Qualité de vie au travail : la France discute de principes, le reste du monde applique une méthode

Le nouveau palmarès de "Great Place to Work France" dévoilé le 22 octobre 2013 éclaire la faible représentation des entreprises françaises tandis que dans les palmarès en Europe leurs homologues allemandes, italiennes, espagnoles et britanniques défendent leurs couleurs face aux champions américains

Au-delà de 500 salariés, seuls le groupe familial Auchan (avec Decathlon et Leroy Merlin), le cabinet de Conseil Davidson et le chocolatier Valrhona rivalisent avec des filiales de groupes américains. Comment expliquer une telle situation alors qu'avec la loi sur les Risques Psycho-Sociaux (RPS) et leur prévention, les entreprises en France déploient énormément d'énergie pour sensibiliser management et collaborateurs sur le sujet du bien-être au travail ?

Quelques pistes de réflexion peuvent être envisagées.

Tout d'abord, les entreprises françaises refusent-elles de participer à l'enquête Great place to Work France 2013 ? La question mérite d'être posée au regard de cette présence dans les différents palmarès. La valorisation de cet actif intangible qu'est la qualité de vie au travail (QVT) et ses bénéfices pour la marque employeur serait-il à ce point négligé? Pourtant, recherches académiques et offres sur le marché du conseil RH mettent l'accent sur le lien entre bien-être au travail et performance économique. C'est plus probablement sur l'approche française du sujet qu'il faut chercher les causes de cette contre-performance.
En effet, tétanisées par le syndrome France Télécom et par le dispositif législatif qui en a découlé, les organisations déploient des formations sur les Risques Psycho-Sociaux auprès des managers et collaborateurs sans trop d'actions concrètes pour améliorer globalement la QVT. Souvent, il s'agit d'un vademecum centré sur le stress ressenti et la façon de s'en prémunir. Mais pour améliorer la QVT, un vademecum ne suffit pas et un projet d'entreprise à part entière doit être lancé et ancrer des valeurs d'éthique, d'intégrité et de respect de l'humain dans l'action collective.
Chez nos voisins européens et plus nettement encore aux États-Unis, les entreprises semblent avoir une longueur d'avance à l'instar de Google, Coca-Cola ou Microsoft, qui caracolent en tête des palmarès. A partir de leur intérêt bien compris, ces entreprises ont recours à de véritables méthodes pour développer cet actif intangible qui contribue à leur performance globale. Diagnostics de la qualité de vie au travail, développement des compétences comportementales qui la soutiennent, identification des comportements à prévenir au travers des Feedbacks 360° et des facteurs de déraillement, etc. sont au menu quotidien des DRH. Forts des informations obtenues, ils agissent et prennent des décisions pour remédier aux facteurs susceptibles de dégrader le climat de leur organisation.
Face aux valeurs nécessaires à la QVT, les comportements individuels constituent un des principaux freins dont le harcèlement moral en est le plus extrême et génèrent une mauvaise qualité de vie perçue par les salariés. 
Or, aujourd'hui en France, formés aux RPS, ces derniers sont de plus en plus aptes à identifier ces comportements contre-productifs et à réagir auprès de leur DRH. Et c'est là qu'échoue l'approche législative sur les RPS. Il suffit pour s'en convaincre de travailler dans le secteur de l'accompagnement RH : les personnes non respectueuses des valeurs bénéficient souvent d'un coaching tandis que celles prises pour cible reçoivent trop souvent un chèque et un outplacement ou écopent d'une démarche fastidieuse aux prud'hommes. C'est malheureusement le reflet d'un arbitrage répandu dans beaucoup d'entreprises françaises en faveur de la performance économique et d'un manque de courage pour sanctionner le non respect de valeurs intangibles.

Ne soyons pas pessimistes

Car après avoir laissé l’État produire des normes et des lois, notre pays va probablement s'emparer du sujet de la Qualité de Vie au Travail et de ses implications concrètes en terme de décisions à prendre. C'est en tout cas un courage à nous souhaiter collectivement.