Comment détecter les faux influenceurs sur Instagram
Entre l'achat de faux abonnés et les renvois d'ascenseur entre influenceurs, tout est bon pour booster l'engagement. Voici comment une marque peut être sûre d'en avoir pour son argent.
Sale temps pour les influenceurs qui trichent sur Instagram. Dans une vidéo qui a fait plusieurs centaines de milliers de vues, le youtuber Guillaume Ruchon décrypte les tactiques de ces spécialistes de l'esbroufe à l'influence. Un compte Instagram baptisé Rends les followers (et supprimé depuis) épinglait lui aussi quelques influenceurs français en affichant des preuves de leur pratiques. Rien de neuf pourtant à en croire Guillaume Doki-Thonon, fondateur du spécialiste du marketing d'influence Reech. "C'est le sujet du moment mais c'est un phénomène vieux comme les réseaux sociaux." Et à mesure qu'Instagram est devenu un véritable business, cette course illicite aux like et abonnés a eu d'autres conséquences que de booster les egos. Les annonceurs dépensent désormais des sommes rondelettes pour s'attirer les services d'influenceurs… pas toujours influents.
Des scores d'authenticité et de confiance
D'où l'importance pour des agences de conseil en stratégie d'influence comme Kingcom de séparer le bon grain de l'ivraie. Cette dernière attribue désormais à chaque influenceur un score d'authenticité déterminé en couplant données statistiques relatives à son compte et intelligence humaine. "Nous croisons 10 critères pour déterminer un score sur lequel se basera la sélection d'influenceurs que nous proposerons au client. Nous écartons ceux sur lesquels peut planer un doute", précise sa directrice générale adjointe, Pascale Azria.
La recette adoptée par Kingcom est farouchement gardée secrète. Mais Pascale Azria consent toutefois à en révéler quelques ingrédients. "Nous portons une attention particulière au taux d'engagement et à la nature des commentaires postés par l'audience." Si le nombre d'interactions (like, commentaires, regram…) divisé par le nombre de followers est anormalement bas, aux alentours des 2%, le soupçon plane. De même, l'audience d'un instagrameur dont les followers se contentent de poster des emojis ou des onomatopées peut paraître louche. "C'est sans doute qu'un nombre assez conséquent est constitué de bots", commente Pascale Azria.
"Attention aux croissances de followers en dents de scie, absolument pas linéaire, avec des fortes hausses suivie d'une perte"
Pour Reech, qui a également développé une note de crédibilité de l'audience des influenceurs, l'évolution anormale de la courbe de croissance des followers constitue une première alerte. "Typiquement une évolution en dents de scie, absolument pas linéaire, avec des fortes hausses suivie d'une perte", précise Guillaume Doki-Thonon. Pour mettre le doigt sur ces anomalies, les agences n'ont pas d'autre choix que de recourir à des outils permettant d'auditer les comptes des influenceurs. "Du côté de We are Social, on utilise Lefty et on fait attention à tout pic d'une dizaine de milliers de followers en l'espace d'une journée", illustre Marine Montironi, responsable du pôle influence de l'agence. D'autres outils comme Hype Auditor ou Social Blade permettent également de passer une audience sociale au crible.
Attention toutefois aux jugements hâtifs, prévient Guillaume Doki-Thonon. "Marine Leleu a par exemple gagné plus de 40 000 followers naturellement les jours qui ont suivi sa réussite de l'Enduroman où il s'agissait de relier Londres à Paris en course à pied, à la nage puis à vélo." Marine Montironi abonde. "Il est important d'aller observer l'activité de l'influenceur le jour des pics pour vérifier s'il n'y a pas une explication rationnelle."
"Des outils comme Lefty, Hype Auditor ou Social Blade pour effectuer vos audits"
Autre déclencheur d'alerte, la localisation et la langue de l'audience par rapport à celle de l'influenceur concerné. "Un influenceur français qui a une part importante de followers en Russie ou en Inde pose forcément question… Au-delà même de la problématique de ciblage d'audience que ça pose pour une marque qui veut communiquer uniquement dans l'Hexagone", rappelle Marine Montironi. Ici encore, rien ne garantit qu'il y a triche. "Certains influenceurs sont eux-mêmes victimes et non responsables de ces fake followers ou fake engagements puisque certains n'hésitent pas à utiliser des bots pour suivre, liker et commenter des comptes à forte audience en espérant être suivis en retour", précise Guillaume Doki-Thonon. Il n'empêche, une forte base d'abonnés bots sera préjudiciable aux performances dudit influenceur.
Par ailleurs, un instagrameur au comportement éthique rassurera les agences, et donc les annonceurs. "il est aussi important pour la marque que pour la communauté Instagram qu'il soit transparent lorsqu'il s'adonne à des collaborations", estime Marine Montironi. Mais ce n'est pas tout. Une autre pratique est à surveiller. Depuis sa dernière mise à jour, l'algorithme d'Instagram ne met plus en avant les publications par ordre chronologique mais fait remonter les contenus les plus engageants. Pour favoriser leurs contenus, certains influenceurs ont trouvé la parade. "Ils se regroupent au sein d'Instapods, des groupes d'une quinzaine d'influenceurs, dont les membres s'engagent à interagir avec tous les contenus publiés afin de les faire remonter par l'algorithme", décrypte Marine Montironi. Chaque fois qu'un membre publie du contenu, il en informe par message privé le reste de la communauté et les enjoint à commenter, liker pour doper son taux d'engagement. "C'est relativement fastidieux de s'en rendre compte. Vous n'avez pas d'autre choix que de surveiller l'identité des abonnés de l'influenceur qui sont les plus actifs."
Les 5 déclencheurs d'alerte :
- Taux d'engagement anormalement bas (inférieur à 2%)
- Des commentaires qui se réduisent à des onomatopées ou des emojis
- Forte part de l'audience basée dans des pays exotiques
- Evolution non linéaire de la base d'abonnés
- Toujours les mêmes abonnés qui commentent et like