Ces Français qui taillent des croupières à Buzzfeed

Ces Français qui taillent des croupières à Buzzfeed Lancé dans l'Hexagone il y a près d'un an, le géant américain peine à s'imposer. Il faut dire qu'avec Minutebuzz, Le Demotivateur, Topito ou encore Konbini la concurrence est rude.

C'est dans un amphithéâtre de Sciences Po que Buzzfeed, site d'informations célèbre pour ses chatons et ses GIF animés, présentait il y a tout juste un an les moutures de sa déclinaison française. Le choix de l'école de la rue Saint-Guillaume, loin d'être anodin, témoignait alors des ambitions d'un groupe qui espérait dupliquer dans l'Hexagone un modèle qui lui avait permis de conquérir près de 85 millions de visiteurs uniques dans le monde à l'époque.

L'audience de Buzzfeed stagne autour des 500 000 VU depuis plusieurs mois

A l'heure des bilans, le constat est plutôt mitigé côté audiences, avec un trafic qui fluctue entre 400 000 et 500 000 visiteurs uniques, selon Médiamétrie//Netratings, alors qu'il se situait autour des 300 000 au moment du lancement. Scott Lamb, vice-président chargé du développement international, se dit pourtant satisfait de l'expérience française et annonce à l'Obs "le recrutement d'une personne à Paris et une à New-York pour faire plus de contenu original". Un moindre mal pour espérer booster une audience qui stagne depuis plusieurs mois. La faute à un certain particularisme : "Les articles sur la nostalgie ou les animaux mignons sont cliqués mais pas partagés, les Français préfèrent la politique ou les spécificités régionales, explique Scott Lamb. La faute aussi à une concurrence locale qui est déjà solidement implantée dans le paysage numérique. 

Plus de 2 millions de VU pour Le Demotivateur

Il faut dire qu'avec Le Demotivateur, Minutebuzz, Topito ou encore Konbini, l'Hexagone est plutôt bien pourvu en matière de sites d'infotainment. A chacun son tropisme : Topito et ses tops,  Konbini et la pop culture, Minutebuzz et son rubricage en Lol, Win ou WTF... Mais pour tous une audience qui navigue au dessus du million de visiteurs uniques. Le numéro un du genre, Le Demotivateur, dépasse même les 2 millions de visiteurs uniques. De quoi relativiser, donc, les performances de Buzzfeed en France. "En l'espace de trois ans, nous avons eu le temps de consolider notre audience en nous concentrant sur les contenus les plus viraux, explique l'un des cofondateurs de Le Demotivateur, Michal Sikora. Il ne s'agit pas de publier une cinquantaine d'articles mais de privilégier ceux qui sont susceptibles de plaire à 1 million de personnes". Avec en moyenne 5 contenus postés par jour, Le Demotivateur dénote par sa parcimonie.

Côté stratégie éditoriale, le mimétisme avec le géant américain est assez prononcé. Tous mettent l'accent sur du contenu à potentiel viral (listes, quiz, tests...) et revendiquent l'importance de Facebook en termes d'apport d'audience (40% des visites pour le Démotivateur, 70% pour Minutebuzz et 80% pour Konbini). Signe d'un journalisme qui se conjugue en moins de 140 caractères, les titres sont le plus souvent calibrés pour les réseaux sociaux, quelquefois racoleurs, avec pour objectif d'inciter l'utilisateur à cliquer. Un phénomène de "clickbait" qui a d'ailleurs pris une telle ampleur que Facebook a annoncé vouloir y mettre fin.

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Un exemple de publication plutôt racoleuse sur Minutebuzz. © Capture d'écran du site

Le business model adopté est lui aussi bien dans l'air de son temps. Exit les bannières display, place aux opérations spéciales et au native advertising. MinuteBuzz, qui a levé un million d'euros fin août, a annoncé à cette occasion vouloir investir dans "des plateformes technologiques d'automatisation du native advertising et du viral brand content". Le site propose déjà des dispositifs immergés dans son écosystème à des annonceurs tels que Seloger.

Le fondateur du Démotivateur explique, lui, se concentrer sur les articles sponsorisés, quitte à prendre quelques libertés avec la déontologie... et la loi obligeant ces contenus à être clairement identifiés. Impossible d'identifier les contenus sponsorisés sur la home. Une fois dans cet article publié pour le compte de Citroën, seule la box enjoignant de devenir fan de la page Facebook DS laisse deviner le contenu de marque, au même titre qu'une vidéo promotionnelle et des liens vers la campagne. "Normalement, on met quelque chose dans le chapeau", plaide Michal Sikora. Et de remarquer que les commentaires en bas sont élogieux, preuve que l'intégration est réussie. 

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Ceci est une publicité. © Le Demotivateur

Konbini, à l'origine une société de production spécialisée dans la création de contenus de marques, multiplie également les opérations spéciales pour le compte d'annonceurs comme Sosh, Nike ou Mondelez International que la société initie aux nouvelles formes de publicité native. Sur Konbini mais aussi au sein d'univers spécialement conçus pour les marques partenaires.

Aujourd'hui, tous revendiquent des croissances de leur audience et de leur chiffre d'affaires à deux chiffres. De quoi rendre envieuse une presse traditionnelle embourbée dans sa mutation numérique.