Plaintes contre AI Overviews en Europe : ce n'est que le début
Au deuxième semestre, les autorités de la concurrence du continent européen devraient voir affluer les plaintes à l'encontre d'AI Overviews, le moteur conversationnel de Google sur le search. L'Hexagone n'est pas en reste : de nombreux éditeurs de sites français sont vent debout et se préparent déjà à cette possibilité si la fonctionnalité de Google venait à être lancée dans le pays, un des seuls au monde où AI Overviews n'est pas live.
Un premier pas important dans ce sens a été franchi de l'autre côté de la Manche : l'association Foxglove, l'Independent Publishers Alliance et le Movement for an Open Web ont déposé une plainte auprès de la Competition and Markets Authority (CMA) au Royaume-Uni le 30 juin etauprès de la Commission européenne le 3 juillet.
Au cœur de ces actions, outre la perte de trafic constatée par les éditeurs, se trouve la perte de visibilité sur le search générée par l'opt-out d'AI Overviews. "Les éditeurs n'ont pas la possibilité de se soustraire à AI Overviews sans se soustraire complètement à la recherche", indiquent les plaignants dans un communiqué. "Les éditeurs ont besoin de toute urgence de pouvoir se retirer des résumés d'IA de Google sans pour autant être retirés de la recherche", précisent-ils en demandant que des mesures provisoires soient adoptées "pour empêcher Google d'utiliser abusivement le contenu des éditeurs en attendant les résultats de l'examen plus détaillé de la CMA".
Un point relevé également par une autre association d'éditeurs britanniques, la Professional Publishers Association (PPA), auprès de la CMA : dans une série de recommandations soumises à l'autorité de la concurrence britannique, rendues publiques le 14 août, la PPA demande entre autres que soit imposée à Google une obligation de transparence quant au crawling et qu'il sépare ce qui relève de l'indexation pour le référencement de ce qui sert à alimenter les réponses d'AI Overviews. "Google devrait être tenu d'utiliser des robots distincts pour l'indexation et pour l'extraction de contenu pour ses produits d'IA, un moyen efficace et proportionné de s'assurer que Google ne force pas les éditeurs à prendre une décision de type 'tout ou rien'. De cette manière, le consentement pour la recherche traditionnelle ne serait pas supposé s'étendre à l'utilisation d'AI Overviews", indique la PPA dans ses recommandations à la CMA.
De ce côté-ci de la Manche, les éditeurs sont aux aguets. "Nous suivons ce dossier AI Overviews de très près, il s'agit d'un nouveau mécanisme qui renforce la domination de Google et supprime la visibilité des liens vers les sites des éditeurs et par conséquent le renvoi de trafic et leur rémunération. Des éditeurs de l'Alliance ont déjà commencé à faire constater dans les pays limitrophes à la France le fait qu'AI Overviews fait ressortir leurs titres. Or, la seule façon de ne pas être utilisée par AI Overviews et l'IA Mode, c'est de se déréférencer du search, ce qui n'est évidemment pas une solution", explique Léa Boccara responsable du pôle juridique et des affaires publiques de l'Alliance de la presse d'information générale (Alliance). Une situation d'autant plus critique que le moteur de recherche détient environ 90% des parts de marché en France et dans le monde. "AI Overviews se sert des articles des éditeurs de presse sans aucune autorisation préalable et sans aucun complexe", ajoute Pierre Petillault, directeur général de l'Alliance.
La baisse drastique de clics entraînée par ces aperçus d'IA a été démontrée plus d'une fois. Une étude commandée par Foxglove, publiée le 24 juillet par la société britannique Authoritas, indique que la baisse du trafic atteint 79% pour les sites précédemment classés en première position, quand ils apparaissent après le résumé d'AI Overviews. Aux Etats-Unis, une étude du Pew Research Center, rendu publique le 22 juillet, indique qu'AI Overviews génère deux fois moins de clics et que ces résumés d'IA apparaissent dans 20% des résultats de recherche.
"Les réponses fournies par AI Overviews se substituent au clic : l'utilisateur accède à une information synthétisée sans passer par le site éditeur. Certes, des sources peuvent apparaître dans un carrousel ou en note, mais elles sont souvent présentées de manière secondaire, sans contexte éditorial ni incitation à cliquer. Le taux de conversion (clics vers les sites) sera très certainement inférieur aux standards de la recherche classique", indique le Geste dans une note interne. Une situation également dénoncée par la puissante News/Media Alliance aux Etats-Unis et qui se reflète aussi dans les remèdes soumis par le ministère de la Justice américain à la cour dans le cadre du procès pour abus de position dominante de Google dans le search. Si le tribunal fédéral de Columbia retient ces recommandations, Google sera obligé de revoir sa copie. D'autant que l'entreprise a récemment intégré des résumés IA dans Discover, le fil d'actualité de l'application mobile Google et du navigateur Chrome, devenu la première source de trafic pour les sites de news.
"C'est l'intégralité de la chaîne de valeur de l'édition, du commerce et de la publicité en ligne qui est directement impactée par AI Overviews. D'où l'importance d'amener Google à discuter avec tout le marché pour trouver une voie médiane de coopération afin d'accompagner et de mieux répartir la valeur d'une telle innovation en préservant le pluralisme sans pour autant générer d'impacts négatifs si préjudiciables à l'ensemble de l'écosystème", conclut Fayrouze Masmi-Dazi, avocate spécialiste en droit de la concurrence.