Ce grand magasin parisien cachait des caméras de surveillance dans les détecteurs de fumée, il est condamné à une amende record
Il pensait surveiller ses salariés sans être vu, mais la Cnil l'a repéré. L'histoire de cet employeur aux méthodes de surveillance illégale se passe au cœur de la capitale. Entre la rue de Rivoli et la Seine se trouve la Samaritaine, un magasin luxueux qui vend de nombreuses marques aux clients les plus fortunés. La Samaritaine SAS, société qui exploite le magasin, installe 5 caméras de vidéosurveillance dans 2 réserves de la boutique. À priori, rien d'anormal. Et pourtant…
En se baladant dans la réserve, impossible d'identifier les dispositifs de vidéosurveillance. La raison est simple, elles ont l'apparence de détecteurs de fumée. Un dispositif ingénieux certes, mais complètement illégal face au règlement en vigueur sur la protection des données. Quelques semaines après l'installation, les salariés se rendent compte de la supercherie et s'insurgent. Ils prennent la décision de démonter eux-mêmes les appareils de vidéosurveillance dissimulés. L'employeur est rapidement visé par une plainte des salariés. L'affaire devient juridique.
La Cnil, autorité de contrôle, est très claire sur un point : les dispositifs de vidéosurveillance dissimulés peuvent être admis dans certains cas uniquement, et généralement rester temporaires. "La possibilité de recourir à un dispositif caché était impossible au vu des circonstances. La Cnil a constaté plusieurs manquements dont le principe de loyauté, essentiel au droit du travail et au cadre réglementaire des données personnelles", explique Jonathan Hervé, avocat en protection des données au cabinet Eidos.

Concrètement, tout semble fait pour piéger les salariés et avoir un tel but peut être qualifié de manque de loyauté juridiquement. Sur l'aspect temporaire, on pourrait penser que La Samaritaine a des documents avec une date pour retirer les caméras. Que nenni ! Aucune documentation sur le dispositif n'a été communiqué au Délégué à la Protection des Données (DPO). De fait, rien ne permet d'affirmer que ces caméras étaient temporaires. Les manquements s'accumulent.
La société tente tout de même de se défendre devant les autorités de contrôle. "L'entreprise a affirmé que ces caméras étaient des tests pour lutter contre les vols, nombreux dans le magasin. L'objectif qu'elle défendait était que le placement des caméras était un essai de manière à déterminer les meilleurs angles de vue pour mettre en place un autre dispositif de vidéosurveillance à l'avenir" raconte Jonathan Hervé. Mais l'absence de documentation et de communication avec le DPO rend cette argumentation fragile.
Une autre faute est encore reprochée à la société : les caméras enregistraient du son. "Si on suit la logique de tester les meilleurs angles de vue de l'entreprise, pourquoi enregistrer du son, ce n'est pas nécessaire. L'enregistrement sonore est très encadré par la réglementation. Il peut être utilisé de manière exceptionnelle, notamment en cas de braquage ou d'agression, mais ici aucune condition n'est remplie", constate l'avocat.
Devant toutes ces entorses au RGPD, la Cnil a sanctionné La Samaritaine par une amende de 100 000 euros, dans sa délibération SAN-2025-008 du 18 septembre 2025. "Les caméras n'ont été en place que quelques semaines, donc le montant est assez élevé. Dans des décisions similaires, les montants étaient souvent de 20 000 ou de 40 000 euros. Ici, les 100 000 euros couvrent l'ensemble des manquements à la réglementation des services de sécurité" analyse le professionnel du droit.
En plus de la condamnation à une amende élevée, la Cnil a décidé de rendre public le nom de la société impliquée. Il est fréquent que les décisions soient publiées en anonymisant les entreprises condamnées. "La Cnil aurait pu décider de ne pas rendre la décision publique. Le fait de la publier en l'état est une autre forme de sanction, car cela entache l'image de la société", conclut l'avocat. D'une surveillance discrète à une humiliation publique, il n'y a qu'un pas.