Combiner avec succès le management pyramidal et transversal

La transversalité s'impose depuis trois décennies dans le fonctionnement des entreprises. Jamais elle n'a autant pesé dans l'influence du pouvoir... et provoqué de conflits d'intérêts. Force est de constater qu'il y a de nombreuses déperditions dans sa mise en oeuvre et dans son pilotage.

La transversalité s'impose le management depuis trois décennies dans le fonctionnement des entreprises et  irrigue, en profondeur, les structures et modes d'organisation. Elle n'a jamais été aussi influente dans la stratégie et autant pesé dans la gouvernance et l'exercice du pouvoir. Jamais... elle n'a autant provoqué de conflits d'intérêts dans le fonctionnement quotidien.

Le management transversal présente plusieurs visages mais il a une spécificité commune... celle de construire la performance collective dans une relation qui n'est pas hiérarchique à travers  :

· le pilotage de processus transverse : celui-ci permet de dépasser les cloisonnements des structures hiérarchiques, de dépasser les logiques de territoires pour orienter l'entreprise sur les clients et le marché

·  la conduite d'un groupe de travail ou d'un projet : il fédère les acteurs sur un objectif précis et dans un délai défini pour conduire un changement ou résoudre un dysfonctionnement.

· l'animation d'un réseau ou d'une communauté de pratiques : elle permet aux acteurs selon leurs besoins de capitaliser l'expérience acquise et d'identifier les bonnes pratiques

· la gestion des relations avec les clients ou fournisseurs : certains activités qui ne sont pas dans le coeur de métier de l'entreprise sont sous-traitées pour accroître la qualité ou réduire les coûts.

· le management des fonctions supports : il a pour finalité d'apporter conseil et assistance aux activités opérationnelles (logistique, qualité, ...) et d'accroître ainsi la cohérence globale du fonctionnement

Cette montée en puissance de la transversalité, ces dernières années, trouve sa source dans le contexte économique et il n'y a pas de raison objective pour que celle-ci ne continue pas à croître dans les années à venir, du fait  de plusieurs facteurs : la multiplicité des produits et des marchés, le développement du "sur-mesure" et de la personnalisation de l'offre, la prolifération des technologies nouvelles, l'instabilité de l'environnement.

·   En effet, les entreprises se trouvent face à des conditions de concurrence qui placent l'innovation et la satisfaction des clients au centre des choix stratégiques. La compétitivité est devenue plus que jamais difficile à acquérir du fait de l'incertitude économique, la durée de vie des produits et technologies, la grande diversité des compétences à mobiliser.

Une telle situation impose une grande flexibilité et réactivité de l'organisation et c'est bien le plus grande mérite des missions transversales que de pouvoir y contribuer avec l'enjeu de ne pas rajouter de la complexification à la complexité.

Une réponse face  à la complexité

Comme le démontre Edgar Morin, la complexité ne se limite pas à l'environnement externe. L'entreprise est devenue à travers le développement de ses composantes de plus en plus complexe à gérer. L’enchevêtrement des interactions est tel qu’il est impossible à l’esprit humain même dans des conditions idéales, de les concevoir analytiquement. Les systèmes complexes fonctionnent avec une part d’incertitude.

Si l’on comprend l’entreprise comme un système, il est clair que le nombre d’éléments qui interviennent dans ce système s'accroît sans cesse. La chaîne de valeur ne se limite plus aux seuls salariés et aux interactions internes... elle intègre plus largement les fournisseurs mais aussi les clients. Ces derniers interviennent de plus de plus dans les processus d'évaluation et dans la conception des produits et services.

De ce fait, la transversalité entraîne mécaniquement une décentralisation des responsabilités. Le centre de gravité de l'entreprise baisse et cette réalité n'est pas qu'une modalité organisationnelle parmi d'autres : elle génère l'émergence d'un nouveau mode de gouvernance.

En effet, comment concevoir de faire fonctionner en réseau des équipes sans que leur hiérarchie directe s'inscrive aussi dans cette même philosophie. La transversalité modifie en profondeur la manière de travailler et de prendre des décisions : une nouvelle culture managériale se met en place.

Le socle de la responsabilité collective

L'ambition consiste à fédérer les acteurs sur des projets ou processus transverses mais cette volonté ne remet pas en cause l'existence de la pyramide, à savoir les responsabilités hiérarchiques.

En effet, la transversalité n'a pas pour but de "concurrencer" les structures hiérarchiques mais plutôt de créer entre elles une fluidité accrue. La coopération est l'élément clé de la réussite et celle-ci ne s'improvise pas dans la confusion.

La transversalité ne recherche pas à remettre en cause les métiers, les fonctions et expertises mais elle ambitionne de faire travailler ensemble, efficacement, des acteurs capables d'apporter une valeur ajoutée distincte.

La transversalité ne peut se satisfaire d'un flou dans la répartition des rôles entre les différents acteurs et nous verrons aussi qu'elle impose pour être pleinement efficace une grande efficience managériale.

Depuis un siècle, notre modèle dominant est le modèle industriel incarné par la standardisation des produits, le machinisme et le taylorisme. Un modèle dans lequel l'homme s'est adapté à l'organisation... et où l'entrepreneur a souvent pensé à la place du client. Un modèle reposant sur le contrôle de l'organisation et l'optimisation de la contribution individuelle.

Le développement de la transversalité ne remet pas en cause l'engagement individuel mais il favorise la responsabilité partagée. L'efficacité est individuelle... mais la performance devient collective.

Nous voyons que cette démarche représente un gisement qui offre de multiples opportunités.

La  logique industrielle du taylorisme a largement fait ses preuves pendant plus d'un siècle et obtenue des résultats incontestables mais nous savons qu'elle n'est plus en mesure de répondre aux enjeux actuels.

L'émergence du capital humain

L'industrie allemande a été capable de garder son rang en sachant préserver sa volonté de faire des produits de qualité. Une société comme Apple vend des produits 30 % plus chers que ses concurrents grâce à sa capacité à se démarquer. SEB montre la voie pour les produits français en s'imposant sur le marché du petit électro-ménager si fortement concurrencé par les pays asiatiques. Cette entreprise se différencie et tire profit de la qualité et de l'innovation de ses produits.

Là encore, il ne suffit pas d'avoir une direction "Recherche et Développement" efficace pour faire sa place. L'entreprise a besoin d'une vision pour construire son développement mais sa première stratégie... est bien de comprendre que le capital humain n'est plus une variable d'ajustement mais le vecteur clé de la performance économique.

Depuis trois décennies,  les stratégies d'entreprise privilégiaient en pôle position la réduction des coûts, puis une approche qualiticienne de la qualité orientée fortement sur le contrôle de l'organisation et pour finir les Ressources humaines avec, comme dominante, le développement des compétences.

Une telle évolution va avoir évidemment de grandes répercussions sur notre approche de la gouvernance et du leadership.

L'entreprise devient de plus en plus transversale et cette réalité incarne la principale évolution que nous constatons depuis une décennie :

·    1. Sans faire de bruit, les fonctions " support " accroissent en effectif et s'avèrent de plus en plus déterminantes dans les décisions stratégiques : marketing, qualité, sécurité, contrôle interne.

·         2.  Le management de projet est devenu progressivement le management par projet  et il devient incontournable dès qu'il s'agit de conduire un changement ou de fédérer les acteurs

·      3.  Aujourd’hui, ce sont les communautés de pratiques et les réseaux sociaux d’entreprise qui viennent selon une approche plus informelle proposer leur contribution, sans que l’on sache d’ailleurs trop comment les animer et quelle place leur accorder dans le fonctionnement.

Une telle approche souffre aujourd'hui de son succès et vit une véritable crise de croissance. Au regard des enjeux actuels, la transversalité ne peut plus se satisfaire de vivre dans cette clandestinité qui la caractérise. Elle est devenue un levier essentiel de la performance et elle doit être reconnue comme telle... dans l'élaboration de la stratégie, la gouvernance et dans la pratique du leadership.