David Jones (CEO de The Brandtech Group) "Créer des publicités sur Pencil est 50% moins coûteux et offre des performances deux fois supérieures aux marques"
Brandtech allie IA, data, contenu et médias pour transformer le marketing. Valorisé 4 milliards de dollars en 2024, le groupe collabore avec les plus grandes marques mondiales.
JDN. Brandtech Group combine les caractéristiques d'une entreprise technologique, d'une société spécialisée dans le marketing et d'un fonds d'investissement. Comment le définiriez-vous ?
David Jones. En 2015, après avoir quitté mon poste de PDG d'Havas, j'ai décidé de créer You & Mr Jones avec la conviction que la technologie, et notamment l'IA, allait profondément transformer les métiers du marketing en permettant d'exécuter de nombreuses tâches plus rapidement et à moindre coût. Après avoir levé 350 millions de dollars à notre lancement, l'entreprise a été rebaptisée The BrandTech Group en 2022.
Notre vision initiale, qui reposait sur l'anticipation d'un gain majeur en efficacité grâce à des contenus générés par des machines, n'était pas forcément comprise, surtout dans une ère pré-ChatGPT. Il faut dire qu'elle entrait difficilement en résonance avec les objectifs des grands groupes de publicité, dont le modèle repose sur la vente de prestations créatives haut de gamme à des prix élevés.
Après une nouvelle levée de fonds de 115 millions de dollars lors d'une Serie C réalisée en mars 2024, Brandtech est désormais valorisé 4 milliards de dollars. Quelles sont ses différentes sociétés et leurs métiers ?
Depuis 2015, Brandtech connaît une croissance organique supérieure à 20% chaque année, tout en restant rentable. Nous employons plus de 7 000 collaborateurs répartis dans 40 pays. Le groupe se compose de plusieurs entités telles que Fifty-Five, Jellyfish, Oliver ou encore Pencil. Nous travaillons aujourd'hui avec huit des dix plus gros annonceurs dans le monde, et 60 du top 100 monde. Parmi nos clients, on trouve Unilever, Microsoft, LVMH, Danone, ou encore Google. Nous avons lancé deux start-up et réalisé plusieurs acquisitions ainsi que des investissements minoritaires. Au total, ce sont près de 34 investissements réalisés, dont 20 millions de dollars dans Pinterest près de trois ans avant son introduction en bourse, ou encore en tant que premier investisseur externe de Niantic, le créateur Pokémon Go.
Quelles sont les synergies, notamment technologiques, entre ces différentes entités ?
Pour concrétiser notre vision d'un marketing plus efficace et moins coûteux, nous avons construit un écosystème basé sur quatre piliers interconnectés : data, contenu, média et IA. Notre offre data s'appuie sur plusieurs sociétés de notre portefeuille, dont Fifty-Five. Les clients qui privilégient une stratégie axée sur les médias et plateformes peuvent compter sur Jellyfish, experte en optimisation de la performance. Ceux qui souhaitent internaliser leur marketing se tournent vers Oliver, spécialisée dans la création et la gestion d'agences intégrées sur mesure. Pour la création publicitaire alimentée par l'IA, nous proposons Pencil, notre plateforme dédiée. Enfin, nous complétons notre offre avec d'autres acteurs comme Collectively, une agence centrée sur l'économie des créateurs.
Pencil, votre dernière acquisition, permet de générer des publicités grâce à l'IA générative. Quels résultats permet-elle d'obtenir ?
Depuis 2018, près de 5 000 marques ont généré plus d'un million de publicités sur Pencil grâce à l'IA générative, représentant 2 milliards de dollars de dépenses publicitaires sur les plateformes sociales. Créer des publicités sur Pencil est dix fois plus rapide, 50% moins coûteux et permet des performances deux fois supérieures aux standards habituels des marques. Notre nouvel outil Pencil Pro a été spécifiquement conçu pour les grandes marques, intégrant notamment des fonctionnalités plus pointues en matière de sécurité, de cloisonnement des données, de propriété intellectuelle, de protection des droits d'auteur, etc.
Quelles sont les principales fonctionnalités de la plateforme ?
La plateforme intègre les derniers modèles d'IA générative, tels que ChatGPT, Gemini, Imogen et Adobe Firefly, permettant aux utilisateurs de choisir celui qui correspond à leurs objectifs et formats, par exemple pour des publicités Instagram ou TikTok.Nous avons établi des partenariats avec les fournisseurs de LLM pour garantir que les données de nos clients ne soient pas utilisées pour entraîner ces modèles, tout en leur assurant la propriété intellectuelle de leurs contenus.
L'IA générative permet à toute entreprise de se transformer en agence publicitaire, tout comme le Social Web a fait de chacun de nous un créateur de contenu. Le choix du nom Pencil reflète cette vision d'être un outil au service de l'humain, et non pour le remplacer. Le travail humain reste crucial dans le processus. La différence est nette lorsque l'outil est utilisé par un expert plutôt qu'un novice, notamment en termes de qualité des rendus.
À mesure que l'IA prend une place croissante dans les campagnes marketing, doit-on s'attendre à plus de créativité de la part des marques ou, au contraire, à voir des contenus publicitaires assez similaires ?
Certains prédisent que nous aurons, dans les années à venir, tous les mêmes idées car nous nous baserons sur les mêmes résultats générés par l'IA. Je leur réponds, dans un premier temps, que c'est déjà le cas, même sans l'IA ! Si vous regardez certaines publicités, comme celles du secteur bancaire, celles-ci sont déjà très similaires. Néanmoins, ma conviction est que l'IA va aider les entreprises qui ont déjà une marque forte et des idées créatives très précises. A l'inverse, pour celles qui ont une vision floue et n'ont pas définies clairement leurs valeurs de marque, l'utilisation de l'IA va être une catastrophe. Celles-ci risquent de générer des contenus assez fades et peu différenciants. Ce manque de clarté risque d'être amplifié par l'utilisation d'outils IA.
Comment vont évoluer les métiers du marketing selon vous ?
L'IA générative constitue une révolution transversale qui transformera toutes les entreprises, sans exception. Tout ce qui existe aujourd'hui pourra être réalisé plus rapidement, efficacement et à moindre coût. Des outils comme Pencil permettront de produire des contenus en grande quantité, entraînant une véritable explosion de l'économie des créateurs.
Parallèlement, nous verrons émerger une hyperpersonnalisation des contenus, rendue possible par les interactions entre agents IA. L'agent d'une marque pourra dialoguer directement avec celui d'un consommateur pour identifier ses préférences et adapter les contenus en conséquence. Par exemple, au lieu de regarder une publicité Nike où Lebron James joue au basket, un utilisateur pourrait se voir lui-même en train de jouer avec la star. Cette évolution promet de transformer radicalement la manière dont les marques interagissent avec leurs audiences.
Quelle va être la place de l'humain avec la prolifération d'outils dopés à l'IA ?
Ma conviction est qu'à l'avenir 70% du marketing sera réalisé par l'IA et 30% par l'humain. Ce scénario rappelle l'évolution de la finance : si vous observez aujourd'hui la Bourse de Paris, les traders ne courent plus pour prendre des ordres, ces tâches étant désormais automatisées. Dans la publicité, les 30% restants, confiés aux experts humains, seront extrêmement qualitatifs. La collaboration entre l'humain et la machine est déjà en train de donner des résultats impressionnants. Par exemple, le clip réalisé par The Dor Brother pour Snoop Dogg, ou encore la publicité virale pour Volvo créée en moins de 24 heures par le créateur Rick Deckard, en sont d'excellentes illustrations.
Quelles évolutions majeures anticipez-vous dans ce secteur ?
Les marques vont probablement accroître leurs dépenses sur les plateformes média comme Facebook, Instagram ou TikTok. Il reste cependant difficile de prédire quelles plateformes domineront dans cinq ou dix ans. Les outils comme Share of Model deviendront essentiels avec l'adoption croissante des LLMs. Par ailleurs, d'ici trois à quatre ans, tous les annonceurs pourront réduire de moitié les coûts de production de contenus, ce qui représente des économies considérables pour les grandes marques. Ces économies offriront deux grandes options stratégiques. Certaines entreprises choisiront d'augmenter leur EBITDA et leur rentabilité, tandis que d'autres adopteront une approche offensive en réinvestissant dans la publicité pour gagner des parts de marché.
Quelle est la suite pour The Brandtech Group ?
La révolution du marketing par l'IA générative est déjà en marche, et les marques doivent intégrer ces outils dès maintenant. Tous les pilotes que nous avons déployés montrent que nos solutions rendent nos clients plus efficaces, leur permettant de produire plus rapidement et à moindre coût. Je suis convaincu que l'entreprise qui dominera le secteur du marketing alimenté par l'IA générative sera un jour valorisée à plus de 100 milliards de dollars. Notre ambition est que Brandtech soit cette société.
David Jones est le fondateur et PDG de The Brandtech Group, une société spécialisée dans le marketing et l'IA générative, propriétaire de Pencil, Jellyfish ou encore Fifty-Five. Il est aussi le cofondateur de One Young World, un sommet annuel international dédié aux jeunes leaders émergents. Auparavant, il a été CEO du groupe Havas, où il a transformé l'entreprise en atteignant des records de profits et de valorisation. Diplômé de l'Université d'Oxford, David est également auteur de plusieurs ouvrages.