Les VTC doivent apprendre à vivre durablement avec moins de clients

Les VTC doivent apprendre à vivre durablement avec moins de clients Entre la réduction du trafic aérien et du tourisme, la fermeture des boîtes de nuit et la diminution des voyages d'affaires, une part significative des revenus des plateformes ne reviendra pas avant longtemps.

Après l'effondrement de leur activité pendant le confinement, les VTC commencent à retrouver des volumes d'activités corrects, sans réussir pour autant à effacer toutes les traces de la crise. Ainsi chez Kapten, l'activité sur les mois de juin, juillet et août s'établit à environ 80% des volumes de courses de la même période en 2019. Le Cab se situe plutôt autour de 60 à 70% de son activité de 2019 sur cet été. Tandis que Heetch affirme être quasiment revenu aux mêmes volumes de courses qu'avant le confinement (impossible pour la start-up de comparer avec l'été 2019, exceptionnellement mauvais). "Mais cela ne veut pas dire que le marché va bien", reconnaît son PDG Teddy Pellerin. Au contraire, il s'est réduit, sinon nous devrions être en croissance." 

Le secteur doit s'adapter à de nouvelles réalités issues de cette crise. En premier lieu, la diminution durable du nombre de clients, alors que la vigueur de l'épidémie douche les espoirs de ceux qui comptaient sur un redémarrage de l'activité en septembre grâce à une diminution des restrictions sanitaires. Car les VTC sont très dépendants de plusieurs secteurs et pratiques entravées par le coronavirus.

Moins de clients, de chauffeurs et de marges

D'abord la diminution du tourisme, fort pourvoyeur de clientèle pour la plupart des plateformes. Notamment Uber, qui est beaucoup plus à même de capter les touristes étrangers que ses concurrents grâce à la renommée mondiale de son appli. Ils représentent en moyenne 20% de sa clientèle en France, sans doute beaucoup plus à Paris l'été. Particulièrement rémunérateurs, les trajets depuis et vers les aéroports souffrent de la diminution du trafic aérien (leur volume a été divisé par quatre chez Kapten). Alors que le gouvernement recommande aux entreprises la poursuite du télétravail dans la mesure du possible, les entreprises ont fortement réduit leurs voyages d'affaires, donc leurs commandes de VTC. Un autre coup dur pour des plateformes comptant sur le B2B, comme Le Cab (70% du chiffre d'affaires) ou Kapten (20%). Enfin, la diminution des sorties nocturnes, en particulier à cause de la fermeture prolongée des discothèques, salles de concerts et arènes sportives pèse sur l'activité de toutes les plateformes B2C (Uber, Kapten, Bolt, Heetch).

Conséquence de ce marché en baisse, le nombre de chauffeurs actifs a lui aussi diminué (de 20 à 30%), car les plateformes ne sont plus en mesure de leur proposer autant de courses qu'avant. Ce qui rend leur activité déjà précaire encore moins rentable lorsque les temps d'attente entre les courses s'allongent. "Nous avons mené une étude auprès de nos chauffeurs et il en ressort que ceux qui ont continué à travailler se sont mis à utiliser davantage d'applis qu'avant pour maximiser leurs chances de trouver des courses", explique Frédéric Lefebvre, PDG de Switchcab, une appli qui montre aux chauffeurs les zones et plateformes les plus rentables pour prendre des courses en fonction de la demande. Un phénomène confirmé par Heetch et Kapten, qui ont connu une augmentation des inscriptions de nouveaux chauffeurs ces derniers mois.

""Qu'est-ce qu'on budgète ? Quel sont les objectifs ? Nous n'avons plus aucun référentiel "

Autre effet de cette crise, le ratio entre chauffeurs et clients, offre et demande, semble s'être rééquilibré, contrairement à la situation qui prévalait avant la crise où la demande était supérieure au nombre de chauffeurs, ce qui avait entraîné une augmentation des temps d'attente et des prix. A présent, les périodes de surge pricing (tarification dynamique en cas de pic de demande) sont beaucoup moins fréquentes. Ce qui a provoqué une chute des prix effectifs des courses, sans que les plateformes baissent leurs prix à la minute ou au kilomètre pour autant. "Nous étions environ 17% moins cher en juin 2020 qu'en juin 2019", explique Antoine Lieutaud, DG France de Kapten. Ce qui signifie qu'en plus d'enregistrer moins de courses qu'avant, le revenu et la marge des plateformes par trajet est aussi en baisse. Ainsi, alors que les courses de Kapten sont en baisse de 20% cet été par rapport à 2019, son chiffre d'affaires dévisse de 25% sur la même période. Un phénomène qui doit être encore plus marqué chez Uber, qui pratique les plus gros multiplicateurs du marché lors des périodes de tarification dynamique (l'entreprise a décliné notre demande d'interview). 

En plus de ces difficultés, les plateformes doivent apprendre à vivre dans l'incertitude, car nul ne sait combien de temps durera cette situation. Certains, comme Uber et Kapten, en ont déjà tiré les conséquences en licenciant une partie de leur équipe en France. D'autant que certaines habitudes, comme la pratique accrue du vélo ou du télétravail, pourraient s'ancrer au-delà de la crise et affecter à long terme leurs revenus. ""Qu'est-ce qu'on budgète ? Quel sont les objectifs ? Nous n'avons plus aucun référentiel et devons-nous adapter au fil de l'eau", constate Hervé Fauvin, directeur général de Le Cab. Après des années de guerre pour les parts de marchés à grands renforts de cash, puis des efforts pour aller vers la rentabilité, les VTC sont désormais en mode survie.