L'Open Innovation Interne sera-t-elle la clef du leadership de demain ?

Compte tenu de la rapidité des évolutions de notre monde économique, la question des conditions de l’émergence du leadership de demain se pose assez naturellement. Après le bilan mitigé des politiques d'Open Innovation externes de ces dernières années, on voit peu à peu se développer des approches "intrapreneuriales" qui pourraient bien être la clef de la réussite.

Compte tenu de la rapidité des évolutions que connaît notre monde économique,  la question des conditions de l’émergence du leadership de demain se pose assez naturellement. Réussir nécessite de faire cohabiter deux mondes différents: 

  • Le monde "industriel", organisé autour d’une logique processée de production de biens, 
  • et les nouvelles logiques productives, centrées sur la capacité d’adaptation rapide au marché et la mise en place d’un modèle rapidement scalable.

En d’autres termes, il s’agit de permettre à des organisations créées dans le but d’optimiser l’efficacité "industrielle" de se positionner rapidement sur des territoires de croissance qui nécessitent souplesse, capacité d’innovation, approche "test and learn" et capacité d’investissement massive lorsqu’il s’agit de prendre rapidement des positions globales.

Organiser une coexistence harmonieuse entre startup et grands groupes est extrêmement compliqué

Nombre d’acteurs de premier plan s’y sont essayé, au travers, en particulier, de la mise en place d’une politique d’investissement dans des "start‑up" innovantes. Après plusieurs années de pratique de ce type d’Open Innovation, force est de constater que les succès restent très contrastés. Très peu d’investissements dans des start-up ont été en mesure de créer de réelles synergies avec l’activité principale de l’entreprise et de faire émerger de réelles "business units" capables de prendre le relais de la croissance du groupe. Souvent, les entreprises qui ont investi se sont montrées incapables de jouer pleinement leurs rôles d’actionnaire et d’accompagner le développement de leur acquisition, que ce soit financièrement ou en termes d’accès au marché.

La réciproque est vraie. Il est douloureux de constater que peu de start‑up s’étant adossées à des acteurs traditionnels pour des raisons métier sont aujourd’hui en position de leadership réel… malgré des synergies plus qu’alléchantes sur le papier. Avec le recul, nombre d’initiatives se sont avérées plus être d’excellentes opérations de communication que de réels investissements stratégiques.

Les relations qui fonctionnent souvent le mieux sont celles basées sur un "simple" partenariat technologique et commercial ou qui s’inscrivent dans une logique d’investissement comparable à celles d’un fond de Venture Capital.

Quelques exceptions peuvent faire mentir cette analyse…elles sont cependant trop rares et marquent les limites d’une forme d’Open Innovation où les barrières culturelles, les divergences de contraintes opérationnelles et l’incapacité à investir massivement sur des activités risquées est disqualifiante…

Ces constats expliquent sans doute le développement actuel d’approches d’Open Innovation interne, dites "intrapreneuriales". Sur le thème "luxe et innovation", LVMH a par exemple lancé DARE, programme dont l’objectif est de sélectionner une soixantaine de projets innovants et de les accompagner afin de faire émerger ceux qui ont le plus fort potentiel.

Cette tendance s’appuie sur 2 constats principaux :
  • L'entreprise connaît mieux ses marchés et ses clients que n’importe quel nouvel entrant, fut-il une start-up. Intrinsèquement, elle possède les savoirs faire qui lui permettent de concevoir les offres les plus adaptées. A quelques exceptions près, les spécificités technologiques et les innovations de rupture portées par certaines start-ups peuvent s’acquérir, si l’on s’en donne les moyens. Les expertises maîtrisées en interne sont largement suffisantes pour innover… à condition de savoir correctement les canaliser (via des techniques de Design de Service, par exemple) et les accompagner. Par définition, les start-ups ont une feuille de route qui leur est propre, qui n’est pas forcément compatible avec la stratégie de l’entreprise et sa culture interne. L’expérience montre qu’il est erroné de penser que l’externe est forcément plus pertinent que l’interne. La capacité d’innovation tient aux profils individuels, à la dynamique d’équipe et pas à la nature du contrat de travail. Bien menées et bien accompagnées, les démarches intrapreneuriales permettent de générer des offres réellement en synergie avec le cœur de métier de l’entreprise. Au bilan, la tendance est à moins de "paillettes" mais a plus d’efficacité opérationnelle.
  • La capacité à générer des synergies repose en grand partie sur des facteurs humains. Cela pose clairement la question de l’identification et de la sélection des personnes capables de porter les projets innovants en interne. Leur profil est rare. Réussir suppose de posséder un réseau interne, une légitimité opérationnelle reconnue par ses pairs, de maîtriser les "codes" internes, de savoir trouver et mobiliser les compétences dont on a besoin, de connaître ses alliés… Posséder parfaitement les modes de fonctionnement de l’entreprise ne suffit pas, il faut savoir s’en extraire, enfreindre parfois les règles, avec intelligence et sens politique. Il faut être capable d’accepter des contraintes organisationnelles parfois pesantes sans trahir ses convictions et en gardant l’envie d’entreprendre… Chaque entreprise ne possède que quelques profils de ce type qu’il convient de savoir « protéger » du reste de l’organisation qui cherchera a les éliminer.

Lorsque l’on a conscience de ces éléments, il devient possible, avec un peu d’expérience, de technicité et de volonté, de créer les conditions qui permettront aux nouveaux "relais" de croissance d’éclore. Le cycle de croissance sera sans doute différent de celui d’une start-up mais s’appuiera néanmoins sur les formidables accélérateurs que constituent le réseau commercial, la logistique et le support technologique d’une grande entreprise.