Pourquoi cette loup-mania ?
Les raisons du succès de la dernière publicité d'Intermarché ? Un storytelling émotionnel fort, un savoir-faire humain assumé et une résonance avec les tensions actuelles.
Plus de 20 millions de vues, une omniprésence sur les RS et des débats passionnés. Rarement une publicité aura autant fait parler d’elle. La dernière campagne d’Intermarché, portée par la figure du « loup mal-aimé », a touché une corde sensible. Pourquoi un tel engouement ?
Si cette publicité fonctionne si bien, ce n’est pas seulement grâce à un personnage attendrissant. Elle concentre plusieurs tensions contemporaines majeures : notre rapport à l’I.A., notre besoin d’émotions collectives, et les nouvelles attentes que nous projetons sur les marques.
Le retour du savoir-faire humain
Premier élément marquant : cette publicité est le fruit d’un travail humain, assumé comme tel.
À l’heure où la plupart des contenus sont générés par IA, Intermarché revendique ici un savoir-faire créatif traditionnel. Ce choix est en soi un acte différenciant.
Ajoutons à cela une fierté nationale assumée : l’agence Romance et le studio d’animation Illogic sont français. Dans un contexte où la création est souvent perçue comme standardisée et mondialisée, ce « fait-main » agit comme un marqueur de qualité et d’authenticité. Cocorico !
La mécanique narrative est classique, presque scolaire : une difficulté, des épreuves, une transformation, une nouvelle situation.
Mais c’est précisément cette simplicité qui fait sa force.
Le spectateur n’a aucun effort cognitif à fournir. Il reconnaît immédiatement les codes du conte, renforcés par une bande-son culte — Le Mal-Aimé, chanté par Claude François — qui injecte une dose de nostalgie. Le récit devient alors universel, transgénérationnel, et profondément touchant.
Un miroir de nos émotions collectives
Le loup incarne un sentiment largement partagé aujourd’hui : la solitude, parfois qualifiée de « mal du siècle ». Marginalisé, incompris, cherchant sa place, il agit comme un miroir émotionnel dans lequel chacun peut projeter ses propres fragilités.
Cette capacité à capter une émotion collective explique en grande partie la viralité de cette campagne. On ne partage pas seulement une publicité ; on partage ce qu’elle nous fait ressentir.
Pour autant, la campagne n’est pas exempte de critiques. Le choix d’un héros masculin interroge : pourquoi un loup, et non une louve ? Le ton moralisateur — « il faut mieux manger » — peut également diviser, à une époque où les injonctions au bien-être sont déjà omniprésentes.
Même la question de la résilience pose débat : le loup est-il invité à renoncer à sa nature profonde pour s’intégrer ? Cette ambiguïté nourrit les discussions… et participe au succès de la campagne.
Un levier puissant de brand love
D’un point de vue stratégique, l’opération est un succès. Elle renforce le brand love auprès des clients déjà engagés, consolide l’identité de la marque et s’inscrit dans une logique de marque-employeur valorisante. L’annonce d’un produit dérivé, fabriqué en France — une peluche du loup prévue pour l’an prochain — confirme cette volonté de prolonger l’attachement émotionnel.
La campagne illustre parfaitement la règle des 5 E bien connue des communicants : Émotion, Expérience, Engagement, Exclusivité, Éthique.
Plus qu’une publicité, un signe des temps
En définitive, cette publicité dépasse son objectif commercial. Elle révèle ce que nous attendons aujourd’hui des marques : moins de performance, plus de sens ; moins de technologie visible, plus d’humanité ressentie. Un superbe exemple de communication corporate.
Dans un contexte d’actualités sombres et souvent anxiogènes, ce loup mal-aimé parvient à créer un moment de rassemblement collectif. Et si c’était cela, finalement, la véritable magie de Noël ?
Vive la loup-mania.