Le troisième grand principe de la négociation diplomatique : incarner la coopération

Notre précédent article consacré aux principes de la négociation diplomatique mettait en avant deux qualités essentielles pour bien préparer une négociation : empathie et créativité. Comment transformer ces efforts en amont en une volonté de coopérer qui soit perceptible et rassurante pour notre interlocuteur ? Grâce à un langage verbal et non-verbal qui incarne cette volonté.

Si nous nous sommes bien préparés et que nous avons en tête l’ensemble des enjeux de notre interlocuteur, sans pour autant faire abstraction des nôtres, nous avons de grandes chances d’aboutir à un accord qui réponde aux intérêts des deux parties : en particulier si nous réussissons à incarner cette volonté de coopération.

Notre comportement, nos gestes, nos mots vont exprimer quelque chose de nous et de notre état d’esprit dans la négociation.

Nous devons donc, tout au long des échanges, manifester cette volonté de trouver un accord qui soit positif pour tout le monde et ne serve pas seulement nos intérêts.

Il faut cependant apporter une précision importante : la coopération et la collaboration ne doivent pas être confondues avec les compromis.

La collaboration plutôt que le compromis

On pense souvent que la diplomatie est l’art du compromis : c’est tout le contraire. Le compromis est ce qu’un diplomate cherche à éviter à tout prix.Qu’est-ce qu’un compromis ? C’est un accord trouvé aux dépens des intérêts d’une ou des deux parties, donc aux dépens de la relation à long terme. Une relation construite sur des compromis peut finir par s’effondrer de manière catastrophique quand trop de frustrations s’accumulent.

Les compromis dans un sens vont engendrer les compromis dans un autre et tout le monde sortira insatisfait d’une relation qui aurait pourtant pu bénéficier à chacun. À la place il faut montrer clairement sa volonté d’éviter le compromis et d’établir une collaboration fondée sur les intérêts bien compris de chacun.

Nous pouvons, par exemple, montrer notre bonne volonté en donnant plus sur ce qui ne compromet pas nos intérêts. Si c’est impossible, il ne faut pas oublier que notre langage et notre corps vont jouer un rôle essentiel pour faire comprendre à l’autre que nous ne sommes pas dans une démarche agressive à son égard.

Notre langage, verbal et non-verbal, nous permet de manifester cette volonté de trouver d’un accord qui soit bénéfique pour nous mais qui préserve aussi les intérêts de l’autre.

Des mots à l’écoute de l’autre

Le choix de nos mots est essentiel ici. On dit d’ailleurs de certaines personnes douées de beaucoup de tact qu’elles sont "très diplomates". Mais qu’est-ce que cela signifie précisément ?

On le sait, dans une négociation, il faut faire attention à ce que l’on dit, ne pas se tromper, se trahir ou laisser l’autre gagner du terrain. Nous focalisons notre écoute sur nous-mêmes et sur nos peurs. C’est bien souvent notre erreur.

Il faut que nos mots soient à l’écoute de notre interlocuteur. Nous devons exprimer nos besoins et nos intérêts en disant "je" ou "nous", plutôt que "tu" ou "vous", faire nos demandes sans exiger et sans immédiatement vouloir imposer des actions concrètes. Ainsi, nous laissons à l’autre la possibilité de s’exprimer et de nous faire comprendre ses intérêts et besoins. Alterner entre l’assertivité et l’écoute, nous permet d’obtenir les informations essentielles pour comprendre l’intérêt de notre interlocuteur afin de trouver un point de collaboration.

La confrontation, au contraire, les prises à parties, les tonalités agressives, une parole monopolisée vont pousser l’autre à être sur la défensive. Un accord qui aurait pu avoir lieu dans des conditions plus apaisées, sera anéanti par une communication trop agressive.

Les neurones miroirs et l’empathie du corps

Le corps incarne l’objectif que nous poursuivons dans le cadre de la négociation : confrontation ou collaboration. Notre attitude non-verbale va influencer celle de l’autre et conditionner un certain type de négociation.

Ce sont les neurones miroirs qui sont à l’origine de ce phénomène. Il existe dans notre cerveau des dispositifs neuronaux qui nous permettent de nous mettre en empathie avec notre semblable : ce sont eux qui font que vous grimacez quand vous voyez quelqu’un se faire mal en tombant.

Nous ressentons, de manière atténuée, ce que nous voyons autrui ressentir. Les postures de confrontation – torse bombé, gestes marqués, regard perçant – n’auront donc tendance qu’à exacerber chez l’autre l’attitude de confrontation, à cause de ce réflexe neurologique.

Nous avons donc plutôt intérêt à travailler sur une posture sympathique et coopérative. Notre langage corporel doit mettre en place une connivence d’égal à égal avec notre partenaire de négociation : ni s’écraser, ni jouer les matamores ; être naturel, calme, doux et posé – diplomate en somme – voici la meilleure posture pour aborder une négociation, peu importe sa difficulté.

Volonté de préserver la relation, préparation, incarnation de la coopération sont les trois piliers de la négociation diplomatique et donnent lieu à de nombreux savoir-faire et savoir-être précis adaptés à des situations particulières.

Grâce à ces méthodologies simples et ces techniques, on peut durablement améliorer nos relations de travail et tirer le meilleur de nos collaborations ; et ce sans avoir besoin de se transformer en un Trump intransigeant ou en un Poutine glacial. Créez votre propre modèle en vous fondant sur l’écoute, celle d’autrui et celle de vous-mêmes.