Ils ont caché qu'ils étaient en couple au travail : ils sont licenciés pour faute grave
La Cour de cassation a validé le licenciement pour faute grave d'un salarié qui entretenait une relation secrète avec une collègue.
"La loi n'interdit pas les relations amoureuses au travail, annonce d'emblée au Journal du Net Sabrina Adjam, avocate spécialisée en droit du travail. Plus loin encore, un salarié ne peut pas être sanctionné pour des faits qui relèvent de sa vie privée." Entamer une relation avec sa collègue est donc autorisé. 14% l'ont même déjà fait selon le sondage Ifop pour le site Online seduction.
Pourtant, en mai 2024, la Cour de cassation a surpris en maintenant le licenciement pour faute grave d'un salarié précisément parce qu'il était en couple avec une autre salariée de l'entreprise.
Cette décision apparemment contradictoire s'explique par le cadre légal nuancé qui encadre ces situations. L'article 9 du Code civil protège effectivement la vie privée des individus et l'article L1121-1 du Code du travail interdit à l'employeur de restreindre les droits et libertés des salariés sans justification liée à la nature du poste ou proportionnée au but recherché. Ces textes établissent un principe clair : aucune discrimination fondée sur la situation familiale ne peut être tolérée.

Dans ce cas précis de mai 2024, le salarié était directeur des ressources humaines et entretenait une relation avec une salariée élue au comité social et économique. "Le DRH, de par sa fonction, avait un devoir d'exemplarité et ne pouvait ignorer qu'entretenir une relation avec une élue du personnel portait atteinte à ses obligations contractuelles", précise Sabrina Adjam.
Cette situation créait un conflit d'intérêts flagrant. Pourquoi ? Parce qu'un DRH est amené à négocier avec les élus du comité social et économique, à prendre des décisions importantes pour l'entreprise et à gérer d'éventuels conflits sociaux. "Entretenir une relation sentimentale avec une représentante du personnel peut générer des soupçons de favoritisme lors des négociations ou des décisions disciplinaires", ajoute l'avocate. Cette situation compromet la neutralité attendue du directeur des ressources humaines et peut porter atteinte à la confiance des autres salariés dans l'équité des processus de gestion du personnel.
La dissimulation constitue un aspect crucial souvent méconnu. Il s'agit du fait de cacher délibérément une relation susceptible de créer un conflit d'intérêts professionnel. Bien qu'en principe, la dissimulation d'une relation amoureuse ne constitue pas en soi une faute, elle peut aggraver une situation problématique, particulièrement quand l'un des partenaires détient une position hiérarchique sur l'autre. Cette non-transparence peut être interprétée comme un manque de probité ou une volonté de dissimuler un risque pour l'entreprise.
Un an après cette décision retentissante de la Cour de cassation, Sabrina Adjam rassure : cette jurisprudence reste un cas isolé. "Elle n'a pas marqué un changement généralisé dans l'approche du droit du travail vis-à-vis des relations sentimentales". Un autre contexte particulier de l'affaire explique cette décision : outre le conflit d'intérêts, le salarié concerné avait également été condamné pénalement et incarcéré pour des faits personnels. Ce cumul d'éléments exceptionnels a pesé dans la décision finale, rendant ce précédent difficilement généralisable à d'autres situations.