout en pansant les erreurs issues d'une surexploitation des matières premières. La nécessité d'un développement durable incombe également aux entrepreneurs, premiers consommateurs de ses denrées raréfiées.
À partir des années 1990, les dirigeants de la planète ont commencé à prendre conscience de l'épuisement des ressources naturelles et des dangers de facto entraînés pour l'écosystème et surtout l'être humain. Alors que pendant des années toutes les économies mondiales – ou presque – ont reposé sur le système capitaliste issu de théories libérales anciennes, la nécessité d'un développement économique durable a fait son apparition et l'homme politique a commencé à lui faire une place particulière dans ses discours. C'est d'ailleurs à cette époque que le concept de développement durable est défini et ses enjeux établis. Selon Ignacy Sachs, socioéconomiste pionnier dans l'écodéveloppement, il s'agit d'un « développement endogène et dépendant de ses propres forces, qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins ».
Si les États sont évidemment les premiers acteurs de ce développement durable, grâce à l'orientation de leurs politiques publiques en sa faveur, les entreprises, parce qu'elles créent, usent et – parfois – abusent des matières premières en voie d'épuisement, sont les interlocuteurs privilégiés d'un éco-développement qui peine encore à s'introduire dans la réflexion de tous les patrons.
Une des idées majeures de ce type de développement étant de remettre l'individu au cœur du système économique afin de cesser de le soumettre au dictat de l'argent-roi, les avancées en la matière méritent d'être tout particulièrement soulignées et les carences rappelées.

Il existe une véritable responsabilité sociale des entreprises

Les entreprises qui intègrent l'aspect durable dans leur développement recherchent, en plus d'une « ré-humanisation » de l'économie, des bénéfices environnementaux et sociaux. Cette « responsabilité sociale des entreprises » (RSE) se traduit naturellement par quelques pratiques fondées sur des valeurs éthiques de respect. Respect de toutes les parties prenantes de l'activité de l'entreprise – patron, employés, clients... –, d'abord, et de la communauté – collectivités locales, associations de consommateurs – ainsi que de l'environnement, ensuite. La RSE a de nombreux avantages, puisqu'elle induit sur le long terme une augmentation des performances commerciales et financières des entreprises, et réduit les risques juridiques ainsi que les sanctions économiques qui en découlent. 
Cependant, la période actuelle n'est évidemment pas propice à un approfondissement concret du développement durable, les entreprises préférant parfois sacrifier les emplois sur l'autel de leurs profits. Certaines, toutefois, parviennent à concilier crise économique et conservation de l'emploi, en mettant en place divers mécanismes d'épargne salariale. Ainsi le droit du travail français a-t-il été profondément remanié depuis 2008 afin de permettre aux salariés de participer financièrement aux résultats de leur entreprise, grâce à des mécanismes comme l'intéressement – bénéfice financier des performances de l'entreprise –, le plan d'épargne d'entreprise – constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières –, ou la participation – attribution d'une fraction du bénéfice réalisé.

Les atouts majeurs de l'économie sociale et solidaire

Si la crise économique actuelle a profondément atteint la majorité des entreprises, certaines ont été moins impactées que d'autres et, de plus, ont pu valoriser leurs avancées en matière de développement durable. C'est le cas des entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire (ESS), reposant avant tout sur des acteurs à but non lucratif, moins intéressés par le profit pécuniaire et davantage tournés vers l'humain. Ce pan de l'activité économique a d'ailleurs créé quelque 23 % d'emplois supplémentaires entre 2000 et 2010, contre 7 % dans l'économie française globale.
Les valeurs défendues par l'ESS sont éminemment proches de celles que représente le développement durable : utilité sociale, coopération, ancrage local adapté aux nécessités de chaque territoire, partage et solidarité en lieu et place de l'enrichissement personnel, respect de l'homme et de son environnement. Le modèle économique de l'ESS est par conséquent pleinement au service de la société et du citoyen. Tout comme l'éco-développement, il cherche avant tout la primauté de l'homme sur le capital, et ses acteurs défendent une manière spécifique d'entreprendre, orientée vers des projets d'utilité sociale et environnementale avant tout.
Si l'ESS représente effectivement une part non négligeable des acteurs économiques en France, elle ne peut évidemment pas servir de standard aujourd'hui, alors que la mondialisation oblige les entreprises à être performantes et compétitives. Mais les valeurs qu'elle défend doivent être prises en compte par l'ensemble du monde entrepreneurial, afin d'associer toutes les structures à l'une des principales luttes du XXIe siècle : la pénurie de ressources naturelles.