Il s'ennuie au travail, son patron est obligé de lui verser 40 000 euros

Il s'ennuie au travail, son patron est obligé de lui verser 40 000 euros En juin 2020, la justice française a assimilé l'ennui au travail à du harcèlement après une plainte d'un salarié.

Imaginez vous en train d'arriver à votre bureau, de saluer poliment vos collègues, de vous asseoir à votre poste puis d'attendre que l'on vous confie une tâche pour donner un sens à votre présence. Mais rien ne vient à part quelques bribes de missions déconnectées de votre expertise. Cette situation, que beaucoup pourraient croire enviable, a pourtant brisé la santé d'un homme.  Car au fil des mois, l'ennui devient une compagne dévorante et la fatigue vous gagne. Derrière la façade d'un emploi stable, c'est en réalité une spirale sourde de solitude et de frustration qui s'installe et plombe lentement la motivation et le moral.

L'histoire débute dans les couloirs d'une grande entreprise. Frédéric D., cadre responsable des services généraux, pensait trouver dans son poste une reconnaissance à la hauteur de ses compétences. Puis, lentement mais sûrement, les responsabilités s'amenuisent, les dossiers et les réunions se font de plus en plus rares. Les journées semblent s'étirer à l'infini marquées par l'absence de missions à poursuivre et de défis à relever.

Au début, il pense qu'il s'agit seulement d'une transition passagère. Mais très vite le vide s'installe. Les rares tâches qui lui sont confiées sont sans rapport avec son niveau de qualification : configurer une tablette, réparer un fer à repasser, etc. Au lieu de s'épanouir dans son métier, il attend que le temps passe tout en continuant de percevoir un salaire dont il finit par avoir honte. Le sentiment d'inutilité devient pesant, et chaque journée passée sans objectif concret approfondit le malaise.

A la culpabilité de se sentir inutile s'ajoute la peur du regard des autres. L'homme réclame de nouvelles responsabilités mais ses appels restent sans réponse. La situation se dégrade et l'ennui chronique se transforme en dépression. Jusqu'au jour où, alors qu'il prend le volant, une crise d'épilepsie le terrasse. Hospitalisé, il doit se mettre en arrêt maladie pendant de longs mois. A son retour, c'est la sanction ultime : l'entreprise le licencie pour absence prolongée. L'injustice ressentie est immense, d'autant qu'il voit sa vie professionnelle s'écrouler sans avoir eu la possibilité de se battre.

Persuadé que son état de santé est la conséquence directe de sa placardisation orchestrée par son employeur, il décide d'attaquer ce dernier en justice. La procédure dure des années et le 2 juin 2020 la Cour d'appel de Paris lui donne raison. En effet, celle-ci condamne l'employeur à lui verser 40 000 euros de dommages et intérêts. Et pour cause, elle assimile "le manque d'activité et l'ennui" provoqués par l'employeur à du harcèlement moral, ce qui a gravement dégradé l'état de santé du salarié.

Aussi, le juge précise que c'est à l'employeur de prouver que l'absence de tâches n'est pas intentionnelle ni discriminatoire. Cette décision a fait date, ouvrant la voie à une reconnaissance juridique d'une nouvelle forme de harcèlement moral.