Livraison : ces start-up qui se positionnent sur le dernier kilomètre
Quand Colisweb et Deliver.ee s'insèrent dans les tunnels d'achat pour proposer les coursiers de leurs réseaux, Tok Tok Tok intègre le dernier kilomètre à des prestations d'achat délégué.
Pour trouver des relais de croissance et se différencier, les marchands multiplient les options de livraison répondant aux exigences variées des consommateurs. C'est ainsi que sont apparues des start-up proposant d'envoyer un coursier récupérer une commande en magasin et la livrer dans la foulée, ou sur rendez-vous. Aux Etats-Unis, on peut citer Zipments ou Deliv.co, voire même Uber qui s'essaie à New York à la livraison de marchandises. En France, deux start-up ont investi le créneau : Deliver.ee et Colisweb.
Se définissant comme des "Uber de la livraison", ils agrègent tout un réseau de professionnels du transport de colis : coursiers, sociétés de transport, artisans... Le service s'intègre par API au tunnel des e-commerçants pour apparaître à l'étape du choix de l'option de livraison. Et en temps réel, la solution identifie dans sa base le coursier le plus adapté (en fonction de la localisation, du trajet à parcourir ou encore du poids et de l'encombrement du colis) et lui transmet la course. La prestation est facturée au marchand en fonction de la distance et de l'accessibilité, du niveau d'urgence et du véhicule nécessaire à la course.
Une dizaine de grandes villes chacun, mais des approches divergentes
Deliver.ee, qui a réalisé sa première livraison en novembre 2013 à Paris, a été intégré par Fnac.com en novembre 2014 juste à temps pour le pic de Noël. Une belle signature pour la start-up qui, outre le BHV, Karine Arabian ou Sauver le Monde des hommes, travaille également pour des start-up à la recherche de cette brique locale (LePetitBallon, BouquetApp...), ainsi qu'avec la marketplace de boutiques haut de gamme Farfetch en Ile de France. "Stripe est une excellente API de paiement, Deliver.ee se donne la même mission sur le local", explique son cofondateur Romain Libeau, qui revendique 50 clients au dernier pointage.
La start-up couvre actuellement 10 villes avec 1000 coursiers dont la moitié en Ile de France. Elle réalise une centaine de livraisons par jour et se fixe d'accroître cette volumétrie de 15% par semaine. "Nous ne prévoyons cependant pas de nous étendre à d'autres villes françaises, où le business serait insuffisant. Nous envisagerons plutôt les grandes villes des pays limitrophes, où nos clients nous incitent à nous développer, fin 2015 ou début 2016, par exemple à la suite d'une nouvelle levée de fonds."
Colisweb, qui s'est pour sa part lancé en janvier 2013 à Lille, a réalisé son premier pilote avec Leroy Merlin autour d'un service de livraison à partir d'un achat magasin : le consommateur peut acheter en point de vente et demander à se faire livrer dans les trois heures ou, en cas de rupture de stock, réaliser tout de même son achat et être livré depuis un autre magasin de l'enseigne. Colisweb travaille avec 20 enseignes dont 6 grands comptes (Leroy Merlin, Habitat, Norauto, Darty, Boulanger et Guy Degrenne). "Depuis 15 jours, nous sommes aussi intégrés au tunnel d'achat de Darty.com à Paris et d'autres villes suivront dans les prochaines semaines", souligne son cofondateur Rémi Lengaigne. Intégré aussi aux sites marchands de The Beautyst et LaSante.net, Coliweb s'inscrit dans les feuilles de route de ses clients click&mortar.
Colisweb mise sur une techno apte à apporter le service en région
Actif dans 12 villes françaises avec 430 coursiers dont une centaine en Ile-de-France, la start-up envisage pour sa part de couvrir une vingtaine de villes d'ici la fin de l'année, en fonction des plans de développement de ses clients. Sur les 200 livraisons qu'elle réalise en moyenne chaque jour, une moitié relève du BtoB au travers de réapprovisionnements inter-boutiques (ou inter-centres pour Norauto), en particulier en province. "Le BtoC est toutefois amené à prendre le dessus au fur et à mesure des déploiements sur les sites de nos clients", ajoute Rémi Lengaigne. Lequel envisage également pour le premier semestre 2016 une expansion dans les pays limitrophes, demandée par les enseignes comme par les transporteurs intéressés par la technologie de la start-up.
Si les deux start-up semblent sur des trajectoires très proches - Colisweb a d'ailleurs levé 850 000 euros en octobre 2014 et Deliver.ee 500 000 en novembre - elles se distinguent toutefois par des approches assez éloignées de leur métier. Pour mettre un premier pied dans la livraison crowdsourcée, Deliver.ee a lancé le 8 mars à Paris une offre de livraison de croissants le dimanche matin, Sunday by Deliver.ee, qui propose à tout un chacun (et particulièrement aux étudiants, chômeurs et retraités intéressés par ce complément de revenu) d'aller retirer des croissants dans leur boulangerie de quartier pour les apporter à leurs acheteurs. "Nous commençons ainsi à bâtir un réseau de livreurs à pied, indépendant de nos clients marchands, qui étoffera notre gamme de transports pour à terme permettre de livrer toute une variété de produits".
Chez Coliweb, l'aspect collaboratif attendra encore un peu, mais la start-up continue d'améliorer sa plateforme pour pouvoir la connecter à un éventail plus large de transporteurs professionnels, incluant toute la mobilité urbaine jusqu'aux VTC (et dans un deuxième temps les particuliers). Coliweb consacre également une bonne partie de sa R&D à analyser les données des livraisons pour calculer en temps réel le prix le plus juste à proposer au transporteur. "En région, il n'y a pas de grosses sociétés de course comme à Paris, le marché est bien plus éclaté. D'où notre modèle qui, par cette valeur que nous créons, permet au service d'exister en région. Deliver.ee, de son côté, ne fait qu'apporter du volume." Deliver.ee qui, en effet, réalise 80% son activité en Ile de France.
Positionné sur l'achat délégué, Tok Tok Tok couvre aussi le dernier kilomètre
Aux côtés de Colisweb et Deliver.ee, tous deux des "commissionnaires de transport" pour leurs clients, d'autres modèles se développent autour du dernier kilomètre. C'est le cas de Tok Tok Tok, qui à l'instar de son modèle américain Postmates, s'est lancé en 2013 sur un concept d'achat délégué : l'utilisateur confie son acte d'achat à un "runner" (artisan, indépendant, salarié d'une société de transport, autoentrepreneur, étudiant à son compte...) qui se rend en magasin, paie à sa place avec une carte prépayée créditée en temps réel, puis lui apporte sa commande. La start-up ne se limite donc pas au dernier kilomètre de la livraison mais prend en charge toute l'horizontalité de la chaîne de valeur.
Les partenaires de Tok Tok Tok n'ont pas à se soucier du picking
"Nous avons des partenariats avec des chaînes comme Monoprix ou Toys R Us que nous mettons en avant dans l'application et qui n'ont à se soucier d'aucune question de picking ou de logistique, explique son fondateur Serge Alleyne. Mais notre plateforme permet aussi de brancher des commerces de proximité qui n'ont pas les moyens de mettre en place le service eux-mêmes." Son mode de rémunération n'est donc pas le même non plus. Tok Tok Tok prend 20 à 25% du montant perçu par le runner et 10 à 25% du montant de la vente apportée au marchand. Et lorsque le produit demandé n'est pas dans son catalogue, il facture à l'acheteur 10% de panier en plus.
Tok Tok Tok a signé avec 250 enseignes représentant 20 000 points de vente partenaires à Paris. Et dans deux mois, l'application permettra aux utilisateurs de passer des commandes en dehors du catalogue présenté, en désignant la boutique de leur choix. Ce n'est pas tout, puisque dans le courant de l'année, les marchands pourront éditer eux-mêmes leur catalogue sur Tok Tok Tok. "Notre modèle n'a pas de limite, il accepte les grands distributeurs comme les artisans et va rendre disponibles tous les marchands d'une ville."
Le service est d'ailleurs souvent saturé, la demande dépassant régulièrement le nombre de runners. "Un client qui a déjà utilisé le service commande en moyenne quatre fois par mois", se réjouit en effet Serge Alleyne. La start-up œuvre donc à accroître sa base de runners, qui ne sont encore que quelques centaines aujourd'hui mais peuvent se multiplier rapidement : un runner n'a besoin que de son smartphone et de la carte prépayée. Elle prévoit également de s'étendre en 2015 à d'autres villes françaises et à des villes étrangères, Londres en premier lieu. "Maintenant que la technologie et les process sont rodés, notre modèle est facile à répliquer. Et ensuite, les clients sont fidèles."
Recruter des runners pour massifier les flux
Pour creuser l'écart avec d'éventuels futurs concurrents, Tok Tok Tok a levé 1,5 million d'euros en novembre 2013 puis a conclu d'autres tours de table jamais communiqués. "Nous avons beaucoup investi pour affiner les process logistiques, développer une technologie poussée incluant du mapping en temps réel, construire notre réseau de marchands et de runners, ajuster tous les détails qui comptent pour la qualité de service." Et comme dans la livraison, la massification des flux offre un modèle vertueux aux acteurs qui dépassent un certain seuil d'activité, Tok Tok Tok devrait bénéficier de cette prime au premier entrant qui lui assurera une bonne barrière à l'entrée. "Plus nous aurons de runners et plus il y aura de points de vente couverts, moins le service sera cher et plus les utilisateurs seront addicts. Nous voulons qu'ils aient le réflexe Tok Tok Tok quelle que soit leur envie d'achat."
Aux Etats-Unis, de grands acteurs du Web se positionnent également sur ce modèle, comme le montrent les services eBay Now, Google Shopping Express et Amazon Now. Avec la même différence que Tok Tok Tok par rapport à Colisweb et Deliver.ee : leur objectif est de capter plus d'acheteurs sur leur plateforme, pas de devenir des spécialistes du transport de marchandises.