La thérapie a-t-elle sa place dans l'entreprise ?

Selon le dernier baromètre OpinionWay, 44% des salariés seraient en détresse psychologique, dont 17% en détresse élevée et 15% des salariés déclarent avoir été absents pour des raisons de santé psychologique. Le taux de burn-out, quant à lui, aurait doublé en un an, aggravé par la crise de la COVID. Face à ces chiffres inquiétants, aux répercussions humaines, organisationnelles et économiques, la question se pose : la thérapie a-t-elle sa place dans l'entreprise ?

La psychothérapie, une démarche personnelle

Les sondages en témoignent, de plus en plus de salariés souffrent psychologiquement au travail. Il pourrait alors sembler évident et pratique de vouloir mettre en place un soutien de psychothérapeutes en entreprise, et hop, le tour serait joué! Mais ce serait méconnaître fondamentalement les ressorts essentiels de la psychothérapie. Ce qui la caractérise, n’est ni du ressort des techniques utilisées (qui varient beaucoup d’une école à une autre), ni du cadre même du processus thérapeutique. Une psychothérapie est avant tout une démarche personnelle qui permet au patient de sortir de son cadre de vie habituel pour examiner les ressorts psychologiques en jeu dans sa souffrance et identifier les voies pour aller mieux. La psychothérapie est donc un processus de soin, qui engage pleinement la responsabilité du patient, et pour lequel le contrat de soin entre le thérapeute et le patient est la clé. Il n’y a pas de place pour un tiers que serait l’entreprise dans cette relation, hormis dans le cas des mineurs. On peut le regretter parfois, car outre les personnes en souffrance, il y a celles qui font peser inconsciemment leurs zones d’ombre non réglées sur les équipes, et dont l’impact sur l’ambiance peut être considérable.

Le coaching, un accompagnement à la dimension relationnelle dans un cadre professionnel. 

La psychothérapie n’a pas de place en tant que telle en entreprise. Mais le coaching n’est-il pas une thérapie déguisée ? Précisément non : la relation de coaching s’exerce en général dans le cadre d’un contrat tripartite engageant l’employeur, le salarié coaché et le coach. Les objectifs de la démarche sont partagés et le processus se déroule dans un nombre de séances prédéfinis. Bien sûr, dans le secret des séances, toujours confidentielles, la relation entre le coach et son client (on notera qu’il ne s’agit plus d’un patient) se noue autour d’un contrat dont l’objectif essentiel est l’autonomie de la personne coachée au terme du processus. Ce contrat est contextualisé dans le cadre professionnel mais il peut conduire à développer des compétences nouvelles qui s’exprimeront bien au-delà de l’entreprise, comme lorsque l’objectif est de travailler sur la confiance en soi par exemple. C’est la raison pour laquelle le coaching a des vertus thérapeutiques, mais n’est pas une thérapie !

Comment accompagner un salarié affecté ? 

Face à un salarié que l’on perçoit en difficulté, que peut-on faire ? Comprendre son environnement avec quelques questions préalables peuvent aider à orienter l’action : Est-il le seul à souffrir dans son équipe ? Quelle est sa situation personnelle? A-t-elle changé récemment ? S’il n’est pas le seul en souffrance, le regard se portera davantage sur son écosystème et le management mis en place, les transformations culturelles récentes, la charge de travail ou l’organisation de l’équipe afin d’identifier où peuvent se trouver les sources de souffrance. S’il est seul en difficulté, cela ne signifie pas automatiquement de lui conseiller une psychothérapie. Là encore, quelques questions préalables peuvent permettre de déminer la situation et d’alléger, voire de résoudre ses problématiques. Ces questions vont explorer la façon dont la personne vit son travail. Souvent, le sentiment de ne pas être compétent est une source de stress majeur, que le télétravail peut encore amplifier… L’interroger sur sa confiance peut faire émerger un besoin de formation ou d’accompagnement qui sont alors bien du ressort du manager ou de l’entreprise. En complément, il est nécessaire de faire parler la personne de ses relations au travail, sans s’arrêter aux limites de sa propre équipe. Des climats relationnels délétères peuvent affecter des personnes sensibles, au point de les fragiliser durablement. On a vu des harcèlements s’exercer à travers les frontières naturelles, notamment avec le développement des équipes projet, le développement des visios, ou simplement entre collègues. Là encore, l’entreprise doit exercer sa responsabilité en prenant les décisions adaptées en termes RH. 

Si la thérapie n’a pas sa place dans l’entreprise, l’entreprise peut pour autant être un lieu thérapeutique : un espace suffisamment sain pour que chacun puisse s’épanouir en confiance en donnant le meilleur de lui-même. On est loin du « bonheur » dont on a tant parlé ces dernières années et qui appartient à chacun, mais c’est déjà bien...