L'électricité est-elle l'avenir de la route ?

La route peut-elle réussir le pari nécessaire d'une transformation écologique ? L'électricité pourrait être au cœur de la réponse.

Le XXIe siècle sera électrique ou ne sera pas ! En effet, pour tenir les engagements pris par la France en matière de réduction de gaz à effet de serre dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le transport routier doit impérativement s’affranchir des énergies fossiles. Et pour se débarrasser de l’essence et du diesel, mais aussi des revêtements des chaussées qui sont, eux aussi, une source d’émissions de gaz à effet de serre, l’unique solution est de les remplacer par des énergies renouvelables, et en premier lieu l’électricité. Une stratégie que faisait sienne Bruno Le Maire, en décembre dernier, en affirmant : « Le futur est tout électrique : il y a 5 ans, on hésitait, aujourd'hui on n'hésite plus. Il faut que le gouvernement aide entre maintenant et 2022 ». Même son de cloche du côté de Barbara Pompili, ministre de l’Écologie, qui assurait, dans un entretien accordé à Ouest-France, tout mettre en œuvre pour « permettre de transformer le parc de véhicules, en favorisant les motorisations électriques et hybrides, avec de gros moyens alloués à a recherche et au développement ». Heureusement, avec ou sans aide, les professionnels du secteur routier ont entamé depuis plusieurs années maintenant leur transition vers une route décarbonée.

Bientôt des routes électriques ?

La technologie est encore assez méconnue, peut-être parce qu’elle n’est pas encore très répandue, mais plusieurs sociétés travaillent sur des routes électriques capables de recharger en temps réel les véhicules roulant sur la voie. Le procédé semble futuriste, mais existe déjà. En Suède par exemple, la toute première route électrique du monde a été inaugurée le 22 juin 2016. Sur une portion de deux kilomètres, l’autoroute a été dotée de lignes électriques aériennes qui alimentent en courant les véhicules équipés de pantographes. Une voie similaire est également en fonction depuis 2018 aux États-Unis, entre les ports de Los Angeles et Long Beach. Outre cette technologie, d’autres pays ont parié sur la route à induction. Le principe : des bobines magnétiques installées sous le véhicule et sous la chaussée échangent de l’électricité lorsqu’elles se trouvent l’une au-dessus de l’autre. Si cette technologie a été expérimentée en France en 2018 à Alençon, elle n’a pas dépassé le stade des essais dans notre pays pour le moment. En revanche, une route à induction est testée depuis quelques mois à Tel Aviv en Israël, et la ville de Karlsruhe en Allemagne, a déjà projeté de l’expérimenter cette année.

Mais est-ce que ces technologies, cantonnées à des tronçons de quelques centaines de mètres pour le moment, est généralisable à un réseau routier de plus grande ampleur ? Oui, si l’on en croit une étude menée par Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé sur la transition énergétique, sur les 3.200 km d'autoroutes françaises fréquentées quotidiennement par plus de 5.000 camions. En effet, l’étude montre que le déploiement de la route à induction "est tout à fait rentable par rapport à d'autres investissements de réduction des émissions de gaz à effet de serre". Le cabinet précise que si le modèle économique de l'autoroute électrique est solide, l'intervention de l'État peut améliorer certains points, soit via la fiscalité carbone, soit en participant à l'investissement comme il le fait avec d'autres technologies de réduction des émissions de CO2.

À quand des bornes de recharge suffisantes ?

En attendant de voir peut-être, un jour, des routes électriques partout en France, une autre technologie, beaucoup plus répandue, mérite toute l’attention de l’État : il s’agit des bornes de recharge électriques. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, pour le moment, le compte n’y est pas. Alors que tout est fait pour inciter les Français à troquer leur bonne vieille automobile thermique contre un véhicule électrique, les infrastructures ne suivent pas. Sans doute les automobilistes français espèrent-ils voir le réseau de bornes de recharge se développer à toute vitesse, mais la réalité est que le nombre de points de recharge a stagné au second semestre de l’année 2020 selon l’AVERE. Une situation lourde de conséquences puisque le manque de bornes de recharge reste l’un des principaux freins à l’achat d’une voiture électrique.

Si au niveau national, le virage du tout électrique semble être difficile à négocier, certaines initiatives régionales vont dans le bon sens. C’est le cas, notamment, de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur avec son plan climat baptisé « Une COP d’avance » lancé en 2017 qui prévoit une réduction de 25 % des émissions de gaz à effet de serre issus des transports d’ici la fin de l’année 2021 et même la neutralité carbone de la région en 2050. En tête des cent actions à mener pour y parvenir figure un objectif ambitieux : la présence d’une borne de recharge électrique tous les 100 kilomètres sur le réseau routier. Pour tenir ses engagements, Renaud Muselier, président de la région PACA, a signé une convention de partenariat avec Vinci Autoroutes en novembre 2019 pour le développement de l’autoroute bas carbone. Élaboré par la société concessionnaire d’autoroutes, ce concept a pour but d’accélérer l’écomobilité en favorisant le covoiturage, la multimodalité, ainsi que la mobilité électrique. Sur ce dernier point, Vinci Autoroutes a d’ailleurs entrepris de déployer massivement des bornes de recharge électriques, jusqu’à équiper 100% de ses aires de service sur les près de 4.500 kilomètres que compte son réseau autoroutier d’ici 2030.

Ce que Renaud Muselier a mis en œuvre au niveau régional dans le domaine des bornes de recharge, l’État devrait l’entreprendre à l’échelle du territoire national car, comme le souligne Marc Mortureux, délégué général de la Plateforme de l’automobile, si le nombre de véhicules électriques a bondi de 130% en moins de trois ans, celui des bornes n’a progressé que de 50%. Conscient de ce retard, le gouvernement a récemment pris l’engagement d’augmenter massivement le nombre de bornes de recharges. En effet, en octobre dernier, Barbara Pompili et Jean-Baptiste Djebbari ont signé la charte Objectif 100000 bornes dont l’objectif est de déployer 100000 points de charges ouverts au public en France. Pour soutenir cette démarche, une enveloppe de 100 millions d’euros a été débloquée afin de financer l’installation de stations de recharge rapide dans la quasi-totalité des aires de service du réseau d’autoroute et des routes nationales, et donc de permettre des déplacements longue distance en véhicule électrique sur tout le territoire. Un effort louable certes, car il implique le triplement du nombre de bornes de recharge actuellement présentes en France, mais qui fait pâle figure face aux mesures prises par le gouvernement allemand puisqu’il a alloué 3,5 milliards d’euros au soutien de l’écomobilité avec l’objectif d’installer un million de bornes de recharge électrique et à hydrogène d’ici 2030. Si la France ne veut pas se faire distancer par son voisin d’Outre-Rhin, les pouvoirs publics vont devoir faire preuve d’une stratégie beaucoup plus entreprenante.