Étendre les Certificats d'Économies d'Énergie (CEE) au cotransportage pour une mobilité plus durable et plus solidaire
Des incitations financières existent pour encourager le covoiturage et réduire les émissions carbone des mobilités. Etendons ces dispositifs à toutes les solutions mutualisant les trajets du quotidien
Alors que la COP28 se profile, nous peinons à nous aligner sur l’objectif des accords de Paris d’une réduction de 55% de nos émissions carbones d’ici 2030. Depuis début 2023, les Certificats d'Économie d'Énergie permettent d’inciter financièrement le recours au covoiturage pour accélérer notre transition écologique. Pourquoi ne pas étendre ce dispositif aux opérateurs de cotransportage ?
Selon l’étude Trajets du quotidien en France, publiée en 2022 par le Cerema, 82,6% des trajets du quotidien sont effectués en voiture. Affolant quand on sait qu’elle est responsable de 17% des émissions carbone en France (source Ademe). Alors que la COP28 se profile à la fin du mois, nous peinons à nous aligner sur les objectifs fixés lors des accords de Paris en 2015, à savoir une réduction de 55% des émissions d'ici 2030.
Depuis le 1er janvier 2023, le “Coup de pouce CEE” a été mis en place par le ministère en charge de l’énergie pour inciter financièrement le recours au covoiturage, via les plateformes numériques. Les conducteurs ont la possibilité de percevoir deux primes de 100 € en prenant des passagers à leur bord, la première pour des trajets courts, la seconde pour des trajets longs.
Financés par les fournisseurs d’énergie les Certificats d’Economie d’Energie (CEE) ont instaurés par la loi POPE (Programmation fixant les Orientations de la Politique Énergétique) en 2005. Ils visent à accélérer la transition énergétique et la croissance verte.
Ce “coup de pouce” incitatif pourrait aujourd’hui être étendu aux opérateurs du cotransportage (livraisons de biens entre particuliers). Ces derniers participent en effet déjà à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en organisant des livraisons sur des trajets déjà existants, contribuant ainsi à la réduction de l’empreinte carbone du dernier kilomètre (le plus coûteux du transport de marchandises, en matière environnementale).
L’économie collaborative comme modèle inspirant
L’économie collaborative repose sur l’optimisation de l’usage existant : des trajets du quotidien dans le cadre du covoiturage ou cotransportage à la co-consommation, qui revient à acheter un bien à plusieurs pour en diminuer le coût et maximiser les occasions de l’utiliser. Cela consiste à revenir à une économie de l’usage, plus raisonnée, plutôt qu’à une consommation purement individualiste. Elle permet en outre de réduire les émissions d’énergie liées à la production et divise par deux celles dues à la consommation.
Aux yeux du grand public, l’exemple le plus parlant est sans doute le covoiturage, une solution qui permet de réduire le nombre de voitures sur la route, ce qui entraîne une diminution de la congestion, d’économiser du carburant (et donc du pouvoir d’achat) et de réduire ses émissions de CO2. Ainsi, 1,5 million de tonnes d’émission de CO2 ont pu être évitées en 2022 grâce à BlaBlaCar. Cette logique d’usage permet de revenir à une consommation totalement optimisée, sans utilisation inutile ou objet sans utilité.
Les plateformes numériques comme relai essentiel à la démocratisation du collaboratif
Au 1ᵉʳ trimestre 2023, seuls 2 trajets de covoiturage sur 10 000 avaient été réalisés via des plateformes numériques de mise en relation. Un bien triste bilan alors que le covoiturage sur courte distance (domicile/travail bien souvent) peine à trouver son public. Il n’y a aujourd’hui que 900 000 trajets partagés quotidiennement sur les routes de France, mais le Gouvernement souhaite atteindre les 3 millions d’ici à 2027 (source : Forum Vies Mobiles). Bien que les trajets du quotidien soient les plus difficiles à optimiser, en raison des parcours et horaires très variés, le recours à des outils numériques, capables de calculer et proposer des itinéraires précis, pourrait s’avérer précieux pour démocratiser la mobilité collaborative.
Ainsi, permettre à ces plateformes de bénéficier des CEE pourrait inciter fortement et reconnaître le rôle de l'optimisation des trajets du quotidien, via des outils numériques, comme un véritable levier en matière de mobilité durable. Plus les citoyens seront incités à réfléchir aux usages possibles pendant leurs déplacements réguliers, plus le calcul des économies d’énergie sera efficient, permettant de revaloriser les CEE convertis grâce à ces procédés.
Les CEE : plus qu’une incitation “cosmétique”
L'extension des CEE aux plateformes de mobilités collaboratives (covoiturage, cotransportage) doit être bien plus qu'une incitation "cosmétique". Au-delà de l’incitation à l’usage, elle doit être le signe d'une reconnaissance de l'importance de l'économie collaborative dans une économie durable et raisonnée, notamment sur le volet des mobilités. Réduction des émissions carbones, amélioration des mobilités urbaine et rurale, solidarité dans les territoires, création d’opportunités économiques pour les cotransporteurs et commerçants : autant d’éléments apportés par le cotransportage qui méritent une valorisation officielle.
L'économie collaborative ne se limite d’ailleurs pas au partage de trajets ou à la livraison de colis. Elle est une manifestation tangible de notre capacité à repenser nos modes de consommation et de déplacement, pour tendre vers un modèle qui réfléchit à la pertinence de chacune de nos consommations, pour en calculer l’apport et l’empreinte. Étendus à ces pans de l’économie, les CEE pourraient devenir un puissant moteur pour encourager cette transition durable et éthique.