Martech : la gratuité c'est hors de prix
En marketing, la gratuité peut se payer cash ! Quels sont les coûts cachés des solutions gratuites ? Brisons les idées reçues.
Viser le moins cher ou le gratuit, c’est souvent passer à côté de son sujet. Il en va ainsi de sa stack technique. Parfois les organisations sont plus obnubilées par le coût intrinsèque d’une solution que par la rentabilité de celle-ci. Et si le bon outil, c’était celui qui rapportait le plus de valeur, sans en détruire ? Mettons fin au mythe de la gratuité dans les solutions marketing
Google a ouvert la voie
Gmail, Google Map, Android, Waze, Discover, Drive, Google Analytics… En 20 ans, le géant américain a réussi à construire un écosystème de produits hégémoniques gratuits qu’il finance en grande partie grâce aux revenus issus de ses liens sponsorisés. Pourquoi proposer cette galaxie de solutions qui ne lui génèrent pas directement de revenus ?
- La collecte de la donnée : winner takes all ! Avec des centaines de millions d’utilisateurs sur ces solutions gratuites qui sont toutes devenues leader sur le marché, Google a pu alimenter ses modèles de données, datas qu’il partage ou revend in fine à ses annonceurs
- Le positionnement de marque : le marché publicitaire n’a pas vraiment bonne presse et c’est un bon moyen pour l’entreprise d’adoucir son image et de fidéliser son public. De la même façon qu’il y a les Apple Addicts, il y a aussi les pro-Google. Gardons en tête l’ancien slogan de la marque : don’t be evil !
Résultat, Google a réussi à créer le plus grand système de bascule vers du freemium : un usage gratuit de ses solutions pour ensuite upgrader facilement vers des formules payantes: Google Cloud, Google Analytics 360, Google Workspace, Google Ads… Et une fois que l’annonceur est dépendant de ces produits, difficile de faire machine arrière !
Alors pourquoi faut-il modérer son optimisme face aux solutions gratuites en marketing ? Je vois 5 raisons.
1 - Le paradoxe de la salle de sport
Un bon moyen de ne pas abandonner le sport après 2 mois, est de s’abonner à une salle de sport onéreuse. Forcément, on va vouloir rentabiliser cette dépense et donc s’investir. C’est un peu la même chose avec sa stack technique. Plus une solution sera onéreuse, et plus les forces mobilisées dessus seront importantes. Payer, c’est une façon de prioriser ! Je ne fais pas l’éloge non plus de sur-payer des solutions, mais la contractualisation permet à l’annonceur d’envoyer plusieurs signaux :
1- Ce projet est prioritaire en interne donc les roadmaps s’adaptent.
2- Des ressources dédiées travailleront dessus - recrutement possible.
3- Tels KPI nous permettront de juger le succès ou non de l’outil
Pour des outils gratuits, peu importe qu’ils soient efficaces ou non, c’est à l’inverse souvent difficile d’avoir du sponsorship et des ressources mobilisées. C’est comme ça, l’esprit humain préfère optimiser ses dépenses plutôt qu’augmenter son retour sur investissement
2 – Les coûts cachés
Aujourd’hui il existe pléthore de solutions gratuites, mais sont-elles sans coûts pour autant ? Certes, il n’y a pas de facturation directe entre l’éditeur et l’annonceur… mais c’est faire l’impasse sur les fameux coûts cachés. Pour une organisation, investir à long terme dans un outil gratuit, c’est prendre le risque d’une dépendance avec un actif qui du jour au lendemain peut être abandonné par l’éditeur ou basculer en 100% payant. C’est aussi subir bien souvent des regressions en terme de scope fonctionnel ou de performances.
Un exemple vaut 1000 mots : le cas de Google Looker Studio, super outil de dashboarding mis à disposition par Google. Les limites sont énormes pour les organisations matures : temps de chargement long ; limitation des graphiques possibles ; croisement contraint de données; peu d’évolution de l’UX/UI ; quid de la sécurité des données… au point qu’aujourd’hui la solution devient un handicap à notre volonté de diffuser la donnée dans toute l’organisation car les collaborateurs ne veulent « plus utiliser une solution qui fonctionne 1 fois sur 2 ». Il n’y a rien de pire que la friction dans l’usage pour empêcher la démocratisation de l’adoption d’une solution.
3 – Débrouille-toi tout seul
Le hic avec les solutions gratuites, c’est bien souvent l’absence totale d’accompagnement. Tout juste existe-t-il une documentation plus ou moins fournie et il faut alors compter sur sa débrouillardise ou la communauté pour se défaire de blocages. A cet égard, la communauté Google ou l’open web est plutôt très réactive et bienveillante donc pas de soucis. Même si, par exemple, pas mal d’annonceurs se sont retrouvés à devoir consommer de la prestation d’agence pour leur projet de migration vers GA4. L’économie réalisée sur la solution a finalement été investie en honoraire.
En revanche dès qu’il s’agit d’outils plus confidentiels, c’est la croix et la bannière. Et c’est bien normal ! L’éditeur doit bien pouvoir construire une équipe de CSM et d’architectes solutions.
Sur les outils stratégiques pour les organisations, le support me semble être un no brainer. Impossible de se permettre d’être bloqué une semaine sur un sujet technique qui pourrait gripper toute la supplay chain ! En l’espèce, je recommande de prendre le niveau de support premium qui garantit à la fois une réactivité absolue de l’éditeur et la mobilisation de ressources experts. Sur les outils moins stratégiques, privilégier plutôt le pragmatisme et la montée en compétence interne
4 – Client m’entends-tu ?
Payer est souvent un bon moyen de faire entendre sa voix, de sorte à peser sur la roadmap produit de l’éditeur. Il peut être d’ailleurs intéressant de choisir des solutions en rapport avec la taille de l'organisation pour établir un rapport de force. Vaut-il mieux être n°1 en ligue 2 ou en queue de peloton en ligue 1 ? Le mythe de « nous traitons tous les clients de la même façon » a fait long feu.
Un gros client aura plus facilement accès au top management, pourra faire bouger les lignes, recevra des renforts niveau accompagnement, sera plus facilement entendu en cas de mécontentement… L’éditeur s’investira plus pour garantir cette ligne de revenu et garder ce beau logo dans ses références, à même d’en générer d’autres. Le fameux ruissellement.
5 – Un jeu à somme nulle
Il y a plus onéreux qu’une solution payante, une solution payante non utilisée ! Dans les grands groupes s’il y a de l’énergie à mettre, c’est plutôt dans la rationalisation des contrats entre les différentes entités qui bien souvent contractualisent à leur niveau pour tout un tas de « bonnes raisons » : autonomie vis-à-vis du siège ; demande de rapidité ; besoins différents…
C’est faire l’impasse sur 4 coûts :
- Une dilution des compétences : Piloter plusieurs solutions qui possèdent un scope similaire c’est avoir des ressources non interchangeables. Il vaut mieux avoir des collaborateurs experts sur la même solution groupe. Cela fait partie d’une logique de bonne gouvernance.
- Une dilution du budget : Quid des économies d’échelle ? Avoir plusieurs contrats avec des éditeurs différents pour une prestation similaire est rarement un bon calcul économique. Impossible de jouer l’effet de masse !
- Une dilution du poids : Basiquement en mettant toutes ses billes chez le même éditeur c’est maximiser ses chances de représenter un actif important, position parfois nécessaire pour faire bouger les lignes.
- Une dilution de l’attractivité de la marque : Travailler avec des solutions leader du marché, au-delà de l’apport fonctionnel, c’est aussi une garantie d’attirer des top talents dans son entreprise, à condition de les payer en conséquence. De plus en plus de candidats s’orientent en fonction de la stack technologique déployée dans une entreprise. No-code ; full Salesforce ; Google orienté…. Ce sont des points à mettre à l’actif des organisations dans leur process de recrutement.
Finalement, le bon prix d’une solution, c’est celui qui rapporte le plus.