Quand voyages et télétravail à l'étranger luttent efficacement pour un tourisme plus responsable

Le hashtag #digitalnomade compte plus de 3,6 millions de publications sur Instagram. Certaines études prédisent un nombre d'un milliard de digital nomads d'ici 2035.

Le nombre d’entreprises prônant le full-remote ou le remote-first évolue jour après jour. Même tendance pour les espaces de coworking qui ont bondi de 60 % depuis 2019 [2]. Tous ces chiffres sont des preuves évidentes d’un phénomène qui ne cesse de s’amplifier.

Ce constat peut paraître alarmant au regard des derniers rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et de ses recommandations pour freiner le réchauffement climatique avant que les dégâts ne soient irréversibles. Les chercheurs prônent un bilan carbone équivalent à 2 tCO2 eq /personne et par an. À l’heure actuelle, la moyenne nationale gravite tout juste sous la barre des 9tCO2 eq/personne [1].

Alors que le télétravail à l’étranger a fait son émergence et va s’intensifier dans les années à venir, le nomadisme est une chance ou un danger ? Il faut d’abord identifier les formes du nomadisme, que l’on peut classer en :

1. Les digital nomades qui confondent télétravail et Instagram

Ce sont les voyageurs qui ne doivent plus exister. Ils enchaînent les déplacements au gré des spots instagrammables. On les retrouve 11 mois par an en bikini ou pectoraux saillants sur les plages du monde entier. Ils sirotent des cocktails sur des hamacs de l’île Maurice. Ils s’automitraillent de selfies sur un dos d’éléphant. Ils font vrombir leur jet-ski près d’une barrière de corail thaïlandaise. En bref, ils participent avec délectation à la gabegie environnementale qui se joue dans les aéroports. Certains auraient une empreinte carbone 30 fois supérieure [2] à celle nécessaire pour freiner le réchauffement climatique.

En plus de pourrir l’image du vrai travailleur nomade, ils vivent un mode de vie aberrant, dangereux pour l’environnement et les économies locales. Avec leurs salaires d’influenceurs et leur pouvoir d’achat plusieurs fois supérieur au PIB local des destinations qu’ils colonisent, ils instaurent un climat relationnel malsain où l’argent a plus de valeur que la découverte et le partage.

2. Le semi-nomadisme, le modèle pérenne

Le semi-nomadisme, aussi appelé nomadisme flexible, n’a rien de nouveau. C’est l’évolution logique de l’expatriation, version freelancing ou salariat moderne. C'est un mode de vie dans lequel les voyageurs peuvent conserver un pied-à-terre dans leur pays d’origine, tout en s’autorisant à voyager plus longtemps à l’étranger. Il faut encourager ces français à voyager moins souvent, plus longtemps, plus authentique. Exit les 5 % de destinations où se concentrent 95 % de la population, le futur du télétravail aura lieu à Plovdiv, à Puerto Escondido, à Séville....

3. Les super-nomades, qui s’investissent pour la planète

Bien loin de l’image maussade dépeinte en ce moment, les digital nomades peuvent se révéler être de vrais atouts pour l’environnement. Certains collectifs profitent de leur force communautaire pour agir en faveur de la planète. C’est le cas de Nomads Giving Back ! ou du Hub Nomade, en France. À Bali, Medellin, Saint-Domingue, Buenos Aires, ils s’impliquent pour créer un impact social à destination grâce à des programmes de partage de compétences, un accès facilité au bénévolat pour leurs membres ou de l’action concrète aux côtés d’ONG locales. Ils replantent des coraux, ils donnent des cours d’anglais, permettent un accès aux connaissances digitales, développent la notoriété de commerces artisanaux…

Bien loin de l’image sulfureuse des influenceurs, ils redonnent au voyage ses lettres de noblesse, tout en prouvant que l’on peut travailler à l’étranger en faisant le bien.

Alors, faut-il encourager les entreprises Françaises à mettre en place des mesures immédiates et efficaces pour faciliter le travail et réduire l’empreinte environnementale des télétravailleurs ? Oui mais comment ?

  • La mise en place d’un forfait de jours télétravail : il est pensé sur le modèle de certains groupes français, comme le groupe IMA [3]. Il permet de compléter des semaines de congés par des semaines en remote, afin de prolonger l’immersion et de vraiment profiter de la destination. Plus confortable, il favorise le développement personnel et laisse plus de place au bien-être des salariés ou étrangers. Quand il n’est pas utilisé pour partir à l’étranger, il ouvre les portes des régions françaises, pour le plus grand bonheur des locavores. Il permet aussi de profiter plus longuement de sa famille à l’occasion des fêtes de fin d’année. Les études récentes le prouvent, 54 % des salariés ont le sentiment d’avoir une plus grande capacité d’innovation et d’être plus créatifs lorsqu’ils travaillent à distance tandis que 72 % des salariés se disent moins fatigués en travail à distance [4].
  • La mise en place d’un chèque télétravail : en décembre 2021, un chèque télétravail d’une valeur de 600€ était à l’étude [5]. Il devait prendre en charge les dépenses liées à l’électricité, à la location d’un coworking, ou de l’achat de matériel informatique. Depuis, plus aucune nouvelle. Nous souhaitons qu’il soit réinstauré dans les plus brefs délais. Il doit servir à encadrer et englober toutes les démarches environnementales prises par un salarié ou un freelance pour continuer à produire de la valeur en remote. Il doit aussi bien couvrir les frais de déplacement moins polluants, comme le train ou la compensation carbone, que l’achat de matériel reconditionné (ordinateurs, téléphones, caméras) et le recours à des énergies vertes.

Plus que jamais, il est impératif d’arrêter de stigmatiser une tendance mondiale au nom d’une poignée de comportements (toujours la plus visible) irresponsables. Le digital nomadisme, quand il est bien pratiqué, est un moteur social et économique aussi profitable aux populations locales qu’au développement personnel. À condition de le pratiquer de manière raisonnée.