Ce Mediapart espagnol ambitionne de donner un nouveau souffle à l'info en Espagne
Débarqué du quotiden "El Mundo" qu'il a fondé il y a 25 ans, Pedro Ramirez fait à son tour le pari du payant. Son pure-player de l'information a déjà levé près de 18 millions d'euros.
La France a Mediapart, l'Espagne aura "El Español". Impossible de savoir si le succès rencontré par le pure-player lancé par Edwy Plenel a inspiré Pedro J. Ramirez. Une certitude, le parcours du journaliste espagnol fait écho à celui de son homologue français. Cette figure du monde des médias espagnols a ainsi quitté fin novembre 2014, le quotidien de centre-droit El Mundo, qu'il avait fondé il y a 25 ans suite à un désaccord avec son actionnaire. Quelques mois plus tard, il annonçait se lancer à nouveau dans l'aventure entrepreneuriale avec la naissance de "El Español", pure-player de l'information.
Le record du monde en crowfunding pour un média
"Nous pensons que la presse doit jouer son rôle de garde-fous… Que nous devons être un contrepoids à la concentration du pouvoir politique et économique", expliquait-il ainsi au Financial Times dans un vocable que ne renierait pas Edwy Plenel. D'autant que Pedro J. Ramirez fait lui aussi le pari du payant, en proposant aux abonnés de verser 7 euros par mois pour accéder à l'ensemble des contenus publiés sur le site. Le prix de l'indépendance, explique-t-il. "Lorsque l'on perd de l'argent, on devient vite dépendant de larges corporations qui sont très proches du gouvernement. Ce qui débouche la plupart du temps sur de la censure – voire pire- de l'autocensure", poursuit-il. Un tacle appuyé à l'encontre d'un secteur qui opte majoritairement pour un modèle adossé sur la publicité. Un modèle qui montre aujourd'hui ses limites en témoigne la grave crise qui a touché les médias espagnols suite au conflit qui les opposait à Google News. Ce dernier a, en effet, décidé de fermer son service, refusant de rémunérer les médias qu'il référençait au motif des droits d'auteurs. Une fermeture qui a eu un impact sur les audiences de la presse Web espagnole et sur ses revenus. Une situation qui donne sans doute raison aux propos formulés par Edwy Plenel dans notre émission "Les Décideurs du Net", lorsqu'il rappelait que "la stratégie économique consistant à chercher le buzz et l'immédiateté, pour ramener de l'audience qu'on finance par la publicité est destructrice de valeur".
Avec près de 72 collaborateurs annoncés dont quelques pointures qui ont décidé de suivre Pedro J. Ramirez, "El Español" semble déterminé à grandir vite. Et pour se donner les moyens de ses ambitions, le pure-player a pris soin de lever près de 18 millions d'euros après d'investisseurs privés et institutionnels. Pedro J. Ramirez a lui-même mis près de 5,6 millions d'euros au pot, une somme en grande partie issue de ses indemnités de licenciement du quotidien El Mundo. A la clé également, une campagne de crowdfunding d'un montant record de 3,6 millions d'euros pour un organe de presse. Rosa Garcia, une madrilène de 51 ans qui fait partie des 5 500 investisseurs de ce type, explique avoir acheté 5 actions pour la coquette somme de 500 euros, pour soutenir un "media indépendant qui pourrait résister aux pressions de tout pouvoir en place". Un modèle de fonctionnement directement inspiré de celui des clubs de football comme le FC Barcelone et le Réal Madrid et leurs socios.
Alors que la première beta Web n'est prévue que pour le 7 octobre, El Español annonce déjà plus de 9 000 abonnés (tous les actionnaires sont automatiquement considérés comme des abonnés). Le chemin est encore long pour atteindre la barre des 100 000 récemment franchie par Mediapart.