L’obsolescence programmée : une aberration économique doublée d’une bombe écologique à retardement

Selon l’Ademe, plus de 100 millions de téléphones portables dorment aujourd’hui inutilisés dans les placards des Français. Cette boulimie technologique est sans cesse alimentée par les constructeurs. Ce qui est lourd de conséquences environnementales et sociétales.

L’obsolescence programmée ne consiste (généralement) pas à introduire dans l’appareil une sorte de machiavélique mécanisme d’autodestruction planifiée mais à inciter par toutes sortes de moyens le consommateur à se tourner vers un produit neuf. 

De la médiocrité volontaire de certains composants vitaux à l’indisponibilité des pièces détachées ou à la disqualification progressive du matériel par le logiciel, l’obsolescence programmée passe par d’innombrables subterfuges techniques, et les plus efficaces, jouent aussi sur des ressorts psychologiques. À l’image des batteries de téléphone, désormais inaccessibles, les constructeurs rendent par exemple les réparations si complexes et coûteuses que le propriétaire est en général découragé par avance d’y recourir. Et la valorisation et la mise en scène perpétuelle de l’innovation dans le discours marketing font déconsidérer des appareils âgés de quelques mois à peine et encore largement suffisantes pour le commun des mortels

Le résultat de l’obsolescence programmée est une aberration économique doublée d’une bombe écologique à retardement qui, pour une large part, gonfle tranquillement dans les placards. Le marché de l’occasion permet en partie de la désamorcer en prolongeant la durée de vie des appareils (et donc en limitant la production de modèles neufs), mais il ne répond qu’imparfaitement aux attentes légitimes du consommateur. Celui-ci ne regarde en effet pas que le prix. Il veut aussi être sûr de la qualité de ce qu’il achète, disposer d’une garantie et d’un interlocuteur clairs, et bénéficier d’un appareil malgré tout suffisamment récent pour offrir les performances et les compatibilités nécessaires à une utilisation normale.

Ces avantages, c’est précisément ce que propose le reconditionnement. Le reconditionnement consiste à récupérer des appareils usagés, à les remettre à neuf, puis à les revendre aux tarifs de l’occasion. Le reconditionnement lui-même s’effectue en usine, avec des méthodes et une qualité industrielles, et des composants standards et agréés. Les appareils reconditionnés présentent des taux de panne similaires au neuf et sont en général garantis 6 mois à 1 an.

Permettant, comme l’occasion, de lisser l’impact environnemental des appareils mais offrant des prestations proches du neuf, le reconditionnement emprunte au meilleur des deux mondes pour rattraper en partie les dérives de l’obsolescence programmée. Reste que pour maximiser son impact, la filière doit encore grandir, massifier sa présence et devenir une alternative reconnue. Elle a pour cela besoin de communiquer pour faire comprendre ses spécificités et ses avantages, de s’organiser afin d’accroître son efficacité et sa visibilité, d’industrialiser et d’harmoniser ses pratiques afin de renforcer sa qualité de service, de se montrer à la fois exigeante et transparente pour gagner la confiance du consommateur, et enfin d’élargir ses services pour consolider son modèle économique et sa relation client. Ce vaste chantier passe notamment par la mise en place de plateformes capables de jour un rôle d’intermédiaire de confiance entre les usines et les consommateurs.

Bien sûr, le reconditionnement n’est qu’une réponse partielle à l’obsolescence programmée. Ralentir la course effrénée à la nouveauté et en limiter les conséquences négatives nécessite avant tout de travailler en amont avec les constructeurs et en aval avec les consommateurs pour que s’opère une prise de conscience. Mais la tache sera longue et, à court terme, le reconditionnement est l’un des rares remèdes capables d’atténuer le mal.