Vœux professionnels : osons être vrai

La période des vœux est formidable. Elle repeint en rose bonbon la façade du monde : toujours plus de bonheur, d’amour, de paix, de joie, le tout dans une effusion d’embrassades. Et si l'on cessait l'hypocrisie tout en restant poli ?

La baguette magique annuelle est là pour nous rappeler nos rêves, nos aspirations, nos ambitions mais aussi notre goût des autres. Et ça fait du bien. Profitons en pleinement et comme dirait Matthieu Ricard, faisons-le en pleine conscience car cet état d’humanité partagée ne dure jamais très longtemps !

 

Bientôt en entreprise la réalité crue va de nouveau s’imposer. Q1 va se rappeler aux bons souvenirs de votre chef, l’urgence d’hier va de nouveau dicter sa loi, les petits compromis qui pourrissent la vie vont s’imposer, les postures à adopter absolument mais tellement éloignées de votre nature profonde vont, elles aussi réapparaitre… Bref, la liste est longue de ce que certains aiment appeler : le principe de réalité.

 

L’entreprise qui est censée être un lieu de réalisation de soi et de progrès, preuve à l’appui les politiques de RSE qui s’étalent dans les rapports annuels, est souvent le terrain du reniement de ses propres croyances. Face aux injonctions paradoxales du quotidien et du business, les grands principes philosophiques s’évaporent vite.

 

Prenons pour exemple les concepts de marque employeur ou de bien-être au travail qui font aujourd’hui l’unanimité et qui pourtant sont souvent bâtis sur des substituts de réalité tellement éloignés de la vraie vie. Les personnes en charge de ces sujets y croient dur comme fer, arrivent souvent à bâtir des plans ambitieux qui se résument à peau de chagrin une fois passé le tamis du contrôle de gestion. Pire, à quelques rares exceptions, ces sujets si importants, se déploient dans une indifférence généralisée. Frustrant ? La vraie vie, tout simplement.

 

Alors que fait-on pour 2018? On croise les bras, on lève les yeux au ciel dans un grand soupir. Chacun a sa réponse, loin de moi l’idée d’apporter une solution universelle.

 

Kippling disait "l’homme qui ne peut regarder le miroir ne peut le traverser". La réponse est surement dans le miroir de chacun. Soyons les valeurs que l’on prône, portons avec fierté le maillot de son entreprise ou quittons là (rupture conventionnelle, démission... les moyens ne manquent pas). Essayons de donner aux autres (collègues, partenaires, clients…) ce que l’on est en droit d’attendre pour soi. Il en va de même pour les individus comme pour les entreprises.

Les mythos, les fumistes, les bêtes à sang froid capables d’hurler sur autrui sont comme la plaie dans la vraie vie, ils sont particulièrement nuisibles. Un ami DRH, aveugle, m’avait dit "tu sais Didier, le pire des handicaps dans une entreprise, c’est la connerie".

 

A partir de là, charge à chacun d’avoir la vie qu’il souhaite ; une vie qui donne envie d’être vécue et partagée. Une vie honnête. En entreprise, le vrai enjeu de l’époque actuelle est bien celui de l’honnêteté morale, intellectuelle et spirituelle au sens de la culture d’entreprise. Au même titre qu’un diplôme ne fait pas une personne, un chiffre d’affaires ou des parts de marché ne font pas une entreprise.

 

Elle a une âme, une colonne vertébrale sur laquelle son corpus s’aligne et s’harmonise ; elle est une communauté de vie avec ses salariés, ses clients, ses fournisseurs, ses candidats… Chacun à son niveau est un maillon de sa chaîne de valeurs.

 

Un autre ami, spécialiste de médecine chinoise, qui voit défiler dans son cabinet des cadres pliés en deux, me disait récemment "c’est fou, l’entreprise casse de plus en plus de l’humain"…

 

Entre la vérité rêvée, idéalisée des vœux et la vraie vie, il y a surement une voie à suivre qui est celle de sa propre vérité. Les beaux concepts sont utiles, le bien-être on est tous pour, la bienveillance aussi, mais attention à la grande tartufferie de la posture.

 

Aucun job, aucune entreprise n’a de légitimité pour vous amener à vous renier. Etre vrai, c’est aussi simple qu’être soi. Etre vrai, c’est accepter pour l’entreprise de se donner à partager en assumant son droit à la discrimination culturelle - rien à voir avec les formes de discriminations détestables (sexe, âge, religion, origine…) - celui-là même qui permet à l’autre de s’y projeter ou pas dans le respect de sa propre liberté.

 

Etre vrai, c’est assumer ne pas être fait pour tout le monde en toute bienveillance.

Etre vrai, c’est savoir mettre les bons mots sur les maux de l’époque pour espérer que les  vœux deviennent réalité. Bonne année !