Ce pont a coûté 3 millions d'euros alors qu'aucune route ne permet de l'emprunter

Ce pont a coûté 3 millions d'euros alors qu'aucune route ne permet de l'emprunter Dans la Meuse, un pont à 3 millions d'euros enjambe fièrement une voie ferrée... mais ne mène absolument nulle part

Imaginez-vous au volant de votre voiture, à Warcq, petite commune des Ardennes. Au loin, vous apercevez un pont de 35 mètres qui enjambe une voie ferrée et une route. Vous souhaitez l'emprunter quand soudain, stupeur : ce pont ne mène à rien. De chaque côté, des talus de terre et de cailloux, mais aucune route. Cette construction a pourtant coûté la bagatelle de 3 millions d'euros, soit l'équivalent du budget annuel moyen d'une commune en France !

Ce pont qui ne mène nulle part est devenu une curiosité locale et un symbole de gaspillage d'argent public. Depuis sa construction en 2017, habitants et médias locaux s'interrogent sur cette aberration. Certains préfèrent en rire : "Ça reste toujours mieux d'être connus pour ça que pour Michel Fourniret", lance une riveraine avec ironie au Figaro.

L'histoire de ce pont remonte au début des années 2000. A l'époque, le conseil départemental des Ardennes souhaite réduire le trafic de poids lourds dans Charleville-Mézières. Un projet est alors mis sur pied pour raccorder l'autoroute A304 et la nationale 43, en passant par les communes de Damouzy, Belval et Warcq. Ce projet, estimé à 30 millions d'euros, prévoit une route à deux fois deux voies de 3,3 kilomètres. Il est reconnu d'utilité publique par un arrêté préfectoral en 2016.

Les travaux débutent en 2017 par la construction du pont, considérée comme l'œuvre la plus complexe du projet. Mais plusieurs recours judiciaires sont déposés, notamment contre les expropriations nécessaires à la réalisation du programme. En 2021, après de multiples contestations judiciaires, notamment lié à l'impact environnemental du projet et à son intérêt, le Conseil d'Etat annule définitivement la déclaration d'utilité publique. Le Conseil d'Etat a considéré que l'utilité de cette voie n'était pas justifiée et qu'il n'y avait pas assez d'arguments pour exproprier des personnes de leur terrain.

Résultat : le pont est achevé, mais le reste du projet est abandonné. Aujourd'hui, sept ans après sa construction, aucune voiture n'a jamais emprunté cet ouvrage. Le contribuable a non seulement payé pour le pont, mais aussi pour les indemnités d'expropriation et l'achat de terrains. Et comme le raccordement n'a jamais été réalisé, le trafic n'a pas diminué à Warcq. La commune a donc dû engager de nouvelles dépenses : installation de ralentisseurs, modification de la signalisation et transformation d'une rue en sens unique pour la somme de 400 000 euros.

Que va devenir ce pont ? Pour l'instant, aucune solution concrète n'a été trouvée et il sera difficile de le raccorder à un axe routier. Une démolition n'est pas envisagée à ce jour. Des concertations entre le conseil départemental, la mairie de Warcq et la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières ont eu lieu ces dernières années, mais sans solutions.

Contacté par le Journal du Net, le conseil départemental des Ardennes n'a pas souhaité communiquer le budget global du pont, incluant l'acquisition des terrains, ni préciser les résolutions envisagées ces dernières années concernant son avenir.