Marc Feuillée (Groupe Figaro) "Pourquoi nous entrons en négociation exclusive pour racheter CCM Benchmark"

Le Groupe Figaro accélère dans le numérique. Avec l’acquisition de CCM Benchmark [éditeur du JDN mais également de L’Internaute, CCM, Journal des Femmes, ndlr], le nouveau groupe entre dans le top 4 des principaux acteurs Internet en France derrière Google, Microsoft et Facebook, et devant Orange.

JDN. Pourquoi achetez-vous le groupe CCM Benchmark ?

Marc Feuillée, directeur général du Groupe Figaro © Le Figaro

Marc Feuillée, DG Groupe Figaro. Le monde du digital évolue. Ce qui caractérise le paysage média dans le digital c’est qu’il est très éclaté, avec deux leaders indépendants, CCM Benchmark et Webedia. Par ailleurs, la commercialisation de la publicité a évolué, avec le développement de la data, l’explosion des trading desk et des opérations spéciales. Il faut cumuler à la fois des audiences qualifiées et réalisées à partir de contenus de qualité, et être très puissant avec des marques fortes. C’est ce constat stratégique que nous partageons avec les fondateurs de CCM Benchmark et qui a fait de cette association une évidence.

En outre, Le Figaro arrive à un moment clé de son évolution. Le Figaro est le premier site d’actualité de la presse papier, le leader des petites annonces sur Internet et nous sommes actifs dans l’univers de la formation et des services avec la chaîne météo qui est très puissante sur mobile, ainsi que sur la billetterie. Aujourd’hui, nous voulons franchir un cap. L’objectif est de créer le premier groupe français sur le digital, avec entre 24 et 25 millions de visiteurs uniques sur le web fixe, soit un reach de 50%, 12,5 millions sur mobile, 6 millions sur tablette et 35 millions de vidéos vues par mois.

Cette opération est aussi une rencontre. On connaissait CCM Benchmark comme un confrère et un concurrent. Nous avons appris à découvrir l’entreprise, ses dirigeants, sa culture techno, le talent de ses équipes, et cela nous a donné confiance.

 

Quel est le montant de l’opération ?

M. F. Nous ne sommes pas un groupe coté, nous préférons ne pas communiquer sur ce point. Je peux cependant vous dire que l’opération devrait être finalisée d’ici un mois.

 

Vendre CCM Benchmark aujourd'hui est-il indispensable dans le contexte de marché ?

Benoît Sillard est PDG du groupe CCM Benchmark © CCM Benchmark

Benoît Sillard. Indispensable, non. Mais c’était souhaitable. Etre un pure player ne permet pas d’avoir les avantages d’un groupe média ou d’un groupe international. Cette opération n’était pas tant une nécessité qu’une opportunité. Ensemble, nous créons un acteur français, européen, de taille comparable aux acteurs américains. Ce mariage est celui de deux entreprises françaises qui vont devenir un acteur de taille internationale.

Jean-François Pillou. La première chose qui m’a plu c’est la capacité du Figaro à réaliser des acquisitions et à leur laisser leur autonomie. C’est important. La deuxième, c’est leur compréhension de l’ensemble de nos activités. Rares sont les acteurs qui nous ont approchés chez qui c’était le cas …

 

Quelle sera votre place dans le nouvel organigramme ?

J.-F. P. Je vais rester à la tête de CCM Benchmark en tant que directeur général. Je vais par ailleurs devenir directeur du développement numérique du groupe Le Figaro/CCM Benchmark et rejoindre le Comité Exécutif du groupe Figaro.

B. S. Il est évident que le nouveau PDG du groupe soit Marc Feuillée. Je vais donc partir vers de nouvelles aventures une fois que l’opération sera terminée.

 

Comment CCM Benchmark va-t-il être intégré dans le Groupe Figaro ?

Jean-François Pillou est directeur général du groupe CCM Benchmark © CCM Benchmark

M. F. Le Groupe Figaro regroupe plusieurs titres de presse, mais aussi de différentes sociétés qui vivent de manière autonome. CCM Benchmark conservera son autonomie au sein du groupe. Nous voulons préserver cette diversité, mais partout où nous identifierons des synergies possibles, nous les mettrons en place.

J.-F. P.  L’idée est de pouvoir continuer à développer CCM Benchmark dans la plus grande autonomie et aider Le Figaro à développer son audience en France et à l’étranger. J’ai pas mal d’idées pour faire grandir l’ensemble et je suis certain qu’il y en a encore beaucoup d’autres que nous identifierons progressivement.

B. S. Si on est arrivés à la place où on est, c’est parce que nous avons réussi à être agiles. Et là on a le sentiment que cela va toujours être le cas. C’était un point clé pour nous. Le fait que Jean-François continue l’aventure en est une garantie.

 

Quelles synergies attendez-vous de cette fusion ?

M. F. Elles sont d’abord publicitaires, en cherchant à combiner des offres intégrées. Elles sont ensuite sur la data et notamment sur l’aspect technologique. Enfin, nous pourrons appuyer CCM Benchmark dans son développement international, et même en profiter pour porter nos contenus en langues étrangères. Déjà, cette opération nous permet en France de nous renforcer sur des thématiques fondamentales où nous sommes présents tous les deux, comme l’actualité avec Lefigaro.fr (9,2 millions de visiteurs uniques, ndlr) et Linternaute.com (9,4 millions de visiteurs uniques, ndlr), l’économie avec Lefigaro.fr, toujours, et le JDN (2,2 millions de visiteurs uniques), ou le segment féminin avec Madame Figaro (1,9 million de visiteurs uniques, ndlr) et le Journal des Femmes (4,9 millions de visiteurs uniques, ndlr). Nous nous renforçons aussi sur des thématiques complémentaires, comme la high-tech avec CCM (9,5 millions de visiteurs uniques, ndlr), ou la santé avec Santé Médecine (2,6 millions de visiteurs uniques, ndlr).

B. S. Les demandes des annonceurs sont de plus en plus souvent globales. Ils veulent une audience large et sur des médias différents. On voit très bien que cette opération nous apportera des effets de levier très importants. Sur la data par exemple, il est indispensable d’avoir une taille critique. Avec les bases de données des deux groupes, la quantité de datas que l’on pourra traiter est énorme.

 

D’autres synergies éditoriales pourraient-elles voir le jour ? Certains sites vont-ils par exemple fusionner pour éviter d’éventuels doublons, optimiser le marketing et rendre plus lisible l’offre commerciale ?

M. F. Non, je suis très prudent sur ces questions. Si nous atteignons ensemble une audience massive, c’est grâce à la différenciation des contenus. Chacun a sa culture et son organisation et son contrat éditorial. Evitons les confusions.

 

Quelle est votre stratégie publicitaire sur la data ? Comment voyez-vous le marché évoluer et quels sont vos objectifs avec cette fusion ?

"la quantité des datas que l’on pourra traiter est énorme"

M. F. Les deux groupes ont suivi la même démarche. Pendant que CCM Benchmark achetait ZeBestOf et Touchvibes, nous avons constitué une base de données et créé des segments sur notre bassin d’audience. Nous commercialisons d’ailleurs cette offre depuis le début de l’année avec FigData. Il faut maintenant créer des outils communs et créer une base de données commune qui nous permettra de répondre aux attentes des annonceurs. Car la proposition unique ne suffit plus : il faut aujourd’hui proposer du brand content, de la data, du custom publishing, des opérations spéciales du display, du marketing à la performance, etc.

B. S. L’idée est d’avoir une offre programmatique commune, avec des DMP capables de travailler entre elles, et envoyer des messages marketing aux gens qui en ont besoin, quand ils en ont besoin.

J.-F. P. Il est facile de parler de la data. Mais il faut avoir atteint une masse critique pour pouvoir l’exploiter. Aujourd’hui seul Facebook est capable de le faire en France. Et Le Figaro, associé à CCM Benchmark, atteint une taille comparable.

 

Vous avez cherché à racheter LCI et à obtenir une licence de diffusion sur la TNT. Quels sont aujourd’hui vos objectifs pour accélérer dans la vidéo ?

Un projet de chaîne télé diffusée sur les box

M. F. C’est une priorité pour nous. Nous avons lancé notre propre portail vidéo il y a 18 mois. Dans ce domaine, je suis persuadé que le partage d’expérience entre CCM Benchmark et Le Figaro sera très efficace. Par ailleurs, nous travaillons sur un projet de chaîne vidéo qui sera diffusée sur Lefigaro.fr ainsi que sur les box des opérateurs. Cela peut paraître paradoxal, mais nous pensons que pour délinéariser, il faut linéariser…

J.-F. P. De tous les groupes médias, nous sommes celui qui a le plus progressé en audience sur la vidéo ces dernières années. Nous sommes même passés devant M6, BFM et Canal+. Nous avons donc un bon savoir-faire en la matière.