Pourquoi vous n'économisez pas autant d'impôts que vous le pensez avec le Pinel

Pourquoi vous n'économisez pas autant d'impôts que vous le pensez avec le Pinel Bon nombre de communes pourraient bientôt se voir exclues du champ d'application du dispositif qui permet aux investisseurs de défiscaliser jusqu'à 63 000 euros. Mais ce régime fiscal est-il aussi avantageux qu'il n'y paraît ?

Le Pinel tel qu'on le connaît prendra fin le 31 décembre 2017, date jusqu'à laquelle il avait été étendu. C'est-à-dire ? Nous le saurons lors de la présentation du projet de loi logement, prévue le 20 septembre 2017. Un indice : le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, a déjà fait savoir qu'il n'était pas favorable à un "arrêt brutal" du dispositif. A compter du 1er janvier 2018, ce dernier pourrait donc être limité aux zones tendues. Alors faut-il se ruer sur les opérations Pinel d'ici là ?

"Achetez un logement neuf, engagez-vous à le louer à un certain prix durant une durée minimum et, en échange, vous obtiendrez des réductions d'impôt ". Sur le papier, le Pinel a tout pour plaire. Pour rappel, il prévoit un allègement d'impôt qui augmente selon la durée d'engagement de la mise en location : 12% du montant de l'investissement (dans la limite de 300 000 euros d'investissement) pour une location de 6 ans, 18% pour 9 ans et 21% pour 12 ans d'engagement. Un outil de défiscalisation qui permet donc d'économiser jusqu'à 63 000 euros sur 12 ans. Au point que de nombreux particuliers se sont rués sur les logements éligibles : en 2016, ce sont plus de 61 000 biens de ce type qui ont été vendus en France. Les investisseurs Pinel représentent ainsi 53% des acheteurs de biens neufs en 2016. Et la tendance semble s'être encore accélérée au premier trimestre 2017, avec des ventes en hausse de 35% par rapport à la même période l'année précédente, selon la plateforme Theseis, spécialisée dans la gestion de patrimoine.

Dans certaines zones, les logements éligibles au Pinel s'achètent 20% plus cher que le prix du marché 

Pourtant, tous les professionnels ne partagent pas le même enthousiasme vis-à-vis du Pinel. " Bien souvent, il faut faire attention aux investissements qui mettent en avant des avantages fiscaux", avertit Louis Alexandre de Froissard, gérant associé au cabinet Montaigne Patrimoine. Pour ce spécialiste du conseil financier, investir dans un Pinel n'est pas toujours une décision aussi optimale qu'on pourrait le croire pour ses finances personnelles.

Un revenu imposable qui s'alourdit

Investir dans un bien immobilier pour faire de la location induit nécessairement l'accroissement des revenus via la perception d'un loyer. Ce montant constitue un revenu foncier soumis à l'impôt et qui, de facto, alourdit la note finale à payer à l'administration fiscale. "Il y a certes une réduction d'impôt sur les 6, 9 ou 12 premières années durant lesquelles le propriétaire s'engage à louer son bien en Pinel, mais il y a également apparition d'un revenu complémentaire qui augmente l'imposition totale, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux ", détaille Louis Alexandre de Froissard. Un surplus fiscal pas toujours mis en avant lors du calcul du Pinel avant d'investir. Par exemple, pour un bien de 63 mètres carrés situé en zone B1, acquis au prix de 241 000 euros, le plafond du loyer s'élève à environ 630 euros par mois. En partant du postulat selon lequel l'investisseur s'engage à louer son bien pendant 12 ans, il aura droit, tout au long de cette période, à une réduction d'impôt de 4 218 euros par an. Or, si le bien est loué de façon continue, le propriétaire percevra au terme de l'année un revenu foncier qui avoisine les 7 560 euros. Un surplus de revenus imposables dont il faut tenir compte avant d'investir.

Le gain fiscal, un argument secondaire

"A bien y regarder, l'économie d'impôt avancée n'est pas si attrayante ", reprend Louis Alexandre de Froissard. Cet argument, souvent affiché en grandes lettres par les promoteurs qui souhaitent vendre du Pinel, ne doit pas occulter qu'il s'agit avant tout d'un investissement en immobilier locatif. "La réduction d'impôt doit être la cerise sur le gâteau, tranche Philippe Zilberstein, président de Nexity Conseil et Patrimoine. Surtout, il ne faut perdre de vue l'objectif que chaque investisseur s'est fixé au départ : souhaite-t-il faire de l'investissement locatif pour s'assurer un complément de revenus au moment de sa retraite ? Est-ce pour se constituer du patrimoine ? Est-ce pour acquérir un logement dans une région donnée en vue de s'y installer à terme ? etc. Le plus important reste de faire un investissement qui a du sens."

Mesurer les risques avant de se lancer

Avant d'investir en Pinel, il faut également prêter une attention toute particulière au prix de vente proposé par les promoteurs. Dans son étude "Les dangers du dispositif Pinel", la société d'expertise immobilière Immo G Consulting a montré que dans certaines zones, comme à Toulouse, Rennes ou encore Angers, les écarts entre le prix de vente proposé au mètre carré et la réalité du marché peuvent dépasser les 20%." Le Pinel a engendré un certain emballement du côté des prix", résume Yann Vellard, conseiller patrimonial chez Montaigne Patrimoine. On arrive par exemple à des disparités au sein d'une même résidence. Ces écarts de prix tiennent compte du fait que les primo accédants (sous conditions) peuvent payer par exemple 3 000 le mètre carré quand l'investisseur bailleur va régler 5 000 le mètre carré. Or, en cas de revente, une décote devra nécessairement venir s'appliquer." Sans compter que les grilles de loyers plafonds imposés dans le cadre de la loi, et qui varient selon que le bien se trouve en zone A, A bis, B1 ou B2, peuvent, elles aussi, présenter quelques surprises. L'étude d'Immo G Consulting montre ainsi que dans certains quartiers, le marché locatif est tel que le propriétaire d'un logement en Pinel devra ajuster le montant de son loyer à la réalité du terrain pour se mettre à niveau. Avec pour résultat de diminuer de façon significative le revenu foncier espéré initialement. "Les critères de sélection d'un investissement locatif (emplacement, demande locative, prix immobiliers, etc.) doivent continuer de primer sur le seul objectif d'une réduction d'impôt", conclut Louis Alexandre de Froissard.