La saga Bitcoin, épisode 2 : l'accélération

La saga Bitcoin, épisode 2 : l'accélération Les réseaux supérieurs de la blockchain Bitcoin lui permettent de fluidifier son usage. Ils offrent des perspectives prometteuses en termes de décentralisation et d'identité numérique.

Si des applications sont exécutées sur la couche principale de Bitcoin (lire l'épisode 1), d'autres ont été créées sur des réseaux secondaires, des layers-2, développés pour des usages différents sans engorger la blockchain principale mais sécurisés par cette dernière. Ainsi, un layer-2 ancre régulièrement un historique de son utilisation dans le layer-1. Le premier fut Omni, initialement né sous le nom Mastercoin, et créé au terme de la première ICO de l'histoire pour émettre des actifs tokenisés. C'est sur ce réseau que la firme Tether a émis pour la première fois l'USDT, premier et toujours principal stablecoin en circulation, bien que son usage se soit aujourd'hui majoritairement répandu sur des réseaux EVM (c'est-à-dire compatibles avec Ethereum). Aujourd'hui, le réseau est quelque peu laissé à l'abandon avec 40 000 dollars de transactions environ recensés en 24 heures le 13 février, selon l'explorateur blockchain Omni Explorer.

Lightning Network et Ion de Microsoft en pleine croissance

Parmi les autres évolutions de Bitcoin, Lightning Network est sans doute celle qui cristallise aujourd'hui le plus d'activités de développement. Ce layer-2 de Bitcoin a pour fonction d'exécuter des transactions très rapides pour un coût dérisoire. Développé par plusieurs compagnies (Lightning Labs, Blockstream, ACINQ, Electrum, Square) avec des approches différentes mais compatibles, le réseau bénéficie aussi de l'infrastructure open source de la solution de paiement pour entreprises BTCPay Server, créé par le Français expatrié au Japon Nicolas Dorier. Aujourd'hui, des échanges comme Bitfinex ou Kraken mais aussi l'application fintech américaine Cash App, créée par Jack Dorsey, acceptent les dépôts et retraits de bitcoins via ce réseau, également adopté par le Salvador.

Illustration du réseau Lightning Network en pixel art. © Dall-E

Mais Lightning suscite surtout de l'enthousiasme pour sa capacité à gérer les micro-transactions, ponctuelles ou en flux constant, une fonctionnalité notamment recherchée pour améliorer l'accessibilité aux contenus payants (abonnement média, podcast, plateformes de streaming…). Lightning permet par exemple de payer en arrière-plan du contenu selon sa durée : Adam Curry et Dave Winer ont lancé l'idée pour les podcasts avec Podcast Index, depuis reprise avec une certaine ergonomie par l'application Fountain (disponible sur App store et Google play). Dans le jeu vidéo, la compagnie Zebedee, récemment auteur d'une levée de fonds de 35 millions de dollars avec Square Enix à la table, intègre, elle, le micropaiement pour récompenser les joueurs du célèbre jeu CS:Go.

Ce réseau secondaire a récemment trouvé un autre Layer-2 complémentaire : Ion, seconde couche initiée par Daniel Buchner, à l'époque chez Microsoft et aujourd'hui chez Block, dont la vocation est de résoudre la problématique de l'identité décentralisée. Ce réseau utilise Sidetree, protocole open source construit par des développeurs de Microsoft donc, mais aussi Consensys, Mattr et Transmute. Le principe est sensiblement le même que ce que l'on peut retrouver en termes d'utilisation pour Bitcoin ou le chiffrage PGP : une clef publique et une clef privée sont associées et utilisées pour vérifier la possession d'une identité. Le DID (pour decentralized ID) est ancré dans la blockchain tandis que des nœuds Ion, accessibles à tous, s'occupent de procéder aux requêtes de vérification d'identité. Dans ce système décentralisé, ces identificateurs sont supposés mieux protégés. Une telle technologie permet d'éviter identifiant et mot de passe et la publication à un tiers de données confidentielles. Aujourd'hui, ce réseau est notamment utilisé par Microsoft pour son service de vérification d'identité Entra.

Un layer-3 pour lancer le Web5

La firmé fondée par Bill Gates et Paul Allen n'est pas la seule à avoir intégré Ion : la société Impervious utilise également cette technologie, en association avec Lightning Network, pour construire ce qu'elle qualifie de layer-3, une couche tertiaire, avec l'objectif d'être "un portail pour l'Internet de pair-à-pair", nous raconte Chase Perkins, CEO de l'entreprise. Impervious a ainsi publié un navigateur Internet intégrant une messagerie instantanée, chiffrée et distribuée en pair-à-pair ; un outil de visioconférence sans tierce partie ; une suite bureautique collaborative avec Lightning comme système de paiement natif et l'utilisation d'un DID pour l'authentification. "C'est le meilleur du Web2 dans un Internet décentralisé : pour l'utilisateur, notre outil de visioconférence ne diffère en rien d'un Zoom ou d'un Meet mais l'analogie s'arrête l'interface car la manière dont les messages sont échangés diffèrent, soit en utilisant des nœuds Lightning ou d'autres technologies pair-à-pair, détaille-t-il. En résumé, l'ensemble de l'utilisation est résistant à la censure et la surveillance et respectueuse de la confidentialité". En quelques mois à peine d'existence, Impervious est déjà utilisée dans une centaine de pays et l'entreprise revendique une croissance de 50% par semaine. Au cours de cette année 2023, elle éditera aussi une suite d'applications dédiée aux professionnels. "En tant qu'entreprise, si vous souhaitez respecter vos données, c'est la voie à choisir. Aujourd'hui, même en tant qu'acteur de bonne foi, vous faites confiance à des tiers pour gérer les données de vos utilisateurs. La décentralisation et le chiffrement permettent d'être en conformité avec les réglementations liées aux données privées", renchérit Chase Perkins.

A terme, ces associations de différentes couches pourraient bien donner naissance à un nouveau terme : le Web5, engendré par l'esprit de Jack Dorsey, fervent opposant au Web3, dont le modèle est en grande partie financé par des créations de token à la distribution très centralisée. Le fondateur de Twitter a ainsi créé la société TBD, dont l'intention est de construire un web décentralisé sur l'infrastructure bitcoin et donc, sans la nécessité de créer de nouveaux jetons. Une première application sociale vient d'ailleurs de voir le jour : Zion. Disponible sur Apple Store et Google Play, ce réseau est encore à l'état brut mais aspire à jouer le rôle d'un Reddit mobile et décentralisé avec des paiements intégrés via Lightning Network. Elle reste cependant moins utilisée que Damus, interface iOS du réseau décentralisé Nostr qui se veut une alternative à Twitter et intègre également des paiements avec Lightning Network. D'ailleurs, elle a également reçu un financement d'environ 200 000 euros d'un certain… Jack Dorsey et revendique déjà plus de 40 000 utilisateurs depuis son lancement en février.

Illustration de Bitcoin avec ses réseaux secondaires et parallèles. © JDN