Les groupes médias sur Facebook : peu d'audience mais beaucoup de lien

Les groupes médias sur Facebook : peu d'audience mais beaucoup de lien Le réseau social conseille aux éditeurs de créer des groupes thématiques animés par leurs journalistes afin de mieux rayonner au sein de la plateforme. 20 Minutes, Le Figaro et Le Monde s'y sont essayés.

Pour continuer à émerger dans des fils d'actualités Facebook qui laissent beaucoup moins de place aux publications de marques qu'auparavant, les groupes médias n'ont pas d'autre choix que de s'adapter… et d'écouter les conseils de la plateforme pour continuer à y rayonner. La dernière marotte des équipes de Palo Alto ? Les groupes thématiques, qu'elles suggèrent aux médias de créer et d'animer par l'intermédiaire d'un journaliste spécialisé dans la thématique concernée. Un moyen de privilégier le dialogue avec ses utilisateurs là où les pages de marques se cantonnent à une communication beaucoup plus "top-down", promet la plateforme.

Le Monde, Le Figaro ou encore 20 Minutes, tous trois ont lancé un groupe de lecture. 20 Minutes ne s'est pas cantonné à cette seule thématique, le quotidien gratuit a lancé deux autres groupes il y a plusieurs mois : un pour les jeunes et un autre dédié aux séries. Le Monde réserve l'accès de son groupe, Tout le monde des livres, à ses abonnés payants. Pour l'intégrer, ils doivent communiquer l'email correspondant à leur abonnement. "Le club de lecture du Figaro" est également un club fermé où les administrateurs (les journalistes du Figaro) doivent approuver tout nouvel entrant. Mais dans les faits, "il est ouvert à tous, à part aux bots", précise Marie-Amélie Putallaz, la chef du service social media du Figaro.

Pas un de ces groupes ne dépasse les 2 500 membres. Autant dire une goutte d'eau par rapport aux millions de fans que comptent les pages Facebook de ces médias. Pas vraiment étonnant au regard de leur jeunesse (ils ont été lancé il y a quelques mois) et de la thématique, plutôt de niche. Mais l'enjeu n'est pas là. "Il ne s'agit pas tant d'en faire un vecteur d'audience que de construire une communauté", prévient Marie-Amélie Putallaz. Entre 7 et 8 posts sont diffusés chaque jour au sein du club de lecture du Figaro. Ils émanent des journalistes du quotidien et des membres du groupe. Les premiers y trouvent une source d'inspiration pour les papiers qu'ils sont en train d'écrire (via des appels à témoignages, par exemple) mais aussi un relai de diffusion pour les papiers achevés. Les seconds y partagent leurs derniers coups de cœur ou interrogations.

C'est la même logique qui anime le fonctionnement des groupes lancés par 20 minutes. "Leur existence s'inscrit dans l'ADN même de notre média : le participatif", juge la rédactrice en chef du quotidien Armelle Le Goff. Dans ce club, les journalistes interagissent avec leurs lecteurs pour les questionner sur certaines idées d'articles. "Leurs réactions peuvent nous permettre de mesurer la pertinence d'un sujet, explique Armelle Le Goff. C'est quelque chose d'impossible sur notre page Facebook qui, par sa taille (près de 3 millions de fans, ndlr), rend tout échange de ce genre très compliqué."

Le plus : certaines publications sont assorties d'une notification qui s'affiche sur la page de chaque membre

L'échange est d'autant plus constructif que le format groupe s'accompagne d'un petit plus : certaines des publications postées sont assorties d'une notification qui s'affiche sur la page de chaque membre. Elles sont donc beaucoup plus visibles. De quoi booster un engagement qui va crescendo depuis la modification de l'algorithme de Facebook. Si elle n'a pas de chiffres pour l'illustrer, Marie-Amélie Putallaz en est convaincue : "les publications de groupe ont fortement gagné en visibilité dans les fils d'actualités au cours des derniers mois".

Le Figaro n'a pas eu besoin de débourser un centime pour recruter les membres de son groupe. Les journalistes en évoquent l'existence dans leurs papiers, surtout lorsque ceux-ci s'appuient sur la communauté, ou à l'occasion des Figaro Live qui sont consacrés au décryptage d'un livre récemment sorti. Des appels à inscriptions sont également postés depuis la page Facebook du Figaro. L'investissement financier est donc faible. Il se résume au temps consacré par les journalistes à animer les discussions. Un investissement humain qui décline à mesure que les membres s'investissent et que le groupe gagne en autonomie. "Nous réfléchissons à donner plus de responsabilités à certains membres, en les nommant administrateurs", confie Marie-Amélie Putallaz.

Sans surprise, les éditeurs voient dans cette audience captive un actif qu'ils n'excluent pas de monétiser un jour. Du côté du Figaro, on en profite déjà pour pousser, en toute transparence, des offres maisons. "Nous mettons en avant des produits affinitaires comme des hors-séries sur les lettres ou des ateliers d'écritures organisés par nos équipes", illustre Marie-Amélie Putallaz. D'autres pistes de monétisation sont à l'étude, comme la mise en place de partenariats avec une maison d'édition qui voudrait pousser l'un de ses derniers livres. "Cette communauté pourrait prendre son sens dans le cadre d'une opération spéciale permettant de recueillir plusieurs dizaines d'avis de lecteurs au lancement."

"Nous pourrions donner l'occasion aux abonnés du Figaro d'accéder à du contenu exclusif"

Chez 20 Minutes, le groupe "Moi jeune" est lui déjà adossé à un panel consacré aux 15-25 ans que le groupe a lancé en partenariat avec Opinion Way. Le groupe média met également sa nouvelle expertise au service de marques, comme il l'a fait pour le compte de la SNCF, avec le groupe "Les coulisses de la SNCF". Ce dernier abrite des contenus produits par la rédaction, co-construits et co-enrichis avec la communauté des lecteurs.

Le Figaro voit dans ce format l'occasion de proposer des services complémentaires à ses abonnés. "Nous pourrions créer des groupes thématiques et donner l'occasion aux abonnés du Figaro d'accéder à du contenu exclusif, voire d'échanger avec des personnalités avec lesquelles la rédaction les mettrait en relation", suggère Marie-Amélie Putallaz. Un sondage a d'ailleurs été lancé au sein du groupe livre pour savoir qui, parmi les membres, était abonné à l'offre premium du Figaro. Peu de chances pour autant de voir Le Figaro se laisser tenter par la dernière fonctionnalité lancée par Facebook. La plateforme permet depuis quelques jours de rendre payant l'accès au groupe. "Nous préférons garder la main-mise sur la relation et la transaction sur nos sites plutôt que sur Facebook", explique Marie-Amélie Putallaz.