Les écoutes téléphoniques sur le lieu de travail régulées par la CNIL

La CNIL vient d'adopter une norme simplifiée destinée à encadrer les écoutes téléphoniques sur le lieu de travail. Ces écoutes et l'enregistrement des conversations téléphoniques peuvent être plus facilement mis en oeuvre, mais ils sont désormais davantage encadrés.

Les écoutes téléphoniques des salariés au sein de l'entreprise sont devenues monnaie courante depuis quelques années. Du fait notamment de la multiplication des services clients téléphoniques, qui peuvent faire l'objet d'une surveillance, ou bien de la pratique des écoutes chargées de vérifier si un salarié ne commet pas des fautes professionnelles, les murs de l'entreprise ont des oreilles !
En principe, ce type de traitement de données à caractère personnel devrait faire l'objet d'une déclaration normale auprès de la Commission Nationale de l'Informatique & des Libertés (CNIL). Cependant, du fait du caractère désormais banal de ce type de traitement, la CNIL a décidé d'adopter une norme simplifiée permettant au responsable du traitement, c'est-à-dire à l'employeur, de déclarer la mise en place d'un tel système simplement en formulant un engagement de conformité à la norme.
Le texte adopté le 27 novembre 2014 (norme simplifiée n° 57) prévoit ainsi classiquement son champ d'application, en l'occurrence "les traitements automatisés utilisés par les organismes publics ou privés relatifs à l’écoute et à l’enregistrement ponctuel des conversations téléphoniques sur le lieu de travail". Certains de ces traitements sont exclus du périmètre de la norme, notamment les enregistrements audiovisuels (seuls les enregistrements téléphoniques sont concernés), les traitements qui portent sur des données sensibles (par exemple des données médicales) ou encore les enregistrements permanents ou systématiques des appels sur le lieu de travail. En d'autres termes, les appels ne peuvent être écoutés et enregistrés que de manière ponctuelle.
A cet égard, l'écoute et l'enregistrement ne peuvent avoir lieu qu'aux fins de formation ou d'évaluation des employés, ou bien encore de l'amélioration de la qualité du service. C'est ce qui explique que, désormais, lorsque l'on appelle le service clients d'une entreprise, un message précise que la conversation peut être enregistrée "aux fins d'amélioration de la qualité". Dans ce cas, un salarié de l'entreprise sera alors chargé de formuler des recommandations sur la manière de traiter l'appel d'un client ou, de manière générale, d'un correspondant. Certains propos sont à éviter, d'autres à privilégier. Le but est donc de faire en sorte que le traitement de la conversation soit amélioré.
Ce type d'écoute peut-il alors servir à s'assurer qu'un salarié ne commet pas de faute professionnelle ? Peut-il s'agir d'un moyen de surveillance du salarié ? A priori oui, puisque l'une des finalités du traitement peut porter sur l'évaluation des employés. Ceci signifie donc qu'un salarié pourrait se voir reprocher une mauvaise exécution de son contrat de travail dans le cadre d'une conversation téléphonique qui aura fait l'objet d'une écoute. Cependant, comme indiqué ci-dessus, la surveillance ne pouvant pas être systématique, y compris à des fins probatoires, l'employeur devra procéder à des écoutes "surprise".
Ceci est confirmé par la nature des données qui peuvent faire l'objet d'une collecte et d'un traitement, à savoir les données d’identification de l’employé et de l’évaluateur, les informations techniques et objectives relatives à l’appel (telles que la date, l'heure et la durée de l’appel), ainsi que l’évaluation professionnelle de l’employé.
Seules certaines personnes peuvent avoir accès aux données ainsi collectées : celles chargées de la formation des employés, de leur évaluation et de l’amélioration de la qualité du service, dans les limites de leurs attributions respectives. Et les données en question ne pourront être conservées que pendant une durée limitée, classiquement la "durée pertinente au regard de la finalité justifiant leur traitement", laquelle ne peut être supérieure à six mois (pour les enregistrements) ou un an (pour les comptes rendus et grilles d’analyse).
Il est très important de relever que la norme simplifiée n° 57 prévoit une obligation d'information préalable des salariés comme de leurs interlocuteurs. Ceci ne signifie pas qu'ils sauront s'ils sont écoutés : ils devront seulement être prévenus de la possibilité d'une écoute, ceci afin de pouvoir éventuellement exercer un droit d'opposition (lequel est rarement proposé à l'heure actuelle).
Enfin, notons que la norme impose au responsable du traitement de mettre en œuvre toutes précautions utiles pour préserver la sécurité des données ainsi collectées. Cette sécurité doit prendre la forme de mesures de protection physiques et logiques.
Ainsi, désormais les écoutes sont facilitées mais également plus encadrées qu'avant. Le non-respect des dispositions de la norme simplifiée est sanctionné par cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende, celle-ci pouvant atteindre 1 500 000 euros pour les personnes morales.