L'e-commerce a-t-il vocation à devenir une boucherie sans os ?
Après lecture d'une interview d'Olivier Bernasson de fin août sur l'excellent Journal du Net, je tenais à prendre un peu le contrepied de la vision d'Olivier, qui annonce de façon quelque peu alarmiste des fêtes de fin d'année pas très réjouissantes pour les e-commerçants fragiles.
Olivier Bernasson, pour les rares qui l'ignoreraient encore,
est le charismatique fondateur et PDG de pecheur.com, un site de vente en ligne, ou plutôt LE site
de vente en ligne de matériel de pêche leader en France. Fondée en 2000, cette
entreprise est une des plus belles réussites dans le domaine de la pêche et
donc Olivier une sorte de sommité dans le secteur du e-commerce. un avis
autorisé et pertinent mais parfois un peu excessif.
Je le citais, toujours la semaine dernière, dans un billet relatant les résultats d'une étude de la
Fevad, en indiquant n'être que partiellement d'accord avec son point de vue.
Que nous dit Olivier, en substance résumé dans l'accrocheur et percutant titre
de l'interview proposée par le Journal du Net ? "La crise va décimer les e-marchands fragiles, Noël s'annonce comme une
vraie boucherie".
Une vraie boucherie ?
Pour tout vous dire, en bon Tintinophile, quand je lis boucherie, c'est à la boucherie Sanzot que je pense. Et là, je trouve qu'Olivier
exagère le tableau. Parce que des os à ronger, le e-commerce en réserve encore.
Je ne suis pas d'accord avec lui et cela pour au moins 3 raisons :
- Tout d'abord parce que le
monde de la boucherie traditionnelle et du travail manuel a tant évolué
que désormais on recrute les bouchers comme des joueurs de foot !
Yves-Marie Le Bourdonnec, l'Olivier Bernasson de la boucherie, est l'ambassadeur de charme d'un secteur qui manque de bras. En mal de vocation. le secteur compte 300 entrants dans ses différents centres de formation pour 100 sortants. Alors que le secteur aurait besoin, rien que sur Paris, de recruter un bon millier de jeunes. - Ensuite, parce que même en ligne, la boucherie se porte particulièrement bien. J'en veux pour preuve le deuxième tour de table de la boucherie en ligne Carré de Boeuf qui vient d’effectuer une levée d’un montant de 1,5 million d’euros !
- Enfin et là, les raisons sont un peu plus sérieuses, parce que s'il a raison de souligner que tout n'est pas rose, le e-commerce continue de représenter une véritable opportunité. Je vois bien cette tendance que certains qualifient de réaliste et d'autres, comme moi, d'alarmiste, qui consiste à faire succéder chaque chiffre encourageant du secteur par un laconique "mais pour combien de temps" ou "combien s'en sortiront".
Olivier, comme la plupart des pure players installé depuis longue date dans
le secteur et en phase de réussite, souligne à juste titre que plus le temps
avance plus cela sera difficile pour les nouveaux entrants. C'est vrai, du fait
de l'avance qu'ont pris les acteurs "historiques" et également du
fait de la crise qui commence à toucher aussi le e-commerce. Certes les
résultats de croissance à 2 chiffres ne sont pas révélateurs de l'hétérogénéité
des e-commerçants qui font vivre le secteur.
Il souligne également que les commerçants faisant moins de 1 million d'euro de
revenus annuels, du fait du peu de charges qui leur incombe, se défendront
bien. Là, je partage son point de vue.
Mais que dire des milliers d'opportunités pour des TPME qui fabriquent,
produisent, inventent ou importent des produits ? Hier, ils étaient dépendants
et devaient passer par les sites de ceux qui savaient faire, aujourd'hui et
plus encore demain, ils auront la possibilité d'aller récupérer en direct leur
clientèle perdue sur le Net ...
Rien de véritablement nouveau sous le soleil, la crise va probablement
décimer les e-marchands fragiles, comme un simple accélérateur pour des
e-commerçants qui n'avaient sans doute pas la ténacité ou la niche adéquate
pour survivre et se développer dans le e-commerce, crise ou pas crise, avoir
une boutique en ligne c'est bien, avoir des clients c'est mieux.
Sans vouloir être trop incisif,
et encore moins naïf, je ne pense pas que Noël s'annonce comme une boucherie.
Par contre, en termes de taxe, souhaitons tous de conserve que le gouvernement
ne nous envoie pas à l'abattoir ...