Licenciée pour faute grave parce qu'elle confond dette et recette, cette salariée obtient réparation devant la Cour de cassation

Licenciée pour faute grave parce qu'elle confond dette et recette, cette salariée obtient réparation devant la Cour de cassation Si la salariée a commis de graves erreurs dans cette affaire, sa défense va lui permettre de toucher des indemnités devant les juges.

Il arrive qu'une salariée qui a fait de grosses bêtises s'en sorte devant les tribunaux. La preuve avec l'histoire de cette femme recrutée en 1996 dans le Pas-de-Calais en qualité d'opératrice de saisie. Au fil des années, elle évolue dans cette entreprise industrielle et devient office manager, statut cadre, en 2005. La comptabilité de l'entreprise est alors une de ses missions principales. Elle reste en poste jusqu'en 2020, date à laquelle les problèmes avec l'entreprise débutent.

En poste depuis quinze ans, la salariée va avoir une drôle de surprise. Le 3 janvier 2020, son employeur a recruté une nouvelle employée, et il lui a donné le poste d'office manager. Malgré ses années d'ancienneté, la salariée n'a pas été sondée. Pire encore, elle est requalifiée unilatéralement en simple "assistante comptabilité et gestion". 

Il faut dire que l'on peut s'interroger sur ses talents de comptable. En juillet 2020, son employeur découvre une série d'erreurs toutes plus graves les unes que les autres. "Des dettes ont été classées comme des recettes, certaines factures ont été comptées en double… Au final, les comptes de la société étaient complètement faux", raconte Anthony Coursaget, avocat en droit du travail au Barreau de Paris. L'entreprise finit par s'apercevoir des erreurs de sa salariée et les conséquences sont rudes en pleine période de pandémie de coronavirus.

"C'était une époque compliquée économiquement et il y avait de nombreux prêts garantis par l'Etat (PGE). Ces erreurs de comptabilité ont conduit les banques à refuser un PGE pour cette entreprise. Un actionnaire a également reporté son investissement", décrit Anthony Coursaget. Devant toutes ces conséquences dramatiques pour l'entreprise, la salariée est licenciée pour faute grave le 27 juillet 2020.

Malgré les charges qui pèsent contre elles, la salariée saisit la justice pour contester sa rupture, réclamant les indemnités d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans une décision du 29 mars 2024, la Cour d'appel de Douai valide le principe de la faute qui justifie la rupture. Toutefois, elle considère que la salariée doit toucher des indemnités de préavis et  de congés payés. L'employeur est condamné à lui verser plus de 40 000 euros. La salariée forme tout de même un pourvoi devant la Cour de cassation car la Cour d'appel n'a pas défini si ses erreurs étaient liées à une insuffisance professionnelle ou à une mauvaise volonté délibérée, synonyme de faute.  

ET là, la Haute juridiction donne raison à la salariée car la cour d'appel n'a pas vérifié ce point, qui est pourtant la seule manière de faire la différence entre une faute et une insuffisance professionnelle. "Concrètement, la faute aura les effets d'un licenciement pour faute grave où elle ne sera pas indemnisée. Dans le cas contraire, la faute grave sera requalifiée en insuffisance professionnelle et la salariée sera indemnisée davantage", explique Anthony Coursaget. L'affaire est renvoyée devant la Cour d'appel d'Amiens qui sera chargée de cette question.

Toutefois, la salariée a déjà gagné sur l'autre conflit juridique de cette affaire : la modification de son contrat de travail. "L'employeur n'a pas le droit de toucher à l'intitulé du contrat de travail. C'est l'un des piliers avec la rémunération et le temps de travail. Cela doit se faire avec l'accord du salarié et ce dernier a tout à fait le droit de refuser", conclut Anthony Coursaget.

Ici, la Cour d'appel de Douai avait condamné l'entreprise à verser 600 euros de dommages-intérêts à son ancienne salariée. Une somme qui sera très probablement revue à la hausse par la Cour d'appel d'Amiens, car le nouvel intitulé du poste avait des allures de déclassement. Les deux parties attendent désormais le verdict final mais une chose est sûre, l'entreprise devra mettre la main au portefeuille.