Gauthier Picquart (Rue du Commerce) "Nous renforçons notre régie publicitaire pour améliorer notre marge"
Rue du Commerce vient de publier un résultat net annuel en chute de 25 % à 2,1 millions d'euros. Son PDG cherche à améliorer ses marges, à travers la galerie marchande et la monétisation d'audience.
JDN. Lorsque vous avez lancé la galerie marchande en juillet 2007, votre objectif était d'obtenir une marge supérieure à 2 %. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
Gauthier Picquart. A l'époque, nous avions prévu deux années d'investissement, au cours desquelles la galerie devait subir des pertes d'exploitation. Nous sommes toujours dans sa deuxième année d'existence et la galerie a perdu 2,7 millions d'euros, à peu près comme l'an dernier. Cette phase de mise en place permettra d'augmenter les marges dans les années qui viennent. En revanche, c'est bien grâce à la galerie que notre marge brute augmente de 19,7 % sur l'exercice clos au 31 mars 2009. Pour cet exercice, le chiffre d'affaires réalisé de la galerie dépasse 18 millions d'euros. D'ailleurs, au deuxième semestre de cette année, la galerie sera rentable, pour un résultat seulement légèrement négatif sur l'année.
"Si notre croissance est inférieure à celle de nos concurrents, c'est parce que nous travaillons la rentabilité"
D'après l'Acsel, la croissance des sites marchands matures est de 4 % au premier trimestre 2009. Et la vôtre ?
Au premier trimestre 2009, elle est de 9 %. Par contre, sur le high tech, qui est très bataillé, nous sommes à - 1 %... mais en étant rentables, car nous ne prenons pas de chiffre d'affaires à tout prix. Plus largement, ce secteur est condamné à voir son chiffre d'affaires baisser, car même si le nombre de transactions augmente fortement, de 9 ou 10 % en un an, les prix des produits baissent eux-mêmes tout aussi rapidement. Nous voyons d'ailleurs les industriels comme Sony, HP ou Tom-Tom subir des chutes terribles de leurs ventes, de 20 ou 30 %, qui se répercutent forcément en partie sur les vendeurs.
Si notre croissance est inférieure à celle de nos concurrents, c'est parce que nous travaillons la rentabilité. Prenez TopAchat et Clust. Ils faisaient un gros chiffre d'affaires mais perdaient de l'argent : cela n'a pas de sens. A moins bien sûr de s'appeler Casino et de vouloir prendre des parts de marché en ligne avec Cdiscount, ou DSG avec Pixmania. Mais nous sommes indépendants, nous avons beaucoup de trésorerie - 20,7 millions d'euros, en hausse de 5 % sur un an - et nous continuons à avancer. Cela ne me dérange pas de perdre 2 ou 3 points de croissance par rapport à mes concurrents, parce que nous sommes rentables.
Comment est dépensée votre marge brute, qui s'élève à 51,7 millions d'euros ? Est-ce en publicité et en communication ?
Non, nous faisons peu de publicité, surtout en comparaison de la distribution traditionnelle. Nos dépenses en la matière se résument surtout à la campagne télévisée que nous avons réalisée autour des "packs 1 euro". Ce qui coûte cher, c'est d'abord la logistique et le suivi client.
Au vu de vos résultats, le "pack 1 euro", qui regroupe un téléphone et un produit high-tech pour 1 euro à la condition de souscrire à un abonnement mobile, a-t-il été une si bonne opération que cela ? Ne vous a-t-il pas coûté trop cher ?
Il nous a coûté cher, mais il a généré beaucoup de chiffre d'affaires, de rentabilité, un accroissement de l'audience et du taux de pénétration. De plus, il nous a permis de prendre une position significative sur les abonnements mobiles. Donc nous poursuivons l'opération.
Vous aviez entrepris de vous positionner sur des produits plus haut de gamme, sur lesquels la marge est meilleure. Abandonnez-vous cette idée ?
"TopAchat et Clust, achetés 100 000 euros, seront rentables d'ici l'été"
Plus que sur les produits haut de gamme, nous avons surtout développé notre offre de produits innovants, qu'on ne trouve pas partout. Certes, dans le contexte actuel, une grande partie de la clientèle se tourne vers les modèles d'entrée de gamme. De plus, les fabricants eux-mêmes baissent les prix pour continuer à s'assurer une diffusion en masse de leurs produits. La tendance est donc à l'achat de produits discount en masse. Mais en tant que généraliste, nous nous devons de rester présents sur les deux segments.
Qu'allez-vous faire pour redresser votre croissance ?
Nous allons continuer d'étendre notre offre. D'une part du côté des produits innovants, pour nos clients les plus pointus, ce qui nous apporte une marge plus importante. Et à l'autre bout du spectre en déstockage des fabricants, en négociant des prix plus bas grâce aux stocks plus importants qu'il leur reste.
D'autre part, nous allons développer de nouvelles activités dans le but d'améliorer nos marges. Poursuivant dans la direction de la galerie et des "packs 1 euro", nous allons chercher de nouvelles voies pour commercialiser nos produits. Nous allons aussi poursuivre le lancement de nouveaux services, que nous avons multipliés ces derniers mois. Nous avons en effet lancé un certain nombre d'assurances, de garanties, de prestations d'installation, d'assistance, etc. Nous avons également travaillé à la question du financement, en proposant depuis février une carte de paiement et de fidélité Rue du Commerce.
Dans le contexte actuel de crise économique et de concurrence accrue dans le secteur high tech, ressentez-vous le besoin de faire plus de publicité ?
"Notre ambition est de devenir le premier acteur du e-commerce en France d'ici 2 à 3 ans"
Nous sommes dans un modèle de rentabilité faible. Comme nous sommes indépendants, et non adossés à un grand groupe, nous avons vocation à être rentables. Nous ne pouvons donc pas nous permettre des dépenses publicitaires trop importantes et nous concentrons sur des opérations précises, comme le "pack 1 euro". Ceci dit, nous avons connu une forte augmentation de trafic ces derniers mois, en particulier due au fait que nous avons étoffé nos gammes de produits. Sur l'exercice 2008-2009, l'audience a crû de 17 %.
Comment se répartit votre budget publicitaire ?
Nous travaillons toujours le retour sur investissement et la rentabilité pour l'entreprise de nos investissements en communication. Nous n'achetons donc pas de mots clés et ne sommes pas présents dans les comparateurs de prix, car cela n'est pas rentable pour nous. Par contre, nous faisons de l'affiliation, du référencement naturel et du parrainage car ces opérations nous permettent de conquérir des clients et sont rentables.
Quels sont vos projets pour TopAchat et Clust ?
Leur acquisition a été très intéressante pour Rue du Commerce, puisqu'à 100 000 euros, nous ne les avons pas payés cher. Comme ils s'intègrent parfaitement dans notre cœur de métier, notre travail de synergies sur la logistique et les achats va nous permettre de les rendre rentables très vite, d'ici l'été (en 2008, les deux sites ont enregistré une perte de 21 millions d'euros, ndlr). De plus, TopAchat et Clust réalisaient en 2008 un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros. Nous retrouvons donc notre position d'acteur incontournable sur les produits techniques. Nous ne prévoyons d'ailleurs pas de faire disparaître ces sites, mais au contraire de les faire exister en tant que tels, avec un positionnement produits et prix propre.
"Nous renforçons notre régie publicitaire afin de mieux monétiser notre audience et d'améliorer notre marge"
Vous avez ouvert en novembre une application mobile. Quel bilan en tirez-vous ?
Il y a des pays où le mobile commence à représenter l'essentiel du business, comme le Japon. Nous avons donc lancé cette application parce qu'il était indispensable de prendre position sur ce marché d'avenir, même si aujourd'hui elle ne concerne pas de gros volumes. Dans les mois à venir, nous la rendrons compatible avec tous les terminaux.
Où en sont vos projets d'internationalisation ?
Nous sommes présents en Espagne et au Benelux, mais nous n'avons pas d'autres projets. Nous pensons qu'il ne faut pas attaquer d'autres pays en propre, mais par des partenariats. Et de toutes façons, pour cela, nous attendons d'être leaders en France. Notre priorité est donc de consolider notre position sur le high-tech et de développer la galerie pour en faire un véritable deuxième pilier de notre activité. Notre ambition est de devenir le premier acteur du e-commerce en France d'ici deux à trois ans. Pour cela, nous comptons beaucoup renforcer notre régie publicitaire afin de mieux monétiser notre audience et d'améliorer notre marge. C'est dans cette optique que nous avons recruté Jacques Hemmendinger, ancien directeur commercial de Clear Channel France, pour prendre la tête de notre régie publicitaire.
En savoir plus : Etude Benchmark
Le commerce électronique en France, bilan 2008, perspectives 2009
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