Petit traité de changement amical : manager son manager

Avez-vous de bonnes relations avec votre manager ? Avez-vous pensé aux techniques de négociation ?

C’est kafkaïen ! Nous croyons que certaines personnes ont tous les pouvoirs. C’est faux. Il y a toujours quelqu’un "au dessus de vous". Même le grand patron a des actionnaires ou un fonds d’investissement qui le tourmentent. Et il y a les clients, donneurs d’ordre ou grand public. Et que dire de l’administration ? Or, ce pouvoir "du dessus" est kafkaïen. Il n’y a pas d’autre mot pour en parler. Il est stupide et irrationnel. Il n’y a rien à faire. 

Cette chronique s’intéresse à un supérieur particulier : votre manager. Elle se demande : Kafka est-il une fatalité ? 

Avez-vous une perception correcte de la situation ?

Qui dirige la SNCF ? Ses grands patrons ou ses syndicats ? Le général de Gaulle a donné tous les pouvoirs au président de la République. Il a pourtant suffi que des Gilets jaunes se manifestent pour que le dit président arrête ses réformes, renonce à la réduction de la dette publique, et verse, spontanément, des milliards. 

Qu’il s’agisse de Marc Bloch, étudiant la France du Moyen-âge, ou de Michel Crozier, parlant de la société moderne, il y a accord. Apparemment, les classes dirigeantes françaises ont tous les pouvoirs. En réalité les dysfonctionnements structurels de la nation donnent une puissance énorme au lampiste. 

La première erreur que nous faisons est une erreur de perception : voir des rapports de force partout, et se croire perdant, fatalement. 

Pour manager votre manager, il faut partir de bases solides. Il a autant besoin de vous que vous de lui. Mais ce n’est pas fini. En fait, tout ce que vous pensez de lui est, probablement, faux. 

Une anecdote. Un jour, je discutais avec « l’oiseau de mauvaise augure » de la filiale d’un opérateur étranger. Il me disait, en substance : « quand j’ai posé telle question à notre directeur général, il n’a pas répondu. Ce qui prouve qu’il nous prépare un mauvais coup. » Mauvais coup qu’il décrivait ensuite par le détail. Quelques-jours plus tard, je demandais sa stratégie au directeur général. Il m’a répondu qu’il temporisait. Sa maison mère avait été prise de court par les événements. Elle était incapable de formuler quoi que ce soit d’intelligible. 

Nos biais de perception sont colossaux. Ils touchent, surtout, les intentions que nous prêtons aux autres, et singulièrement à nos dirigeants. Cela produit des prédictions auto réalisatrices. 

Pour commencer, renoncez à croire que vous comprenez votre manager.

De l’émotion à la raison, du face à face au côte à côte ?

On y pense rarement, mais il y a une situation typique de la relation manager / managé. C’est celle de la négociation. Imaginez-vous face à l’acheteur d’un grand groupe, vous, modeste indépendant, et vous comprendrez ce que je veux dire. 

Eh bien cette situation a été étudiée. Elle fait l’objet d’une méthode efficace, dite "de Harvard". Vous l’avez sûrement rencontrée. (Getting to yes / Comment réussir une négociation, par Fisher et Ury.)

Pour moi, ce qui compte sont ses deux principes : de l’émotionnel  au rationnel, du face à face au côte à côte. Mon interprétation :

Vous sentez de l’émotion ? Pas besoin de commencer, vous n’avez pas le bon état d’esprit. Vous êtes victime d’un biais de perception. Il faut que vous cherchiez les bases rationnelles de la situation. Et, pour cela, il faut adopter la démarche du scientifique qui modélise un phénomène naturel, ou qui étudie une nouvelle espèce animale.

Le grand moment de la négociation est celui où chaque négociateur abat ses cartes. Car, chacun va voir dans le jeu de l’autre des bénéfices que ce dernier ne percevait pas. Par exemple, il peut vous faire de la publicité, ce qui ne lui coûte rien, et vous avez des produits, qui n’étaient pas dans l’appel d’offres, qui pourraient lui rendre service. 

Si Kafka avait été formé à la négociation, il n’aurait rien écrit ?