Fredrik Hjelm (Voi) "Nous voulons être proactifs dans la consolidation du marché des trottinettes"
Le PDG de la start-up suédoise de trottinettes en libre-service explique comment les appels d'offres de plus en plus fréquents en Europe bouleversent la compétition.
JDN. Vous avez lancé votre start-up à Stockholm en 2018. Aujourd'hui, Voi est disponible dans 11 villes et 40 pays d'Europe de l'Ouest. Etes-vous satisfait de cette empreinte géographique ou comptez-vous poursuivre votre expansion ?

Fredrik Hjelm. Nous nous sommes focalisés sur notre expansion cette année. Nous continuerons à lancer de nouvelles villes mais de manière plus modérée l'année prochaine. En France, des villes comme Toulouse, Montpellier ou Grenoble présentent par exemple des opportunités. Mais nous allons surtout nous concentrer sur l'amélioration de notre modèle économique l'année prochaine.
Pour devenir rentables, nous devons optimiser notre logistique, par exemple avec l'arrivée de batteries amovibles qui ne nécessitent plus d'embarquer la trottinette entière et vont diminuer nos coûts de recharge. Nous allons remplacer nos trottinettes à mesure qu'elles deviennent hors d'usage pour passer toute notre flotte sur ces nouveaux modèles. Ce changement sera terminé à Paris début 2020. Nous voulons également poursuivre nos expérimentations sur un modèle d'abonnement, comme nous avons commencé à le faire à Stockholm.
Le modèle d'appels d'offres qui va se développer en France après la loi mobilités change les règles de la compétition : ce n'est plus une course aux fonds et au marketing. N'est-ce pas un avantage pour les petites start-up européennes comme Voi face à Bird et Lime ?
Nous sommes très favorables aux appels d'offres depuis le premier jour. Lorsque nous avons fondé l'entreprise, nous savions que les Américains auraient davantage de capital que nous vu sa disponibilité sur la côte Ouest et qu'il nous faudrait bâtir des relations avec les villes pour avoir un avantage compétitif. Nous ne pouvions pas rivaliser avec les flottes énormes de Lime mais nous pouvions être compétitifs sur la qualité de service. Et c'est ce qu'il s'est produit : nous faisons partie des trois vainqueurs de l'appel d'offres organisé par Marseille, et pas Lime. Les appels d'offres changent aussi la dynamique car on avait l'impression qu'au début c'était les entreprises contre les villes. A présent nous travaillons ensemble.
Le marché allemand s'est ouvert cette année et vous y avez investi une quinzaine de villes. Quelles différences avec la France ?
Certains villes ont commencé à lancer des appels d'offres tandis que d'autres ont mis en place des licences accompagnées de limitations sur les tailles de flotte. L'Allemagne a choisi une bonne approche : elle a mis en place des standards élevés sur les véhicules, que seulement quelques entreprises ont réussi à atteindre. Le pays a provoqué l'amélioration des véhicules dans toute l'Europe avec ce standard élevé. Mais sans la France et la Suède, qui ont souffert de l'absence de régulations, nous ne serions pas en Allemagne aujourd'hui.
"Nous voulons devenir rentables en 2021-2022"
Les appels d'offres qui se multiplient en Europe ne réduisent-ils pas les opportunités par rapport aux perspectives de marché que vous aviez vendues à vos investisseurs ?
Je dirais plutôt que les opportunités augmentent. Car comme avec tous les marchés régulés, les barrières à l'entrée augmentent puisque le coût pour mettre un produit sur le marché croissent. Et les appels d'offres apportent de la certitude. Par exemple à Marseille, nous pouvons investir sur les trois prochaines années (la durée de l'autorisation d'exploitation prévue par l'appel d'offres, ndlr). Nous avons remporté des appels d'offre et licences dans 9 villes et nous pensons que ce modèle nous permettra de poursuivre notre croissance.
Nombre de vos concurrents ont annoncé leur volonté de se diversifier vers les vélos électriques. Et vous ?
Nous aussi. Nous lancerons des vélos électriques à Stockholm l'année prochaine.
Vous avez annoncé en novembre un tour de table à 85 millions de dollars, portant votre total de fonds levés à 136 millions. Comment allez-vous les utiliser ?
Principalement pour améliorer notre plateforme tech et opérationnelle afin de devenir rentables en 2021-2022. Nous allons également embaucher et continuer notre R&D sur l'appli et les véhicules.
Les observateurs du secteur s'attendent à ce que certaines start-up n'arrivent pas à lever à nouveau des fonds et ne passent pas l'hiver, alors que les revenus baissent à cette période de l'année. Pourriez-vous utiliser ces fonds pour réaliser des acquisitions ?
La consolidation est inévitable, elle se produit sur tous les nouveaux marchés. Nous devrions l'embrasser plutôt qu'essayer de nous entretuer. Nous voulons être proactifs dans ce mouvement de concentration à venir.