Quelle valeur les entreprises françaises reconnaissent-elles aux inventions de leurs salariés ?

La publication de la seconde étude de l’Observatoire de la propriété intellectuelle sur la rémunération dont bénéficient les salariés inventeurs, conduit à un constat inquiétant de l’évaluation par les entreprises de leurs propres inventions, celles réalisées par leurs inventeurs salariés.

S’il est difficile de fixer des critères objectifs de l’évaluation de l’innovation en générale, une étude récente publiée par l’INPI[1] apporte un éclairage sur la valeur que les entreprises françaises attribuent à leurs propres inventions. 8 ans après la première étude sur la situation des inventeurs salariés, l’Observatoire de la propriété industrielle de l’office français publie son analyse des réponses de 97 entreprises françaises sur la rémunération qu’elles accordent à leurs salariés quand ils sont inventeurs. 

En effet, le Code de la propriété intellectuelle, s’il reconnaît à l’auteur la propriété intellectuelle de son œuvre, en matière d’invention réalisée par un salarié, la qualifie le plus souvent d’invention de mission qui appartient à l’employeur. En contrepartie le salarié inventeur bénéficie d’une rémunération supplémentaire à son salaire.

En 2016 comme en 2008, en l’absence d’exploitation de l’invention, seules sont versées des primes forfaitaires selon différents événements déclenchants dont les principaux sont la  communication de l’invention par le salarié à son employeur, le dépôt de la demande initiale de brevet, l’extension de la demande de brevet à l’étranger, et la délivrance du titre par l’Office Européen des Brevets. Leur réalisation conduit à une rémunération supplémentaire totale par invention généralement comprise entre 500 €  et 2 000 €. 

Certes la faiblesse et l’uniformité de ces primes qui sont d’ailleurs soumises aux prélèvements sociaux applicables au salaire, peut surprendre, mais les conditions de la brevetabilité ne sont pas plus discriminantes que cela. Soit  une invention est brevetable. Soit elle ne l’est pas. Bien sûr des brevets déposés même quand leur invention n’est pas exploitée, présentent un intérêt pour bloquer la concurrence par exemple. La prime qui serait versée dans une telle hypothèse n’est pas quantifiée à l’étude de l’INPI, il est probable que les entreprises n’en aient pas indiqué le montant.

Quelle évolution depuis 2008 quand l’invention est exploitée ? La comparaison avec la précédente étude de 2008 était attendue puisque depuis cette date, le crédit impôt recherche qui associe un avantage fiscal aux dépenses d’innovation est passé par an de 500 millions à 1,5 milliard puis à 5 milliards[2] . Corrélativement, les investissements de recherche de base et de recherche appliquée ont dû aboutir à des exploitations, certaines devant être des innovations de rupture ou participer à des grappes d’innovations.  Quand l’invention est exploitée, l’Observation de la propriété intellectuelle constate que le total médian des maxima des primes versées au salarié inventeur en incluant celles rattachées aux différents événements du brevet atteint 15 000 € à comparer aux 6 700 €, montant relevé en 2008. Certes, il y a là un doublement des montants, mais ces valeurs restent faibles au regard des inventions qui traversent nos quotidiens. Selon l’analyse de l’INPI, les deux principaux critères retenus par les entreprises pour évaluer les inventions exploitées de leurs salariés sont leurs difficultés de mise au point et leur lien avec le chiffre d’affaires. Faudrait-il conclure à la lecture de cette étude issue de l’INPI que les entreprises françaises dans leur grande majorité ne s’intéresseraient en interne qu’à des inventions qui ne présentent pas de difficultés particulières de mise au point et à celles dont l’impact serait relativement faible sur leur chiffre d’affaires ?


[1] Dominique Doyen, Emmanuelle Fortune (2016), « La rémunération des inventions de salariés : pratiques en vigueur en France », ANALYSES INPI 2016-3, octobre 2016.

[2] Sénat, rapport du Sénateur M. Berson, 2012